
Telles sont les cérémonies qui étaient censées donner à la fête la consistance d’un
acte de dévotion. L’on comprend que ce-n’est point à celles-là que j ’ai fait ailusion en
parlant de l’influence du culte Kami sur le développement du goût dramatique de la
nation. A côté de ces jongleries puériles, il y avait ce que nous pouvons appeler le cortège
historique, grande procession de prêtres masqués et costumés, exécutant, dans les
stations, diverses scènes empruntées à la vie de leur héros. Ces représentations théâtrales
en plein air étaient accompagnées de musique, de chants et de danses pantomimes. Les
beaux-arts et la poésie se faisaient les interprètes des traditions nationales, et le peuple,
accouru en foule, recevait avec avidité cet enseignement patriotique. Quelquefois on le
rehaussait d’une exposition de trophées d’armes ou de groupes de figures d’argile reproduisant
les traits et portant les costumes traditionnels des principaux Kamis. On les disposait
sur des chars ou sur des échafauds de forme pyramidale, où l’on trouvait aussi moyeu
de représenter tel bâtiment, tel pont, telle jonque, tel lieu sacré, illustrés par les héros
dont on célébrait la mémoire.
Dans l’origine, ces fêtes anniversaires, que l’on nomme Matsouris, étaient limitées à
un petit nombre de villes, les plus anciennes de l’empire. Huit provinces seulement
avaient l’honneur de posséder des Kamis. A dater du dixième siècle, chaque province,
chaque district, chaque endroit de quelque importance voulut avoir son héros, son céleste
patron. Finalement le nombre des Kamis honorés au Japon s’éleva à trois mille cent
trente-deux, parmi lesquels, à la vérité, l’on trouva convenable de faire une différence
en faveur des p lus anciens. On en compta quatre cenf quatre-vingt-douze qui furent
désignés sous le titre de grands Kamis, et les autres reçurent le nom de Kamis inférieurs.
Dès lors il y eut des Matsouris sur tous les points du Japon, et d’un bout à l’autre
de l’empire se répandit le goût des récits héroïques et des jouissances artistiques alliées
à l’amour de la patrie et des mâles vertus.
Sous ce rapport, la religion nationale du Japon n’a pas été stérile. 11 en est resté
quelque chose, car elle a créé un peuple qui possède universellement le sentiment du
patriotisme, un empire qui n’a j,amais connu le joug de Tétrangêr, et un gouvernement
qui, même de nos jours, a conservé dans ses relations avec les plus puissants États de
l’Europe son entière autonomie.