
« Voici la meilleure de toutes les doctrines. Venue de l’Inde lointaine, elle nous
révèle ce qui fut un mystère pour Confucius lui-même, et nous transporte dans un
état final dont la félicité ne peut être surpassée.f Le roi de Petsi la communique à
l'empire du Mikado, afin qu’elle s’y répande et qu’ainsi s’accomplisse ce qui est écrit
dans les livres du Bouddha: Ma doctrine s’étendra vers l’Orient.»
Aussitôt le Mikado consulta ses ministres sur l’accueil qu’il convenait de faire à la
statue du grand Kami de l’Inde? « Toutes les nations de l’Occident, répondit Inamé,
vénèrent le Bouddha, pourquoi le Nippon lui tournerait-il le dos?.— Mais, objecta
Wokosi, si nous allons rendre hommage à un Kami étranger, n’est-il pas à craindre que
nous n ’irritions les Kamis nationaux ? »
Alors le Mikado prononça souverainement cette sentence conciliante : « Il est juste et
équitable d’accorder à l’homme ce que son coeur désire. Qu’Inamé révère l’image ! »
Celui-ci l’emporta et lui construisit une chapelle.
Cependant, une épidémie s’étant déclarée, on l’attribua au nouveau culte. La chapelle
fut brûlée, et la statue jetée à la rivière.'
La famille d Inamé n’en demeura pas moins secrètement attachée à la doctrine
étrangère.
Sous le règne de Bidats, succésseur de Kin-Meï, le ministre Sogano, fils d’Inamé,
présenta au Mikado un bonze venu de Sinra en Corée.
Le saint homme, prévenu des difficultés que rencontrerait l’introduction du bouddhisme
dans un pays où la religion nationale unissait si intimement le peuplp et le*«
souverain, imagina un moyen de se rendre le Mikado favorable.
Aussitôt qu’il aperçut à la cour le petit-fils du Mikado, jeune garçon de six ans,
dont la naissance avait eu quelque chose d’extraordinaire, il se prosterna aux pieds de
l’enfant miraculeux et l’adora, en annonçant qu’il reconnaissait en lui l’incarnation d’un
émule du Bouddha, un nouveau patron de l’empire, un futur propagateur de la lumière
religieuse.
Le Mikado se laissa persuader de vouer cet enfant au sacerdoce et de confier son
éducation au bonze coréen. Le resté se devine. Ce jeune garçon devint l’initiateur
et le premier grand prêtre du bouddhisme dans l’empire du Japon. Il y est aujourd’hui
révéré sous le nom de Sjô-Tok-Daïsi, le saint et vertueux prince héréditaire.
Loin de renier l’origine étrangère du nouveau culte, les Japonais se sont fait un
devoir de la rappeler par divers symboles, tels que ces têtes d’éléphant que j ’ai déjà
citées parmi les ornements d’architecture des monuments bouddhistes, et jusqu’à des,
plants de palmiers, d’une petite espèce acclimatée au Japon, que l’on rencontre aux
abords des temples, en souvenir de l’Inde.
Il leur était plus facile de témoigner, par certains signes extérieurs, de leur respect
pour le berceau du Bouddha, que de conserver sans altération ce qui constitue l’essence
même de sa religion, c’est-à-dire l’exacte tradition de sa vie, de sa personnalité,
de ses enseignements.
Dans la légende japonaise, le Bouddha vient au monde d’une manière miraculeuse.