
i l
encore son petit autel et son tori. Un pont rustique jeté sur le ruisseau conduit à un
sentier qui serpente parmi les arbres et les rochers jusqu’aux palissades supérieures
de l’enclos. Là, sous un abri de pins et de lauriers, l’on a taillé un reposoir d’où la
vue domine les jardins et les bâtiments du Tjoôdji, et se perd sur la rade et les forts qui
la protègent.
A l’heure du coucher du soleil, ce petit tableau est plein de charme. Le ciel et la
baie s’animent des plus riches couleurs. Le feuillage des collines resplendit d’une
illumination soudaine. L’étang se colore de teintes pourprées. Puis l’ombre envahit le
verdoyant enclos et gagne peu à peu les groupes d’arbres qui l’entourent. Les oiseaux
de la plage viennent en grand nombre y chercher un asile. Bientôt les touffes du
feuillage se découpent en noir sur le ciel argenté, et l’étang reflète, comme une glace, les
rayons tremblants des étoiles.
C’est alors que la ronde de nuit parcourt, silencieuse, tous les recoins de la bonzerie.
Elle poste de distance en distance une sentinelle munie d’un falot en papier de couleur.
Les factionnaires japonais s’accroupissent tranquillement après avoir placé les lanternes à
leurs pieds. L’un est à l’angle de la véranda du salon ; un deuxième, au reposoir du point
culminant de l’enclos; un troisième, près du pont de l’étang; d’autres encore, derrière
le temple et à la porte de ma chambre à coucher, et" entre le tori et l’issue de la salle à
manger. Le service des patrouilles se fait avec exactitude. A leur approche, les sentinelles
se lèvent et crient : Daléda? On répond par le mot d’ordre de la nuit. Le chef du
poste a soin de me le communiquer régulièrement par écrit, en japonais et en hollandais.
Le spectacle de cet appareil militaire me poursuit même sur le chevet de mon lit : à
travers les châssis de papier de ma chambre à coucher je vois luire dans le jardin et sur
la véranda les falots de nos sentinelles ; et ce qui doit mettre le comble à ma sécurité,
c’est que nul obstacle ne s’interpose entre mes gardes et moi, car toutes nos portes sont
à coulisse et parfaitement franches de serrures.
A l’exception du Tjoôdji, je ne puis parler par expérience de l’intérieur des légations.
Elles étaient alors fermées, les membres du corps diplomatique s’étant retirés
à Yokohama. J’ai lieu de présumer que, sauf quelques variantes, elles offrent à leurs
hôtes des conditions d’existence fort analogues à celles que je viens d’esquisser.
Depuis la conclusion du traité suisse, la Confédérafion a reçu en propre, à l’usage
de son consul général, la jouissance d’un petit temple, nommé Sôzendji, qui se trouve
entre la légation de Hollande et la légation de France, et qui possède un des plus jolis
jardins des rives de la baie.
La plus ancienne des résidences étrangères de Yédo est celle d’Akabané, située dans
le quartier de ce nom, qui occupe l’angle Nord-Ouest de l’arrondissement de Takanawa.
Le gouvernement japonais en avait fait, en 1858, le caravansérail des ambassadeurs. Ils
y trouvaient le gîte, sans ameublement ni autre confort que les nattes et les châssis indigènes.
C’est là que sont descendus, tour à tour, M. Donker-Curtius, l’amiral Poutiatine,
le baron Gros, le comte Eulenbourg. Depuis 1861 cependant, l’Akabané, si je ne fais