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officiers de tout grade, devant le règlement des usages du Castel, suffit pour sauver les
apparences et maintenir le prestige de la majesté taïkounale.
Il n’est pas jusqu’aux représentants des puissances étrangères qui, à l’occasion de
leurs audiences avec le souverain temporel du Japon, n’aient dû convenir d’une étiquette
propre à le glorifier aux yeux des dynastes féodaux les plus jaloux de son pouvoir. Et
pourquoi n’en serait-il pas ainsi? L’oeuvre d’unification tentée par Gonghensama et ses
successeurs n’a-t-elle pas abouti àda constitution et à l’organisation administrative de l’un
des Etats les plus remarquables qui existent ? L’étendard de l’Empire du Soleil levant, le
pavillon blanc au globe de carmin, flotte du vingt-quatrième au cinquantième degré de
latitude septentrionale, sur toute cette riche ceinture d’îles qui dominent les eaux du Grand
Océan, à deux ou trois jours de navigation du continent asiatique; il brille sur l’archipel
des îles Liou-Kiou, au bord de la zone tropicale, aussi bien que sur les Kouriles et
Krafto, près des limites de la Sibérie ; il protège à la fois le brun cultivateur de Napakiang
dans ses plantations de cannes à sucre, et le blême gentilhomme de la cour du Daïri, et
l’Aïnos velu refoulé dans les sombres forêts de Yéso.
D’un bout à l’autre de cet Empire insulaire, trente-deux à trente-quatre millions d’âmes
obéissent à une constitution qui se proclame immuable avec autant d’assurance que nos
traités d’Europe, conclus, comme on sait, à perpétuité; mais elle diffère de ceux-ci en ce
qu’elle s’est maintenue intacte durant deux siècles et demi. On peut dire qu’elle n’a pas
même varié sur le point où elle a dû subir la loi du progrès, car la question des relations
du Japon avec les peuples étrangers n ’avait nullement été réglée, dans l’origine, d’une
manière absolue et définitive. A cet égard, comme à d’autres, la politique des Taïkouns
s’est dirigée selon les circonstances, et n’a pris conseil d’aucune considération supérieure
à l’intérêt dynastique.
Lorsque les lois de Gonghensama entrèrent en vigueur, les Japonais ne se bornaient
point au commerce d’échange qu’ils entretenaient avec les comptoirs portugais des côtes de
Kiousiou. Ils avaient eux-mêmes une colonie à Manille, des navigateurs et des marchands
dans les ports de Formose, du Tonkin, du Cambodge, de Siam, de Java, des Moluques. Il
y en eut qui visitèrent Mexico. Des matelots japonais allèrent jusqu’à Londres. Des soldats
aussi vendirent leur sang aux Hollandais et aux Anglais dans les guerres des Indes orientales.
A cette époque, le prince de Satsouma venait de conquérir les îles Liou-Kiou, dont
il a gardé la propriété, sous la suzeraineté du Mikado. On avait exploré les parages de la
mer de Tartarie jusqu’à l’embouchure de l’Amour, ceux du Grand Océan jusqu’au Kamtchatka
au Nord-Est et au groupe des îles Bonin au Sud-Est. Le gouvernement japonais
mit la main sur ce petit archipel et y fonda un premier établissement en 1675. 11 ne prit
possession que vers la fin du dix-huitième siècle de la côte Nord-Est de Yéso, ainsi que
des Kouriles et de la partie méridionale de Krafto.
Ces derniers faits démontrent qu’il n’était point dans l’intention des Taïkouns d’isoler
l’Empire japonais aussi complètement qu’on veut bien le dire. S’ils ont cru devoir défendre
à leurs sujets de visiter les ports de mer étrangers, il est probable que cette mesure avait
essentiellement pour but de rompre les liens qui s’étaient formés, par le ministère des
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