
littéraire (Licht-und Schattenbilder, etc.), où l’on rencontre des descriptions de la nature
et de la vie javanaises, qui semblent être des stances d’une magnifique épopée.
Un autre résident de Java, le poëte et publiciste hollandais Dowes Dekker, a parsemé
de scènes et de tableaux poétiques du premier ordre un roman (Max Havelaar), qui est,
dans son ensemble, une sorte de jungle littéraire. Je détache de l’une des parties épiso-
diqïies de ce livre bizarre un conte qui me semble être à la fois l’une des plus heureuses
inspirations de l’auteur et le meilleur exemple à citer pour clore cette digression. .
LE TAILLEUR DE PIERRES
Il y avait une fois au Japon un pauvre tailleur de pierres, simple ouvrier dans les
carrières ; sa besogne était rude, il travaillait beaucoup, ne gagnait guère, et n ’était pas
content dé son sort.
r7; « Oh! si seulement je pouvais être un jour assez riche pour me reposer, couché
sur des nattes épaisses, enveloppé d’un moelleux kirimon de soie ! »
Telle fut la plainte qu’il exhala vçrs le ciel. Un ange la recueillit.
« Qu'il te soit {ait selon ton désir ! » lui dit l’ange. Et il était devenu riche, et il
se reposait, couché sur des nattes épaisses, enveloppé d’un moelleux kirimon de soie.
L’empereur vint à passer. Il était précédé de coureurs à pied et à cheval, suivi d’une
brillante escorte de cavaliers et entouré de gens qui tenaient élevé au-dessus de sa tête
un grand parasol resplendissant de dorures.
« A quoi me sert d’être riche, murmura l’autre, aussi longtemps que je n ’ai pas le
droit de sortir avec une escorte et la tête protégée par un parasol d’or? Pourquoi ne,
suis-je pas l’empereur ? ' _ ,r -
— Tu le seras, » lui dit l’ange.
Et en effet, il était l’empereur'; il avait une escorte de cavaliers devant lui et derrière
lui, et des gens qui tenaient élevé au-dessus de sa tête un grand parasol resplendissant
de dorures.
Le soleil cependant, de ses ardents rayons, desséchait les campagnes, et la route
poudreuse réverbérait son éclat et fatiguait les yeux.
« Le bel avantage d’être l’empereur, s’écria celui-ci, quand l’ardeur du jour vous
accable, et que le soleil ne cesse d’éxercer sur vous son pouvoir ! Parlez-moi d’être le
soleil : à la bonne heure !
— Regarde ! es-tu. content? » lui demanda l’ange.
Car il était devenu le soleil ; et il dardait ses rayons en haut et en bas, à droite et à
gauche, et tout autour de lui.
Et il brûlait les herbes de là terre et la face des princes qui sont sur la terre.
Or un nuage s’interposa entre la terre et lui ; ce nuage repoussait les rayons du soleil
et les empêchait de descendre sur la terre.
« Voici qui est fort, s’écria le soleil, un nuage est donc capable de résister à ma
puissance ; alors il me vaudrait mieux d’être un nuage.
— Qu’à cela ne tienne ! » dit l’ange.
Et aussitôt la transformation s’opère, et le nouveau nuage se place fièrement entre le
soleil et la terre, et se complaît à intercepter les rayons du soleil, si bien qu’il voit la
terre reverdir à son ombre.
Puis il fait tomber de grosses gouttes de pluie sur les campagnes, et des averses«.et
des trombes d’eau, tellement que les torrents débordèrent et que les rivières se répandirent
dans les champs et les dévastèrent.
Rien ne résistait plus à la force de l’inondation : seul, un rocher la dominait, parfaitement
immobile.
En vain les eaux mugissantes le battaient avec fureur, le rocher ne bougeait pas, les
vagues écumantes expiraient à ses pieds.
« Donc un -rocher me fait, la loi, dit le nuage, je désirerais bien être à sa place.
Tu vas y être, » lui dit l’ange.
Et le voilà transformé en un rocher ardu, inébranlable, insensible aux rayons du
soleil, indifférent aux torrents de pluie et au choc des vagues tumultueuses.
Cependant il distingue à ses pieds un homme de pauvre apparence, à peine vêtu,
mais armé d’un pic et d’un marteau ; et cet homme, a l’aide de ses instruments, lui
enlève coup sur coup des quartiers de roc qu’il façonne ensuite en pierres de taille. .
« Qu’est-ce? s’écria le rocher. Un homme aura sur moi le pouvoir d’arracher des
blocs de pierre de mon sein? serais-je donc plus faible que lu i? Alors il faut absolument
que je devienne cet homme !
— Que ta volonté soit faite ! » lui dit l’ange. Et il redevint, comme par le passé, un
pauvre tailleur de pierres, simple ouvrier dans les carrières. Sa besogne était rude, il
travaillait Beaucoup et ne gagnait guère... mais il était content de son sort.