
¿76 LE JAPON ILLUSTRÉ.
Les plus grandes renferment des établissements de bains, des boutiques de comestibles:,
des étalages de mauvais livres, des restaurants, des salles de loterie ou de tir à la sarbacane,
et des tavernes où l’apparente tolérance de la police dissimule adroitement le contrôle
qu’elle exerce sur les mauvais sujets de la capitale. Un pont, jeté en avant du portait de
la Cité, traverse un canal qui se développe dans les rizières, Rien de ce qui passe sur le
pont n’échappe à la surveillance d’un double poste de yakounines, installé en arrière des
portes, dans deux corps de garde vis-à-vis l’un de l’autre. Le factionnaire du service
d’entrée fait monter auprès de son chef, sur l’estrade où scs camarades sont accroupis,
la pauvre voyageuse avec son enfant. Au bout de quelques instants, la mère et la fille
sortent du corps de garde, accompagnées d’un agent de police qui les conduit dans 1 un
des principaux bâtiments de la grande rue, C’est la résidence du fonctionnaire que 1 on
appelle le chef du Gankiro. La mère en revient seule, portant dans une manche de^son
kirimon une somme en argent de la valeur d’une centaine de francs. Le marché qu elle
a fait est dûment signé et soldé. Elle a vendu son enfant, corps et âme, pour le terme de
dix-sept années!
Les contrées de l’extrême Orient qui souffrent d’un excès de population sont celles
où se révèle dans toute son horreur le caractère inhumain, antisocial, foncièrement
dénaturé, du paganisme bouddhiste. Cette religion, tolérante envers les autres cultes
païens, est complice de toutes les mesures qu’ont prises les gouvernements de la Chine
et du Japon pour garantir leurs États de l’invasion de la civilisation chrétienne. Les
entraves mises au commerce des indigènes avec l’étranger, et la défense absolue qui
leur était imposée de sortir de leur propre pays, ont été la causé principale de 1 exubérante
agglomération d’habitants que présentent surtout les cités maritimes. Pour remédier
au mal, la religion, qui en est le vrai fauteur, s’est empressée d’admettre comme palliatif
et dé couvrir de son absolution tout ce que la perversité la plus consommée a imaginé
en vue d’arrêter les progrès de la population. C’est ainsi que le bouddhisme tolère, en
Chine, la polygamie et l’infanticide commis sur les filles qui viennent de naître ; au
Japon, le concubinage et l’avortement ; dans l’un et dans l’autre pays, les vices , contre
nature et la prostitution, organisée sous toutes les formes, développée à tous les degrés,
mise à la portée de toutes les classes de la société, et alimentée sans scrupule par toutes
les ressources du'génie de la spéculation, sans en excepter le trafic d enfants mineurs ou
même d’enfants de tout âge, car la majorité n’est qu’un droit illusoire, s il se trouve en
conflit avéc la volonté des parents.
Le plus souvent, les pauvres créatures sont victimes de l’inconduite d un père qui est
tombé dans le vagabondage ou qui, pour se livrer sans retenue à ses passions, a chassé sa
femme et ses enfants du foyer domestique. La femme au Japon n est entourée d aucune
garantie contre la rupture du lien conjugal. Il n’en coûte au mari que la formalité d une
lettre de divorce. L’épouse abandonnée ne trouvera jamais l’occasion de contracter un
second mariage. La société la condamne; le vide se fait autour d’elle : si elle n a pas de
parents qui puissent la recueillir, elle n ’a que la misère en perspective, pour un temps
plus ou moins rapproché. Dans de pareilles conditions, livrer une fille en bas age .au