
de ses.cages élégantestet de ses cloches bizarres en treillis d’écorpe 3e bambou. On y
vend toutes sortes de volailles, divers palmipèdes remarquables, tels que l’ibis, le héron
blanc et le bleuâtre, le canard mandarin aux ailerons rouge et orange, et, en outre, des
faucons, des éperviers, des hiboux, des pigeons verts, des cailles, des grives, des perdrix
des faisans, mais, si je ne me trompe, aucune espèce d’oiseaux chanteurs.
Plus-loin, sur un vaste étang bordé de plantes aquatiques et orné d’un îlot sacré, des
carpes énormes accourent à la pâture, et permettent d’apprécier les produits de la pisciculture
chinoise, introduite au Japon avec le bouddhisme par les moines du Céleste Empire.
Les solides et spacieuses habitations des bonzes d’Asaksa offrent un appui tutelaire
à de grands théâtres de comédiens et de saltimbanques. Certaines troupes se font
remarquer par la richesse ou par l’étrangeté de leur costume. Le plus bizarre, composé
d’une perruque rousse ébouriffée et d’un justaucorps matelassé, appartient à des
équilibristes dont le jeu est cependant d’une excessive délicatesse, témoin ce joli tour,
à titre d’échantillon : placer à l’extrémité d’une perche une tasse pleine de thé et
recouverte d’une soucoupe renversée ; mettre le tout en équilibre sur le front ; ensuite,
secouer doucement et graduellement la perche jusqu’à ce que le thé contenu dans la
tasse se soit répandu, probablement à l’aide d’une poudre effervescente, sans toutefois
entraîner la chute de la tasse ni de la soucoupe.
Une autre société, qui semble avoir réparti entre ses membres les nobles costumes
des courtisans du daïri, a la spécialité des exercices de souplesse et de légèreté. Le
chef exécute, en lourd manteau de soie et en large pantalon bouffant, une danse
aérienne sur une rangée de lattes plantées en terre. L’un de ses enfants saute et se tient
en équilibre des deux mains et les pieds en l’air, sur une pyramide de légères tables
en laque et de petits blocs de bois entrecoupés d’une tasse de porcelaine. L’autre grimpe
au sommet d’une hampe d’enseigne de guerre, qu’un héraut d’armes lient de la main
droite, et, tout en jouant de’ l’éventail, il se suspend, du bout des pieds, au petit
rouleau mobile auquel est attachée la flottante banderole de l’enseigne.
Des histrions étrangers obtiennent aussi de la police japonaise et achètent des
bonzes d’Asaksa la faveur d’exploiter la merveilleuse kermesse de Quannon,
Une patience imperturbable est la vertu caractéristique des bateleurs coréens.
Il en faut, par exemple, une forte dose pour discipliner une douzaine de tortues,
grandes et petites, ou pour remplir d’huile une bouteille, au moyen d’un puisoir que
l’on plonge dans le tonnelet contenant le liquide, et que Ton verse ensuite en faisant
couler l’huile à fil, dans le cou de la bouteille, à travers le trou d’une pièce de
monnaie de fer. Le charmeur de tortues n’emploie pas d’autre procédé que le chant
et la cadence d’un tam-tam métallique. Ses élèves marchent à la file, exécutent des évolutions
variées et finissent par monter, sans secours humain, sur une table basse, les plus
grosses de ces bonnes bêtes faisant le pont aux plus petites ; puis elles^se, rangent d’elles-
mêmes en trois ou quatre piles; comme on entasserait des plateaux d écaille.
Cependant le bruit et l’agitation tumultueuse de la foire diminuent à mesure que l on
approche des monuments funéraires de la bonzerie. On n’entend plus que çà et là
quelques chants, accompagnés des aigres accords du samsin. Ils sortent des débits de
thé et de saki dissimulés derrière les cèdres sacrés qui abritent les jardins des bonzes
et les collines du cimetière.
Enfin l’on arrive aux dernières retraites de la bonzerie, aux dépendances habitées par
les nombreux serviteurs du couvent ; puis il n’y a plus que les haies vives, les bosquets
de bambous et les palissades qui protègent l’enceinte d’Asaksa-téra du côté des rizières.
Deux issues, gardées par un poste de police, ouvrent sur deux chaussées pratiquées
à travers les marais : Tune conduit aux théâtres de la grande Sibaïa, du côté du fleuve,
et l’autre, en ligne presque directe, au quartier de Sin-Yosiwara.
CHARMEUR DE TORTUES.