
l’autorité dont il n’était redevable qu’à la fortune militaire et politique de son aïeul?
Il me paraît, au contraire, que le digne petit-fils de l’astucieux Iyéyas sut faire, en
cette circonstance* ce qu’il y avait de plus propre à consolider les bases encore mal affermies
de son gouvernement. L’entrevue de Kioto eut pour conséquence de constater deux
faits, dont l’un pouvait être envisagé comme une chose assez indifférente, une pure formalité,
une sorte de lieu commun, tandis que l’autre avait toute la portée d’une consécration
qui manquait encore à la dynastie des Siogouns. Par le premier, l’acte de
génuflexion, le souverain temporel témoignait tout uniment qu’il continuait d’être, par
tradition, le fils soumis du grand pontife de la religion nationale ; mais par le second,
c’est-à-dire l’acceptation de cet hommage, l’empereur théocratique reconnaissait formellement
le représentant d’une dynastie qui venait de se fonder à côté de l’unique souche
légitime et même en opposition avec la volonté du daïri. En apparence, les deux puissances'gisaient7
entre elles un simple échange de politesses; en réalité, le souverain
temporel ifaliénait aucune parcelle de son pouvoir usurpé, tandis que le Mikado abdiquait
publiquement toute prétention ultérieure à ressaisir le gouvernement séculier.
Un résultat pareil valait certainement, de la part du Siogoun, la peine d’être obtenu
au prix d’une génuflexion politique.
Pour ajouter un dernier trait à la signification de la journée, Minamoto Yémitz convoqua
dans la cour de son propre castel la populace de Kioto. Au Japon, comme ailleurs,
c’est une maxime proverbiale, que celui qui paye, commande. La foule s’étant rangée
et alignée par troupes, s’agenouilla en bon ordre. Le Siogoun enjoignit à son trésorier
d’ouvrir publiquement des coffres remplis de paquets d’argent, dont il fit vider le contenu
sur des plateaux étalés dans la véranda. Quand tout fut prêt, des escouades de ses officiers,
munis chacun de l’un de ces plateaux, parcoururent les rangs du peuple, invitant tout
le monde à sè servir et veillant à ce que personne ne fût omis dans la distribution des
largesses du souverain temporel.