
le plaisir de naviguer à la voile. Le silence qui règne à bord ajoute à l’effet majestueux du
vaisseauj chargé, jusqu’au sommet de ses trois mâts, d’un triple étage de voiles blanches.
On eût dit que l’on avait éteint; les feux et fait taire le bruit de la machine pour se recueillir
et se présenter plus dignemënt aux portes de la résidence des Taïkouns. Cependant, la nuit
venue, l’on chauffa de nouveau poiir parer à touté éventualité, car le vent de tèrre contrarie
fréquemment les manoeuvres des navires qui vont* franchir les passes du golfe de Yédo.
Le 26, au point du jour, nous arrivions en vue de six petites îles montagneuses qui
apparaissent comme des signaux élevés à l’entrée de ce vaste bras de mer.
L’une d’elles, nommée Myakésima, se distingue par une haute et large sommité
recouverte de neiges éternelles.
Le soleil se lève et nous offre dans les brumes marines de l’horizon cette image d’un
globe écarlate qui forme les armes nationales du Japon.
Ses premiers rayons éclairent le cap Idsou, sur la grande terre de Nippon, à bâbord,
tandis que nous voyons fumer au Nord-Est les deux cratères de l’île d’Ohosima.
C’ést au fond d’une anse découpée dans le promontoire d’Idsou qu’est située la ville de
Simoda, la première mais la moins importante des places commerciales que l’on rencontre
en remontant le golfe de Yédo. Les Américains avaient obtenu l’autorisation d’y créer un
établissement en 1854. Un tremblement de terre a dès lors bouleversé le sol de la rade de
Simoda, et il n’a plus été question de cette ville dans les traités de 1858.
On découvre sur la côte une quantité de bateaux de pêche, et l’on voit passer aussi de
plus fortes embarcations à deux ou trois voiles qui se rendent de la terre de Nippon aux
îles environnantes. Ce tableau, plein d’animation, est ruisselant de lumière et présente
une remarquable harmonie de couleurs : le ciel est vastè et d’u nnzur splendide; la mer
verdâtre n’a plus les tons sombres des grandes profondeurs, et elle possède encore toute
la limpidité qui la caractérise sur les côtes rocheuses du Japon. Les îlès sont parées
des ¿brillants feuillages du printemps; le brun sévère des rochers est nuancé de riches
teintes d’ocre, et les blanches voiles des barques indigènes, ainsi que le névé de Myakésima
et la fumée des cratères d’Ohosima, achèvent de donner de la vivacité à cette belle
scène de marine:'
Après avoir dépassé l’île du volcan,’où nous avons aperçu des collines boisées, des
champs cultivés et même des villages, nous doublons le cap de Sagami, et nous entrons
dans un bassin resserré du golfe de Yédo, que l’on appelle le Canal d’Uraga.
*C’est dans ces parages qu’en 1853 l’escadre du commodore Perry a jeté l’ancre. La
ville d’Uraga, dont les batteries dominent le détroit dans toutes les directions, était alors
la place la plus importante de la côte. On la regardait comme la barrière de Yédo. Là se
trouvait aussi là première ligné de douanes de cette capitale. Toutes les jonques de commerce
devaient y faire escale pour rendre ;çomple de leur cargaison. Jamais aucun bâtiment
étranger n’avait franchi le çanaL.A sa. seconde; visite, le commodore passa outre pour
exercer une salutaire pression sur la cour de Yédo. Toutefois, , ne voulant pas froisser outre
mesuré les*susçeptibilifés nalionalès, il évita de poiisser jusqu’à la résidence et s’arrêta au
mouillage de Yokohama.