
Arrivé à Shanghaï, au bout de cinq mois de voyage, pendant lesquels j ’avais visité le
Caire, Bombay, Ceylan, Singapore, Batavia, Saigon, Hongkong, Canton et Macao, je
m’embarquai le 6 avril, à destination de Nagasaki, sur le Swatow, petit steamer de commerce
de la force de 60 chevaux seulement. Il appartenait à la maison’anglo-chinoise
Dent et € “, qui l’envoyait au Japon dans l’intention de le vendre à quelque prince de ce
pays.N
ous descendîmes le Wousong jusqu’à sa jonction àvec le Yangtsékiang, et passâmes
la nuit à l’ancre dans la vaste rade que forme l’embouchure du grand fleuve chinois.
Le 7, au matin, nous entrions en pleine mer. Il faisait un temps à rafales, et notre
petit bateau dépourvu de fret roulait d’une façon très-désagréable. Nous voguâmes pendant
deux jours dans une solitude absolue, qui me rappela vivement ce passage d’Oliphant :
« 11 n ’y a pas plus de 450 milles de Shanghaï à Nagasaki, mais l’Océan tout entier roulerait
entre les deux empires que le Japon ne serait pas plus complètement isolé du reste
du monde, >v ;
Le 9, m’étant éveillé avant le jour, j’aperçus, au clair de lune, par Toeil-de-boeuf de
ma cabine, lés sommets arrondis ou coniques de quelques îles qui forment les avant-
postes du Japon. A sept heures, tous les passagers, animés d’une égale impatience, étaient
réunis sur le pont, les regards tournés vers l’orient, où Ton découvrait toujours plus distinctement
les montagnes de Kiousiou. A mesure qu’elles grandissent, Ton voit se détacher
à leurs pieds des groupes d’îles rocheuses. Bientôt celles-ci dominent notre petit
steamer, qui semble aller se perdre dans un archipel sans issue. Tout à coup il est accosté
par une embarcation que conduisent six rameurs demi-nus, vigoureux exemplaires du type
indigène. Le Swatow ralentit sa marche, et reçoit je ne sais comment à son bord un pilote
vêtu*à l(européenne et parlant anglais, probablement quelque échappé des côtes de la
Califomié. Le capitaine le fait monter auprès :de lui, sur. la passerelle. Nous longeons, à
notre* droite, la grande île boisée et cultivée d’Ivoôsima. Nous passons ensuite entre les
îles de Kaminosima et de Kaghéro, où Ton-remarque des batteries de gros calibre, abritées
sous des toitures de planches. A onze heures, nous sommes au pied des rochers à pic de
l’île de Takaboko, à notre gauche : c’est c élleqùe Tes relations hollandaises surnomment
le Papenberg, en souvenir des victimes de la persécution religieuse de 1622, qui furent
précipitées du haut de ces rochers dans la mer. Nous dépassons encore lile des Rats, et
enfin, parvenus entré les promontoires .d’Ogami et dè îilégami, l’un et 1 autre hérissés
de fortifications, nous avons sous les yeux toute la rade de Nagasaki. Elle mesure quatre
milles'de longueur, sur un mille derlargeur en moyenne.' Les plus hautes montagnes
quLla dominent ont de 4 à 600 mètres d’élévation.'.Ce sont, à notre gauche, l’Inasataké;
et: àinatrëïdroitè, le Kawarà-yama; au nord de.Nagasaki, le Kompira-yama, d’où Ton
jouit de Tunè des plus belles vues du monde ; et à l’est, l’Hokwasan et l’Hikosan. La ville
nous apparaît.au pied-dé ce dernier groupe, au fond de l’enceinte de la baie, derrière les
mâts ide: l’ancragé (lés .jonques. Le mouillage, des vaisseaux étrangers parait être _^ui; la
gauche.et ën avant du port dés embarcations indigènes. Nous.y avons compté une dizaine de
bâtiments dé commerce et un seul vaisseau de guerre, ce dernier appartenant à la Russie: