
fournit les matières premières. On y remarque de vastes séchoirs pour les poissons, les
mollusques et le fucus destinés au commerce, ainsi que de grands étendages consacrés à
la préparation de 1 aboura-kami, cette étoffe de papier huilé qui remplace pour les Japo-
nais nos tissus imperméables.
Les ouvriers indigènes excellent à faire de la colle de poisson et à fabriquer, au
moyen du suc glutineux de certaines herbes marines, des contrefaçons vraiment étonnantes
des nids comestibles de la salangane de Java. Les gros négociants de la Cité les exportent
en Chine avec.toutes les ruses d'emballage propres a induire en erreur les gourmets
du Céleste-Empire; et je ne réponds pas que l’Europe elle-même soit complètement
à l’abri de cette bizarre supercherie.
Cependant le produit le plus distingué du quartier consiste en saucisses de poisson.
On en fait de diverses sortes, dont chacune a sa couleur. Un gros four blanchi à la
chaux, installé au centre d une cuisine spacieuse, reçoit, lorsqu’il est convenablement
chauffé, un vase de fer où l’on cuit une certaine catégorie de poissons. D’autres sont hachés
tout crus, et d autres enfin, d’une petite espèce, aussitôt qu’on les juge suffisamment
séchés, doivent être réduits en poudre dans des mortiers de bois dur. Il faut ensuite assortir,
assaisonner, rouler en pâte la chair ainsi préparée, la comprimer et la ficeler dans
ses enveloppes, passer celles-ci en couleur, et soigner l’emballage des produits terminés,
pour les expédier par petites caisses chez le marchand qui a donné la commande. Une
demi-douzaine de personnes généralement vaquent en commun à ces opérations. Le chant
et les gais propos animent Te travail. On manie en cadence les couteaux et les pilons. Mais
qu il survienne tout à coup quelque bruit lointain de spectacle de rue, chacun se précipite
aux portes et va grossir le cercle des curieux.
Il ne s’agit peut-être que de la danse du lion de Corée. Que de fois ne l’a-t-on pas
vue! Et pourtant jamais on ne résiste à l’appel discordant du fifre, du timbre et des tambourins
qui annoncent son approche.
Une troupe de quatre histrions débouche , en effet, d’une rue voisine. 11 y en a trois
qui forment 1 orchestre, le quatrième donne la représentation. Il s’est affublé d’un très-
ample manteau rayé ou tigré, surmonté d’une énorme tête de lion fantastique. Le monstre
s allonge à volonté, et domine soudainement d’un à deux mètres les, gens qui l’accompagnent.
Les enfants, tout alentour, poussent des cris où l’effroi së mêlé, à la provocation.
Quelques petits audacieux s aventurent jusqu’à soulever les pans du manteau, et même
à pincer les jambes du mystérieux saltimbanque. Tantôt celui-ci les menace, et tourne la
tête de leur côté, en ouvrant la gueule et en secouant l’épaisse crinière de morceaux de
papier blanc qui encadre sa face, écarlate ; tantôt il sé met à sauter en cadence, au
son des instruments; de ses acolytes. Lui-même est muni de .son propre tambourin ;
mais, dès qu’il cesse de danser* il le dépose, et, s’affaissant tout à coup, il se transforme
en quadrupède, exécute quelques grotesques cabrioles, et finit par se dépouiller de son
accoutrement. Alors le monstre s’évanouit, mais le jongleur reste. Il saisit une baguette
de tambour et la fait tenir en équilibre sur le pouce de la main gauche; puis il superpose
une seconde baguette à la première, et une troisième en croix au-dessus des deux autres;