
les fourreaux de sabres, les écritoires portatives, les pipes, les sacs à tabac et leurs breloques
; enfin dans les sujets des innombrables ustensiles, pièces de vaisselle et meubles d’art
en laque et 'en porcelaine, qui constituent le principal luxe des ménagères japonaises.
On me fit remarquer un jour, dans un magasin de curiosités provenant des ateliers de
Kioto, qu’aucun des objèts qui y. étaient étalés n ’affectait la forme quadrangulaire pure.
Je 'nfen assurai en examinant un grand nombre de cabinets, d’écrins, de. boîtes à papier,
de plateaux, et d’autres ouvrages vernissés, parmi lesquels, en effet, je ne découvris pas
un angle aigu : tous les angles étaient rabattus et légèrement arrondis. Supposé que cette
particularité n’ait pas d’autre valeur que celle de l’un de ces caprices du goût dont il ne
faut pas disputer, il est un autre fait qui pourrait bien avoir une signification symbolique;
c’est que tous les miroirs japonais, sans exception, présentent la figure d’un disque : une
pareille uniformité semble propre à confirmer l’opinion de Siebold, que le miroir des
temples de Kamis est un emblème du disque du soleil.
II serait plus embarrassant de deviner la raison de certaines modes de Kioto, si tant
est que des modes doivent.avoir une raison.
Les dames-de la cour s’arrachent les sourcils et les remplacent par deux grosses
taches noires, peintes chacune à trois ou quatre doigts au-dessus de l’oeil. Est-ce que ces
belles aux pommettes saillantes auraient le sentiment que-‘l’ovale de leur figure laisse
quelque chose à désirer? et songeraient-elles à l’allonger par cette petite supercherie
féminine, qui tend à faire remonter convenablement les sourcils que la nature leur a
posés un peu trop au milieu du visage?
A l’exception de quelques mèches enduites de cire, disposées en forme d’échelons el
de cordages le long des tempes et des épaules, elles portent les cheveüx tout à fait lisses,
aplatis sur la tète, et descendant non tressés sur le dos, où un noeud, qui les retient, doit
se prêter à des combinaisons bien mystérieuses, puisque toutes les grandes dames
traînent jusque sur le sol une épaisse chevelure ondoyant parmi les plis de leur manteau
flottant.
L’ampleur de ce riche vêtement de brocart donne à penser que, , dans le monde de
Kioto, la volupté du luxe féminin se mesure à la quantité de mètres d’étoffe qu’une simple
mortelle a l’honneur de tirer à sa suite.
Mais que peuvent signifier ces deux longs pans de robe, qui dépassent à droite et à
gauche les bords*onduleux du manteau ? Quand la belle est en marche, ils obéissent au
mouvement cadencé de ses deux petits pieds invisibles, et l’on dirait, à la voir à distance,
qu’elle, porte, non pas une robe, mais un ample pantalon traînant, qui ne lui permet'de
s avancer qu’à genoux, en se balançant nonchalamment sur les hanches. Telle est, en,
effet, 1 illusion que ce costume est destiné à produire. 11 faut que les dames de la cour,
qui peuvent être admises dans la présence du Mikado, paraissent s’approcher à genoux de
sa sainte majesté.
On n entend d’autre bruit dans l’intérieur du palais que le frôlement de la soie sur les
moelleux tapis dont les nattes sont recouvertes. Des stores de bambou interceptent l’éclat
du jour. Des paravents aux merveilleuses peintures, des draperies de damas, des courlines