
Jésuites, entre les cours de Rome et de Lisbonne et plusieurs grands dynâstes féodaux,
dont quelques-uns possédaient une marine marchande.
Quant aux transactions mercantiles qui pouvaient se faire sur les marchés indigènes,
il est incontestable quelles furent soumises à une police très-sévère ; mais loin de les
supprimer ou de les restreindre, Iyéyas leur donna une plus grande extension en accordant,
en 1611, à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales tous les droits et privilèges
dont jouissait la factorerie portugaise de Firado. La rivalité qui éclata dès lors entre les
deux sociétés ne put que compromettre la situation des Européens tolérés au Japon.
L’an 1616, Iyéyas mourut en paisible possession du trône que sa perfidie avait enlevé
à l’héritier de Taïkosama, mais qu’il sut consolider dans la capitale de son choix et au
sein de sa propre famille, par les artifices de la prudence et de la modération. Le règne
de son fils et celui de son petit-fils revêtirent le caractère d’une obéissance aveugle,
violente, fanatique, au testament politique du chef de la nouvelle dynastie. Les lois de
Gonghensama, envisagées dorénavant comme sacrées, furent appliquées à la lettre. Le
christianisme, qu’elles proscrivent, devint l’objêt d’implacables rigueurs.
En 1635, les Portugais, enveloppés dans la persécution, sont obligés d évacuer Firado
et de se transporter sur l’îlot de Décima, où, par ordre supérieur, le gouverneur de
Nagasaki les retient comme captifs, parqués sous la surveillance incessante de ses officiers.
En 1638, les chrétiens japonais, réduits à toute extrémité, se réfugient derrière les
murailles de la forteresse de Simabarra. Les troupes du Taikoun Yémitz les assiègent avec
1 Fac-similé d'un plan hollandais, publié par Levyssohn : Bladen over Japafy 1852.
l’aide des canons du capitaine hollandais Koekebakker; et quand la brèche est pratiquée j
elles donnent l’assaut et passent au fil de l’épée, sans égard à l’âge ni au sexe, toutes les
personnes qu’elles trouvent dans la place : ainsi périrent, au nombre de trente-sept mille
victimes, les derniers fidèles de l’Église qu’avaient fondée au Japon saint François Xavier
et ses successeurs. L’expression de « Simabarra-san, » homme de Simabarra, devint pour
longtemps, dans la bouche des habitants de Kiousiou, le terme le plus injurieux de leur
idiome.
Enfin l’année 1639 fut marquée par la proscription de la colonie portugaise, son
expulsion du Japon et l’installation de la factorerie hollandaise à sa place, dans des conditions
tout à fait analogues, sur l’îlot de Décima.
A dater de ce moment, le Japon reste fermé à toutes relations,^commerciales ou autres,
avec les peuples de l’Occident, à l’exception des Hollandais, et cêÉ état de choses s’est
maintenu jusqu’en 1854. Ainsi, sans parler d’une concession insignifiante faite à une
corporation d’armateurs chinois qui obtinrent l’autorisation de fonder une petite factorerie
à Nagasaki, il n’y eut, pendant plus de deux siècles, aucune communication quelconque
entre le Japon et le reste du monde, si ce n’est par le moyen des deux vaisseaux marchands
que la Compagnie des Indes néerlandaises avait le privilège d’expédier annuellement
à Décima.
Aussitôt arrivés à l’entrée de la baie, ces bâtiments étaient reçus et visités par les
officiers de police et de douane du Taïkoun.
Lorsqu’ils mettaient à la voile pour s’en retourner à Batavia ou en Hollande, ils subissaient
une nouvelle inspection, non moins minutieuse que la première. Ce n’est pas que
la Compagnie des Indes pût être suspectée de faire de la contrebande en matière de
religion; mais le gouvernement du Taïkoun, pleinement rassuré de ce côté, avait le plus
grand intérêt politique à surveiller les relations, d’ailleurs toutes commerciales, de la
colonie de Décima avec les seigneurs féodaux dû voisinage, les princes de Fizen, de
Bouzen, de Tsikouzen, de Boungo, de Satsouma. Il fit si bien, dit-on, pour empêcher
qu’elles ne développassent la civilisation européenne dans leurs florissantes provinces, que
la factorerie hollandaise finit par être entravée dans ses opérations mercantiles au point de
n ’en plus retirer aucun bénéfice.
On s’étonne, au premier abord, que le gouvernement japonais n’ait pas pris tout simplement
le parti de rompre avec la Hollande, plutôt que d’amoindrir graduellement la
position dont il l’avait favorisée, ou que la Hollande elle-même n’ait pas renoncé volontairement
à un privilège qui lui devenait onéreux. Il faut croire, en effet, que les Taikouns
auraient brisé sans le moindre scrupule ce dernier chaînon de leurs relations extérieures,
s’ils n’eussent attaché une extrême importance à se maintenir au fait des événements et
des oeuvres les plus remarquables du monde occidental. Rien, à cet égard, ne pouvait
mieux répondre à leurs vues que la factorerie de Décima, car ils en faisaient l’unique
source d’informations qui fût tolérée au Japon, et ils se réservaient en même temps tous
les moyens de la tenir à leur disposition souveraine et exclusive.
En ce jqui concerne la Hollande, il était moralement impossible qu’elle sacrifiât à