
LE QUARTIER FRANC. ' 351
la bourgade la plus voisine. Celle-ci ne se composait que de quelques cabanes de pêcheurs
construites sur une langue de terre isolée, qui s’étend du Nord-Ouest au Sud-
Est, entre le marais et la mer, depuis le temple de la déesse Renten que j ’ai décrit dans
le premier livre de cet ouvrage, jusqu’au promontoire où fut conclu le traité du commodore
Perry.
Kanagawa, situé à deux milles au Nord de Yokohama et sur la même rade, est l’une
des dernières stations du Tokaïdo. Ses longues rues, où les boutiques et les auberges se
succèdent presque sans interruption, sont constamment animées de convois de chevaux de
somme, de troupes de voyageurs et de pèlerins, d’escouades de coulies portant des nori-
mons, des cangos ou des caisses d’effets et de marchandises. On y rencontre aussi fréquemment
des détachements de yakounines à pied ou à cheval, et des cortèges plus ou
moins considérables de daïmios se rendant à la résidence des Taïkouns ou retournant en
province. Ce mouvement de la route impériale donne à Kanagawa le cachet et l’importance
d’un faubourg de Yédo.
Les négociants accourus de Nagasaki, de Shanghaï, de Batavia et de San-Francisco
pour le jour de l’inauguration du commerce occidental à Kanagawa, furent invités par les
officiers du Taïkoun à détourner leurs regards de cette place et à considérer les avantages
que leur présentait le port de Yokohama : ils y trouveraient le meilleur mouillage de la
baie, un quai, une jetée et des escaliers de granit plongeant dans la mer ; une douane
spacieuse, des comptoirs provisoires établis dans le voisinage ; une armée d’interprètes, de
courtiers, de coulies attendant les ordres des hôtes étrangers ; tandis que sur l’autre rive rien
n’était préparé en vue d’une installation immédiate.
Les; consuls ne manquèrent pas d’objecter le texte formel des traités. Le corps di-
ploniçitiquerporta ses réclamations à Yédo. Sans attendre la solution du conflit, les com-
merçaints étrangers débarquèrent leurs marchandises et prirent possession de Yokohama
en se disant les uns aux autres : les affaires avant tout !
La conduite.des agents consulaires n’en continua pas moins d’être correcte : ils s’établirent,
à Kanagawa, dans trois ou quatre vieux temples que le gouvernement s’empressa
de mettre à leur disposition. M. Townsend Harris, commissaire américain qui a
rendu des services signalés dans la négociation des règlements commerciaux annexés aux
traités, quitta son ancienne résidence de Simoda et vint s’installer à Yédo, comme ministre
résident des Etats-Unis.
M. Rutherford Alcock y arriva en qualité d’envoyé extraordinaire, ministre plénipotentiaire
et consul général de la Grande-Bretagne, et M Duchesne de Belleeourt, avec le
simple titre de consul général de France. M Donker Curtius continua de résider à
Décima, sous le nom de commissaire général des Pays-Bas au Japon. Des vice-consuls
furent établis sur les places de Nagasaki, de Yokohama et d’Hakodate.
La Russie ne se fit représenter que sur cette dernière place, et seulement par un agent
consulaire.
Les traités de 1858 statuent que, dans toutes les places ouvertes au commerce, il est
permis aux étrangers de fonder des établissements supposant une résidence permanente.