
néanmoins qu’il remplit bien réellement la haute destination qui lui est attribuée, c’est
que l’on voit cheminer, à côté des deux portières, les femmes attachées au service domestique
du Mikado, Elles seules ont le privilège d’entourer sa personne. Pour sa cour
même, aussi bien que pour le peuple, le Mikado n’existe plus que comme une sorte de
divinité invisible, muette, inabordable. On sut lui maintenir ce caractère jusque dans la
scène de son entrevue avec le Siogoun.
Parmi les bâtiments du castel qui donne à Kioto son cachet de résidence (Miako), il
en est un que l’on pourrait appeler le temple des audiences pontificales, car il est con-
struil dans le style d’architeGture sacrée propre aux édifices du culte des Kamis, et il porte,
comme eux, le nom de Mia. Adossé au corps de logis habité par le Mikado, il s’élève au
fond d une vaste cour dallée et plantée d’arbres, où viennent s’échelonner les cortèges
d’honneur dans les jours de grandes solennités.
Cet, espace réservé reçoit successivement un détachement d’officiers d’ordonnance et
de gardes du, corps du Siogoun, qui y prennent position, puis divers groupes de dignitaires
de là suite du Mikado, escortés de quelques archers du daïri.
Les femmes, se sont retirées dans leurs appartements. Les députations des bonzes et
des ordres monastiques occupent les halles, le long des murs d’enceinte. De distance en
distance, des soldats de la garnison.de Kioto forment la haie dés deux côtés de l’avenue
qui aboutit aux larges degrés de la façade du bâtiment. C’est par là que les courtisans du
Mikado, revêtus de manteaux à queue traînante, défilent à pas comptés, gravissent majestueusement
les degrés, et vont prendre place, à droite et à gauche, sur la véranda, la face
tournée du côté des portes encore fermées de la grande salle du trône. Avant de s’accroupir
à leur poste, ils ont soin de relever la queue de leur manteau et d’en rejeter les
pans inférieurs sur la balustrade de la véranda, de .manière à étaler aux regards de la
foule les armes qui sont brodées sur cette partie du vêtement. Bientôt toute la galerie est
tapissée de cette brillante décoration.
Cependant, vers l’aile gauche de l’édifice, les sons des flûtes, des conques marines et des
gongs delà chapelle pontificale annoncent que le Mikado fait son entrée dans le sanctuaire..
Le plus profond silenee.règne parmi la foule. Une heure s’écoule dans une religieuse
attente, jusqu’à ce queues préparatifs de la réception soient terminés. Tout à coup, une fanfare
martiale signale l’arrivée du Siogoun. Il s’avance dans l’avenue,- à pied et sans escorte ;
son premier ministre, les commandants de la flotte et de l’armée, et quelques membres
des conseils de la cour de Yédo, marchent derrière lui, à un e respectueuse distance. Il
s’arrête un instant au pied du grand escalier, et aussitôt les portes du temple s’entr’ouvrent
peu à peu, en glissant de droite et de gauche dans leurs coulisses. II . gravit enfin les
degrés, et alors se dévoile le spectacle qui tient en suspens l’attention de la multitude.
Un grand store d’écorce de bambou, peint en vert, suspendu au plafond de la salle,
est abaissé jusqu’à deux ou trois pieds au-dessus du seuil. A travers cet étroit interstice,
on distingue un lit de nattes et de tapis, sur lequel s’étalent les larges plis d’une ample
robe blanche.
C’est en cela que consiste toute l’apparition du Mikado sur son trône.