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26 LE JAPON IL LU STR É .
septième siècle, ont empêché que les travaux scientifiques de la?confrérie des médecins
ne fussent peu à peu ensevelis sous les ténèbres croissantes des superstitions bouddhistes :
le premier est l’arrivée des Hollandais, qui reçurent leurs lettres de franchise et inaugurèrent
leur factorerie à Firado, sous la direction du surintendant Van Specx, l’an 1609k;
et le deuxième est la fondation de l’Université de Yédo, qui eut lieu sous le règne du
-trente-sixième Siogoun, Tsouna-Yosi, quatrième successeur d’Iyéyas, la première année
du séjour de Kæmpfer au Japon, savoir en 1690. '
^Thunberg raconte que, vers le milieu du siècle suivant, se trouvant à Yédo. en qualilé
d’attaché à l’ambassade bisannuelle^ du surintendant hollandais de Décima, il obtint
du Siogoun la permission de recevoir la visite de cinq riiédecins et de deux astronomes
de la Cour ; il eut avec eux de longs entretiens et put se convaincre, surtout par la conversation
des premiers, qu’ils avaient puisé des connaissances variées en histoire naturelle,
en physique, en médecine et en chirurgie, non-seulement aux sources chinoises
traditionnelles, mais dans des ouvrages hollandais.
Plus tard, les médecins de la factorerie, ayant été autorisés à former des élèves, rivalisèrent
de zèle et de dévouement, les uns après les autres, pour les familiariser avec la
science de l’Occident.
1 Siebold n’a cessé de tenir école ouverte en sa charmante résidence de la vallée de
Naroutaki, près dé Nagasaki. Quand je la visitai, au printemps $e 1863, il était en Europe,
mais je trouvai néanmoins deux étudiants japonais installés dans une salle de sa
tiche bibliothèque, tandis que d’autres cultivaient son jardin botanique.
Quelques mois auparavant, à mon passage à Batavia, le docteur Mohnike m’avait raconté
l’épopée tragi-comique, mais*.triomphante, de la campagne qu’il venait d’accomplir
au Japon pour y introduire la vaccine.
A D^çjrna. le docteur Bauduin m’entretint de ses luttes avec toutes les puissances
clericales et civiles de l’Empire pour les amener à remplacer, ou plutôt à compléter l’usage
des mannequins et des maquettes dans les Facultés de médecine de Kioto et de
Yédo, par l’enseignement des salles de clinique et des amphithéâtres d’anatomie.
A son prédécesseur, le docteur Pompe van Meerdervort, revient l’honneur de l’une
des victoires les plus décisives que la science ait remportées sur les préjugés de l’extrême
Orient. Le 9 septembre 1859, le docteur, dûment muni de l’autorisation du- Taïkoun,
réunissait, à 8 heures du matin, sur un promontoire de la' baie de Nagasaki, quarante-
cinq médecins et une sage-femme indigènes. Il avait étalé devant lui le cadavre d’un
assassin japonais, qui venait d’être exécuté dans la cour des prisons. 11 en opéra la dissection
complète, et donna de la sorte aux assistants une leçon théorique et pratique
d’anatomie, qui se prolongea jusqu’au coucher du soleil. L’événemerÿ ne fut pas sans
causer'une certaine agitation parmi le peuple; mais une proclamation du gouverneur de
Nagasaki sut la calmer instantanément par la déclaration suivante : « Considérant que
le cadavre du malfaiteur a rendu service à la science médicale, et conséquemment au
bien public, le gouvernement pourvoira, dans les vingt-quatre heures, à ce que les restes
dudit supplicié soient enterrés honorablement, avec le concours des ministres de la
religion. »
Le même docteur Pompe a déterminé le Taïkoun à construire à Nagasaki, aux frais
de l'État, un hôpital de cent vingt-quatre lits, ouvert indistinctement à des malades de
tout pays et de toute condition. Ce bel établissement, dont le Taïkoun donna la direction
souveraine à l’homme qui en était le véritable fondateur, a été inauguré le 20 septembre
4861. Dès la première année, il a reçu neuf cent trente malades des deux sexes
et attiré une cinquantaine d’étudiants qui ont suivi régulièrement les cours de clinique
du directeur.
Si le jugement des peuples civilisés n’était pas faussé par la manière dont on leur
enseigne l’histoire, s’ils avaient appris que la science a ses héros aussi bien que les
champs de batailles leurs regards se porteraient avec admiration sur les conquêtes pacifiques
accomplies dans l’empire du Japon, au profit du monde entier, par les médecins
dé la factorerie de Décima, depuis les temps de Kæmpfer jusqu’à nos jours.
Le docteur Pompe van Meerdervort a pratique son art en véritable missionnaire de
l’humanité durant les cinq anpées qu’il a passées à Nagasaki, de 1857 à 1863. Cette
période a été marquée par dèux invasions épidémiques du choléra, et le docteur lui-
même subit une très-grave atteinte de cette maladie. Le nombre des indigènes, hommes.