
éprouvent le besoin de prendre l’air sur le trottoir, chacun les considère respectueusement
comme étant au bénéfice de la fiction réglementaire, et, qui plus est* celle-ci
les couvre jusqu’à leur propre demeure, lorsqu’il leur plaît d’y apporter intacte la belle
teinte de homard que leur corps a reçue dans l’eau chaude.
Quelque étranges que ces moeurs noiis paraissent, il est avéré qu’aucun Japonais*
avant l’arrivée des Européens, ne se doutait qu’elles pussent avoir un côté répréhensible.
Elles lui semblaient, au contraire, en parfaite harmonie avec les convenances de sa vie
domestique, et, au surplus, irréprochables au point de vue moral, puisqu’elles excluaient
toute préoccupation étrangère au devoir hygiénique et religieux de la purification du corps,
L Européen, de son coté, n a pas voulu croire à la réalité de cette absence de préoccupation,
à la possibilité de cette vertu d’abstraction dont l’indigène se faisait fort. Mettant
lui-méme le pied dans les maisons de bains, son regard et son sourire ont rendu malséant
ce qui ne 1 était jusqu alors aux yeux de personne : « Ce peuple n’a pas de pudeur, »
s’est-il dédaigneusement écrié. « Cet étranger n’a pas de moralité, » a répliqué le Japonais.
Sans avoir, de mon côté, ni la prétention de clore le débat, ni la velléité de le prolonger,
il m est impossible de souscrire à l’opinion, couramment admise, qui refuse aux
habitants du Japon le sentiment de la pudeur. L’un de ceux qui ont pris part à l’Exposition
universelle disait, avec beaucoup de raison : « Nous voyons en plein jour, à Paris, des
choses que nul de nous ne se permettrait de nuit, en présence de témoins. » •
Mais une observation beaucoup moins contestable, et qui peut expliquer bien des singularités,
c est que les Japonais n’ont décidément pas le sentiment de la beauté plastique;
et quelle 11 exerce donc point sur leur imagination ces séductions que nos modes, nos
moeurs et notre genre de vie tendent constamment à provoquer. Rien de plus caractéristique,
à cet égard, que la manière dont les peintres indigènes dessinent les héros et les
héroïnes de leurs scènes de genre et de galanterie. Mais encore un peu de temps, et le
Japon sera sous 1 influence des Japonais qui ont visité l’Europe, et spécialement de ceux
qui y font actuellement un séjour prolongé. Si la comparaison qu’ils auront faite des
deux civilisations ne les engage pas à recommander d’enthousiasme l’adoption de la
nôtre dans ses moindres détails, on peut être bien certain qu’ils réformeront, en tout cas,
leurs coutumes nationales sur les points qui ont provoqué les moqueries des étrangers.
Plusieurs des grandes maisons de bains de Yédo ajoutent aux ressources ordinaires
de ce genre d établissements quelques installations ayant un but thérapeutique, telles
que des baignoires réservées et des douches d’eau froide ou d’eau chaude.
Les médecins des classes opulentes de la société sont toujours sûrs de se mettre dans
les bonnes grâces de leurs patients en leur recommandant de faire, pendant la belle
saison, une cure prolongée dans quelqu’un des endroits de montagnes réputés pour la
vertu de leurs eaux. 11 en est de particulièrement célèbres dans l’île de Kiousiou, au
pied des volcans d Aso et de Wounsentaké. Les sources thermales que l’on y trouve sont,
pour la plupart, sulfureuses et d une température très-élevée. On les utilise surtout dans
les cas d’affections rhumatismales et de maladies de la peau,
v II n est pas encore venu à l’esprit des Japonais de rehausser les charmes de la saison