
part le voyageur n ’est aussi fréquemment sollicité à s’arrêter en route, à se délasser de ses
fatigues sous quelque toit hospitalier ou sous de frais ombrages, à se laisser aller aux molles
séductions d’un gracieux paysage ; en un mot, à oublier la fuite des heures-et les soucis du
chemin.
Kanasawa est, par excellence, une de ces calmes retraites que l’on voudrait choisir, non
pour y faire simplement une excursion hâtive, avec l’impatience qui caractérise les distractions
et les plaisirs des jeunes colonies, mais pour s’y livrer à une cure de repos. Il est vrai
cependant que l’on n’y trouve plus, au même degré que dans les endroits peu fréquentés.
la simplicité de moeurs et la naive bonhomie des populations campagnardes du Japon. Ces
qualités devaient inévitablement s’altérer au contact des étrangers.
L’hôtellerie où nous descendîmes est située sur le port, non loin de la jetée qui aboutit
à la petite île sacrée. . ‘ .
La section équestre de notre expédition y arriva vers le milieu du jour, sans autre
mésaventure que l’embarras d’un cheval fourbu, qui trépassa le soir même entre les
mains des vétérinaires de la contrée et sous les yeux d’un grand concours de peuple.
Au reste, les curieux ne manquèrent pas d’affluer jusque dans l’intérieur de l’auberge.
On avait mis à notre disposition une galerie assez spacieuse, au-dessus du rez-de-chaussée. £
Quelques planches étendues sur des chevalets, deux bancs et des caisses vides nous
fournirent le mobilier nécessaire pour nous mettre à table à la mode d’Europe.
Nous déjeunâmes de nos provisions, auxquelles l’hôtesse ajouta lesaki, le thé, le riz,
des poissons frits et du soya. Elle était secondée par deux jeunes servantes proprement
vêtues et coiffées avec une certaine recherche. Vers la fin du repas, les enfants de la maison
se montrèrent timidement au haut de l’escalier. Le plus jeune, auquel je faisais signe de
s’approcher, se mit à pousser des cris. Je l’apaisai en sortant de ma poche de petites
estampes dont j ’avais toujours soin de me munir dans mes promenades. Un instant après,
il vint de lui-même m’en demander; et un peu plus tard, ce fut le tour de sa mère,
des filles de l’auberge, des femmes du voisinage avec leurs enfants. Une vieille grand’mère,
pour sa part, exprima le désir de goûter du sucre blanc : on ne connaît au Japon que
le sucre brut provenant des îles Liou-Kiou. Ce fut l’occasion d ’une nouvelle distribution,
plus abondante que la première.
Cependant nous fîmes comprendre à l’assistance que, malgré le plaisir qu’elle nous
causait, nous éprouvions le besoin de nous reposer. Aussitôt les visiteurs et les visiteuses
se retirèrent le plus doucement possible pour nous témoigner combien ils allaient respecter
notre sommeil.