
l’on place un petit guéridon, qui supporte ce qu’on appelle le rat : c’est un bonnet, une
tasse, un objet quelconque, que le renard doit enlever avec prestesse sans se laisser
prendre àu lacet. Si les gardiens du rat tirent trop tôt ou trop tard la corde qui "est entre
leurs mains, ce sont eux qui payent l’amende. Si le renard est attrapé, ne fut-ce que
par le bout du doigt, c’est'à ses frais que chacun se livre aux libations les plus triomphales
pendant tout le temps qu’il plaît aux convives des deux sexes de jouir du spectacle de sa
captivité.
En cas pareil, les ressources ordinaires de l’orchestre, non plus que celles de la
mimique, ne suffisent pas à exprimer les transports de la société. On laisse un ou deux
samsins entre les mains des dames, on renverse les autres sur le plancher pour frapper
à grands coups de baguettes sur leur caisse sonore ; on fait tinter, comme des cloches,
les verres et les tasses de porcelaine ; on mêle à la voix stridente des chanteuses, toutes
sortes de cris d’animaux ; les convives les plus ingambes poursuivent à cloche-pied le
malheureux renard ; d’autres, sur son passage; lui font un pied de nez. Kitsné, de sa
cachette, contemple tous les détails de cette scène bachique et trépigne *de plaisir à
mesure que l’orgie atteint son paroxysme.
Ce qui vaut généralement mieux que ces folles réjouissances, ce sont les modestes
pique-niques bourgeois, dont la banlieue est le théâtre pendant la belle saison. Deux ou
trois familLes s’associent pour passer une soirée à la campagne, soit sur les collines
ombragées qui dominent la baie, soit dans les grands vergers du nord, d’où l’on jouit
en plein de la vue du Fousi-yama. Les coskeis prennent les devants. Parvenus au lieu
désigné, ils y tracent une enceinte réservée, au moyen de longues pièces d’étoffes tendues
sur des piquets à hauteur d’appui. A l’intérieur, le sol est garni de nattes. Des réchauds
sont préparés, ainsi que des bouilloires pour faire le thé et des poêles pour frire le
poisson. La société arrivée et installée, les dames se mettent à l’oeuvre, déballent les
provisions et le champêtre festin commence. Il se prolonge jusqu’au coucher du soleil.
Les jeux, les chants et la musique animent le dessert. Quelquefois on invite à la fête dés
chanteuses de profession, et peut-être même, si l’occasion s’en présente, une couple de
ces danseuses ambulantes, dont la spécialité consiste à exécuter des pantomimes* des
poses et des figures de caractère. L’une de leurs plus gracieuses productions porte lè nom
de danse des éventails : c’est une sorte de pantomime, généralement interprétée par une
jeune fille en costume de page.
fl existe d’ailleurs des danses nationales que l’on cultive au sein de la société bourgeoise
et qui trouvent naturellement leur place dans les divertissements des parties
champêtres. Ordinairement les dames dansent seules. Elles forment un quadrille, dont
chaque figurante reste en place, sans faire d’autres mouveménts que des gestes, sans
changer de position que pour passer d’une attitude à une autre, en se balançant sur les
hanches, en tournant ou penchant la tête, en étendant les bras et les mains, tantôt à
droite, tantôt à gauche, non sans grâce ni sans élégance, mais avec une grande monotonie
d’action. :
Un homme ne danse jamais que pour lè plaisir d’exécuter, dans un’cercle d’intimes,