
calotte laquée, ornée sur les deux tempes de rosaces ayant la forme d’un éventail ouvert,
et ils se serrent la taille d’un riche pourpoint de soie bordé de festons dentelés sur toutes
les coutures. Leurs pieds disparaissent sous l’ampleur de leur pantalon. Un grand sabre
recourbé, un arc, un carquois garni de flèches, constituent leur équipement.
Quelques-uns d’entre eux, à cheval, maniaient une longue houssine, retenue au
poignet par un cordon de soie à gros flocons.
Sous ces dehors pleins de noblesse se cache trop souvent une grande brutalité de caractère.
La turbulence et le débordement de moeurs des jeunes cavaliers de la cour sacerdotale
du Japon ont fourni à l’histoire des pages qui rappellent les plus mauvais jours de
la Home papale, les temps de César Borgia. Le Hollandais Conrad Kramer, envoyé de la
compagnie des Indes néerlandaises à la cour de Kioto, eut la faveur d’assister à la fête de
l’entrevue des deux souverains. Il raconte que, le lendemain de cette solennité, l’on releva
dans les rues de la capitale des cadavres de femmes, de jeunes filles et d’enfants, victimes
de violences nocturnes. Un nombre plus considérable encore de femmes mariées
et de jeunes filles d’Osaka, de Sakaï et d’autres villes du voisinage, que la curiosité
avait attirées à Kioto avec leurs époux ou leurs parents, disparurent dans lé tumulte des
rues envahies par la foule, et ne se retrouvèrent que huit à quinze jours plus tard, sans
que leurs familles aient jamais pu se faire rendre justice de leurs ravisseurs.
La polygamie n’existant au Japon que pour le Mikado, ou plutôt revêtant, pour lui
seul, le caractère d’une institution légale, il était naturel qu’il fit quelque étalage de cette
prérogative. Elle lui coûte assez cher ! c’est le gouffre, bordé de fleurs, que les premiers
usurpateurs du pouvoir impérial ont creusé sous les pas des successeurs de Zinmou.
Quel perfide sourire devait contracter les lèvres du Siogoun, lorsqu’il vit s approcher à
la file les carrosses du daïri !
Ces lourdes voitures, construites en bois précieux et vernies de diverses couleurs, étaient
attelées chacune de deux buffles noirs, conduits par des pages en sarraux blancs. Elles
renfermaient, assises derrière des portières à claire-voie, l’impératrice et les douze autres
femmes légitimes du Mikado : celui-ci n’avait pu, convenablement, leur refuser de partager
avec lui le privilège de ce genre de véhicule. Ses concubines favorites et les cinquante
dames d’honneur de l’impératrice suivaient, portées en norimons op palanquins couverts.
Quant au Mikado lui-même, lorsqu’il sort du castel, c’est toujours dans son norimon
pontifical. Ce palanquin, fixé sur de longs brancards et confié aux soins de cinquante
porteurs en livrée blanche, domine de loin la foule. Il est construit sur la forme des
Mikosis, ces châsses dans lesquelles on expose les saintes reliques des Kamis. Nous pouvons
le comparer à un pavillon de jardin ayant pour toiture une coupole évasée à la base
et ornée d’appendices à clochettes. La coupole est couronnée d’une boule, et la boule
surmontée d’un coq dressé sur ses ergots, les ailes étendues et la queue renflée : peut-
être découvrirait-on quelque rapport de symbolisme religieux entre cet emblème et l’oiseau
mythologique connu en Chine et au Japon sous le nom de Foô.
Le pavillon du daïri est en bois blanc, et toute sa décoration en or pur. 11 est fermé
sf hermétiquement, que l’on a peine à croire qu'il puisse être occupé. Ce qui prouverait