
hérissée de chevilles de bois, auxquelles d’innombrables paires de sandales de paille son!
suspendues par de longues attaches tressées de la même matière. Le marchand, accroupi
sur son reposoir, me rappelle ces idoles indigènes auxquelles les pèlerins font des offrandes
de chaussures.
Des personnes des deux sexes s’arrêtent devant l’étalage, examinent ou essayent la
marchandise, échangent quelques paroles amicales avec le patron, et, sans le déranger
de sa quiétude, déposent à ses pieds le prix convenu. Les comptes, à ce que j ’ai remarqué,
se faisaient en szénis, petites pièces de fer dont cent égalent le teinpo, monnaie de cuivre
qui vaut 15 centimes. Les szénis,'comme les cashes chinois, sont percés en carré, au
centre. On les enfile à une cordelette pour les suspendre à la ceinture.
L’honnête industriel qui fait suite au cordonnier me semble voué non moins fatalement
à la monnaie de'fer. C’est un détaillant de' ces herbes marines comestibles qui
forment, sous le nom chinois dé tang ou sous le nom anglais de seaw'eed, l’un des principaux
articles du commerce d’exportation du Japon avec la Chine. La vente sur place
d’un produit végétal si abondant, si vulgaire, ne s’adresse qu’aux ménagères japonaises.
Le tang se rencontre par grandes masses flottantes dans toutes les baies de l’Empire
insulaire. Quand la mer est calme, il ajoute à l’éclatant azur des eaux ses riches teintes
dorées, pourprées ou olivâtres. A l’aide d’un croc de batelier, les pêcheurs le tirent hors
de la mer comme un immense filet ; ils en chargent leurs barques et le nettoient minutieusement,
en ayant soin de recueillir les coquillages qui s’y trouvent toujours en grand
nombre. Lorsque la cargaison est déposée à terre, on la sèche au soleil ; on opère h*
triage des deux ou trois espèces ou qualités d’algues comestibles que peut fournir la récolte
d’une journée ; enfin l’on en forme soit des ballots liés de cordes de paille, soit de petits
paquets enveloppés d’un morceau de papier : les premiers, destinés à l’exportation, se
vendent au poids chez les armateurs de jonques ; les autres, tarifés à quelques szénis le
paquet, prennent le chemin des marchés et des foyers du peuple.
Il n’y a, pour ainsi dire, pas de rebut dans les produits de la mer. Le fucus ordinaire,
dont on ne saurait tirer parti comme légume., le varech que les vagues jettent à la côte,
contiennent un suc glutineux qu’il est .facile d’en extraire par la cuisson.. Les Japonais le
sèchent en tablettes ret Temploienit, sous le nom de nouri, à divers usages culinaires ou
industriels,.
Il se fait à Yédo une énorme consommation de coquillages. Le détaillant en remplit
des cuviers et ne débite sa marchandise qu’après l’avoir dûment secouée, remuée et brassée
à l’aide de deux longues cannes de bambou. Il faut, pour bien faire, qu’il se dresse sur le
cuvier, les jambes écartées et des deux bâtons se croisant diagonalement entre ses genoux,
de telle sorte que la main droite imprime une rotation semi-circulaire aux coquillages
du côté gauche, et la main gauche à ceux du côté droit dë l’opérateur.
Les sangsues de mer et toutes sortes de petits mollusques, le trépang, c’est-à-dire
les holothuries et toute la classe des radiaires', sont exposés en vente à l’état de complète
siccité: On les,mangé frits et le plus souvent coupés en petits morceaux mêlés avec
du riz.