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qui. même chez les femmes non mariées, est beaucoup moins générale qu’on ne serait
tenté de le supposer.
Au surplus, le dévergondage n’affiche point au Japon les allures provocatrices qu’il
revêt en Europe. Ce n’est guère qu’à un certain luxe exceptionnel de coiffure et de
costume que l’on reconnaît la livrée du vice. En dehors de l’enceinte de Sin-Yosiwara, et
surtout dans les quartiers du Nord, on le rencontre sous diverses formes, mais jamais
dans le négligé de l’indécence.
Peut-être remarquera-t-on, parmi la foule des embarcations qui sillonnent l’Ogawa,
DANS LES RUELLES.
quelque élégante gondole, où une jeune fille, debout, mais nonchalamment accoudée sur
la toiture de la cabine, attire les regards par sa mise recherchée. Sa longue robe en particulier
se distingue par quelque broderie bizarre, propre à faire sensation, ainsi qu’a faciliter
le signalement de la personne, par exemple une double guirlande de chauves-souris,
les unes blanches, les autres noires. Tout à coup la belle lire de sa ceinture le rouleau de
papier de soie qui remplace pour les Japonaises le mouchoir de batiste, et, l’agitant de la
main droite, elle donne discrètement un signal qui sans doute a été compris, car la
gondole change aussitôt de direction pour regagner sur la rive la maison de thé dont sa
lanterne reproduit en gros caractères l’enseigne ou le numéro.
MAISONS DE THE D’ASAKSA. 251
Ailleurs, sur le trottoir de la route du Nord, une autre demoiselle, non moins extraordinairement
costumée, semble avoir pris à tâche de guider à l’hôtellerie voisine, par le
jeu séduisant de son riche éventail, les voyageurs attardés qui n’auraient pas encore fait
le choix de leur gîte. La ville et les faubourgs en hébergent chaque nuit deux cent mille,
en moyenne. Il en est de tout ordre et de toute condition, mais aucune classe n ’échappe à
la vigilance des hôtelières.
Celles qui sont apostées à proximité des théâtres appartiennent à des établissements
d’un rang très-inférieur. Aussi leur toilette ne comporte-t-elle plus la soie ni le velours.
AUX ABORDS DES PONTS.
Tout ce qu elles peuvent se permettre, c’est de prodiguer un peu l’étoffe dans la ceinture
et dans les manches de leur kirimon, de rehausser, en outre, par quelques épingles en
fausse écaille, la majesté de leur Coiffure, et d’ajouter à la grâce de leur démarche
1 agrément d’une petite lanterne de fantaisie, peinte des plus vives couleurs.
Avec cette troisième catégorie de nocturnes promeneuses, ¿ ’éteignent sur là voie;
publique les derniers reflets de Télégance féminine.
Tout ce qui vient après se dérobe de plus en plus à ladumière. Ici, sous la toiture
spacieuse d une maison de thé, dés servantes font le guet à l’angle de la galerie, et
claquent des mains pour appeler sur leur demeure l’attention des passants.