
solitaires ruelles des enceintes claustrales, et bientôt on a franchi le seuil de cette autre
prison privilégiée qui porte le titre de Légation.
Les bâtiments du temple de Tjoôdji, siège de la légation hollandaise, avaient été mis
à ma disposition par le représentant de Sa Majesté le roi des Pays-Bas au Japon. Comme
ils étaient alors inoccupés,1 ils ont servi d’asile ou de résidence aux membres de la légation
suisse toutes les fois qu’ils ont fait des excursions ou un séjour prolongé dans la
capitale. J ’y fus introduit, lors de ma première visite officielle à Yédo, par le commandant
de la corvette néerlandaise la Méduse, M. le lieutenant-colonel de Casembroot,
aide de camp du roi, qui devait, un peu plus tard, avoir l’honneur de franchir le détroit
de Simonoséki sous le feu des batteries du prince de Nagato, en relevant
héroïquement le gant que le parti féodal japonais s’avisait de lancer à la civilisation
européenne.
Après avoir pris congé de ce brave officier supérieur et de son digne état-major, je
restai setrl au milieu d’une centaine de yakounines, avec trois de-mes compatriotes,
M. Brennwald, secrétaire de légation, M. le lieutenant d’artillerie Iwan Kaiser, et
M. James Favre-Brandt, attachés de légation, et deux Hollandais, Ml le vice-consul
Metman, adjoint à la mission suisse, et M. Édouard Schnell, remplissant les fonctions
d’interprète.
Nous avions amené de Benten le personnel de service nécessaire. Notre installation,
préparée de longue main, fut promptement terminée.
Si la quiétude du gouvernement de Sa Majesté Taïkounale n ’en eût pas été si gravement
troublée, je me serais volontiers accommodé du Tjoôdji pour y passer les quelques mois
d’été. Comme ce petit temple délaissé est entouré, de tous côtés,- d’autres lieux sacrés
presque aussi solitaires, on y trouve le .calme de la campagne à proximité de l’animation
des grandes rues de la cité.
La route qui y conduit depuis le Tokaïdo est partiellement iaillée en degrés. Des
murs de couvent et une grande porte noire à deux battants, surmontée d’une toiture,
annoncent l’entréé de ïa légation.
L’ancien préau du cloître est bordé, sur deux côtés, de constructions en bois, parmi
lesquelles on distingue une loge de portier, un corps de garde, des stalles à chevaux,
un magasin de fourrage.
A l’extrémité du préau, en face de l’entrée, un grand escalier d’une vingtaine de
marches en dalles de granit, conduit à une esplanade supportant, à droite, un autre
corps de garde, et à gauche des habitations de bonzes. Enfin, au-dessus de l’esplanade,
un escalier plus étroit et plus court que le premier aboutit au jardin qui précède le
temple de Tjoôdji. Un troisième corps de garde y est installé, au pied des mâts où flottent
les pavillons de la Hollande et de la Suisse.
La façade principale des bâtiments autrefois sacrés se cache à demi derrière des
touffes d’arbustes toujours verts. En m’approchant du péristyle, je le vois occupé par
un groupe d’officiers japonais. L’un d’eux me complimente en hollandais et m’annonce
qu’il a été chargé par son gouvernement de m’offrir ses services en qualité d’interprète ;