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ilir l’arbre de la croix, pour la rédemption du genre
humain. Par ce facrifice de la nouvelle lo i , les mérites
de la mort &c paillon de Jefus-Chrift font appliqués
aux fideles ; &c on l’offre .dans l’Eglife catholique
, pour les vivans &c pour les morts. Viye{ Sacrement
& Sacrifice.
La matière de .ce facrement eft le pain de froment
& le vin ; la difcipline de l’égide latine eft de confa-
.crer avec du pain azyme ou fans levain : celle de
l ’églife greque eft de fe fervir de pain le v é ; l’un &
l ’autre eft indifférent pour la validité du facrement.
jC’eft un précepte de tradition eccléfiaftique, de mêler
un ,peu d’eau dans le vin ; la pratique en eft confiante
parmi les Grecs & les Latins ; & elle eft confirmée
par S. Cyprien &c par les autres peres. Ce mélange
figure l’union des fideles avec Jefus-Chrift.
La forme de ce facrement font oes paroles de Je-
fus-Chrift, pour le pain, ceci eft. mon corps; pour le
y in , ceci eft le calice de mon fang , ou ce fi mon fang ;
paroles que le prêtre prononce, non pas en fon propre
nom, mais au nom de Jefus-Chrift ; & par la vertu
defquelies le pain & le vin font-tranffubftantiés,
ou changés au corps & au fang de Jefus-Chrift. Voye{ Transsubstantiation.
Les évêques & les prêtres ont toujours été les
feuls miniftres ou confocrateurs de Veuckariftie ; mais
anciennement les diacres la- diftribuoient aux fideles
, & ils poiirrôient encore aujourd’hui la difpen-
fer, par ordre de l ’évêque.
Depuis l’inftitution de l’euchariftie , les Chrétiens
ont, de tout tems, célébré ce myftere dans leurs afc
femblées religieufes ,<dans lefquelles: les i évêques ou
les prêtres bénilfoient du pain & du v in , & le'diftribuoient
aux afliftans, commentant devenu par la
confoerationle vrai corps & le vrai fang deJ.C.De-là
le refpeft qu’ils ont eu pour Y euchariftie,ScYadoratioïi
qu’ils lui ont rendue, comme On peut s’en convaincre
par les prières qui, dans toutes les lithurgies, fui*-
vent les paroles de la confécration, & qui font autant
d’aâes du de témoignages d’ad o ra tio n& demonu-
mens de la foi des peuplés .Les cathécumenes & les pé-
nitens n’afliftoient point à laconfécration de Veucharif
tie, & né participoient point à fa réception. Jufqu’au
douzième fiecle ,des fideles la recevoient fous les
deux efpeces dü pain & du vin , tant dans l’égliie
latine que dans l’églife greque. Cette derniere a retenu
fon ancien ufaee ; mais l’églife latine a adopté
celui de n’adminiftrer Yeuchariftie aux fimples fidele
s , que fous l’efpece du pain. Le retranchement
de la coupe, ou de l’efpece du vin , a occafionné
les guerres les plus fanglantes en Bohème dans le
quinzième fiecle, & l’on en agita le rétabliffement
au concile de Trente ; mais enfin la dif cipline préfente
de l’eglife, à cet égard , a prévalu. Voye^ Hus- SITES 6* J aborites.
La préfence réelle de Jefus-Chrift dans Veucharif-
tie, a été premièrement attaquée dans le neuvième
fiecle, par JeanScot, dit Erigene ou l’Hibernois, qui
avoit été précepteur de Charles le Chauve. Cet
écrivain, que les Proteftans ont voulu faire paffer
pour un grand génie, n’étoit qu’un fcholaftique très-
pbfcur dans fes expreflions, & dont l’ouvrage fur
Veuckariftie, connu à peine de trois ou quatre ae fes
contemporains, feroit demeuré dans un éternel oubli
, fi les Calviniftes ne l’en euffent tiré , pour
fe prévaloir de Ton autorité ; mais au fond , elle
n’eu pas en elle-même d’un grand poids ; & le ftyle
embrouillé de cet auteur ne décide pas une contro-
verfe fi importante.
Bérenger , archidiacre d’Angers, excita un peu
plus de rumeur dans le onzième fiecle. Il nia ouvertement
la préfence réelle & la tranffubftantiation :
On tint, tant en France qu’en Italie, divers conciles
oîi il fut cité ; il y comparut , fut convaincu d’er-
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reurs; il les rétrafta & y retomba ; enfin , après différentes
variations, il mourut catholique en 1083,
fi Ton en croit Clavius, l’auteur de la chronique de
S. Martin, Hildebert du Mans, & Baltride évêque
de Dol,, auteurs contemporains de Bérenger. Voye^ -Bérengariens.
Dans le feizieme fiecle, les Proteftans ont attaqué
Yeuckarftie panais tous ne s’y font pas pris de la même
manière. Luther & fes leftateurs, en reconnoif-
fant la préfence réelle de Jefus-Chrift dans Veuchariftie,
ont rejette la tranffubftantiation,foûtenant que
la fubftance du pain &c du vin demeuroit, avec le
corps & le fang de Jefus - Chrift. Voye^ Consubstantiation
£ Impanation.
Zuingle au contraire a enfeigné que Veuckariftie
n’étoit que la figure du corps & du fang de Jéïus-
Chrift,à laquelle on donnoit le nom des chofes dont
elle eft la figure. Voyeç Zuingliens.
Enfin C alvin a prétendu que Veuckariftie renferme
feulement la vertu du corps & du fang de Jefus-
Chrift , & qu’on ne le reçoit dans ce facrement que
par la foi , de d’une maniéré toute fpirituelle : les
Anglicans ont adopté cette derniere doârine ; & l’on
peut v o ir , dans la belle hiftoiredes variations écrite
par M. Boffuet, quel partage ces diverfes opinions
ont occafionné parmi les Proteftans. Voye{ Calvinisme
& Calvinistes.
A entendre C a lvin , fes premiers feûaieurs & les
miniftres calviniftes, le dogme de la préfonce réelle
univerfellement établi dans l’églife romaine, n’étoit
rien moins qu’une idolâtrie manifefte & fuffifante
pour autorifer le frhifme qui en a féparé une grande
partie de l ’Allemagne & tout le nord de l’Europe ;
& cependant, par une incpnféquence évidente, ce
même Calvin & fes fe&ateurs n’ont pas fait difficulté
de communiquer, en matière de religion, avec les
Luthériens, qui font profeffion de croire la préfonce
réelle. Voye[ Luthériens.
Jamais difpute n’a été agitée avec plus de chaleur
que celle de la préfence reelle. Jamais queftion n’a
été plus enveloppée de fubtilités de la part des novateurs
, ni mieux ôc plus profondément difeutée de
celle des Catholiques. Nous allons donner un précis
‘dès principales raifons de part & d’autre.
Les Catholiques prouvent la vérité de la préfence
réelle par deux voies; l’une qu’ils appellent de dij-
cujjion, l’autre, qu’ils appellent de prescription.
La voie de difeuffion confifte à prouver la vérité
de la préfence réelle, par les textes de l’Ecriture
qui regardent la promelie de Veuckariftie, fon infti-
tution , & l’ùfage de ce facrement : ceux qui concernent
la promelie font ces paroles de Jefus-Chrift, en
S. Jean, chap. VI. ÿ . b 4. & {aiv.ft vous ne mange£
la chair du Fils de l'homme , 6* ne buve^fon fang, vous
naure^ point ma vie en vous : ma chair eft véritablement
viande , & mon fang eft véritablement breuvage. Celui
qui mange ma chair & qui boit mon fang demeure en moi
& moi en lui.hes paroles de l’inftitution font celles-ci,
enS.Matt.chap.XXVI.verf. 26. S.Marc,XIV.verf.
22. S. Lu c, chap. XXII. verf. 19. prene{ & mange
ceci eft mon corps; prenez & buve[ , ceci eft mon fang ou
le calice de monfang. Enfin les textes, où il s’agit de
l’ufage de Veuckariftie, fe trouvent dans la première
épître de S. Paul aux Corinthiens, chap. X X . verf.
16.Le calice que nous bénijfons neft-ilpas la communication
du fang de Jefus-Chrift ? & le pain que nous rompons
n'eft-il pas la participation du corps du Seigneur ?
& dans le chap. fuiv. verf. 27. après avoir rapporté
les paroles de l’inftitution, l’apôtre ajoute : ainji quiconque
aura mangé ce pain ou bu le calice du Seigneur
indignement »fera coupable de la profanation du corps
& du fang du Seigneur.
Ces textes, difent les Catholiques, ne peuvent
s’entendre que littéralement & dans le fens propre«
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C ’ eft aitifi que les Caphafnaïtès, & lès apôtres même
, entendirent -les paroles de la promelie ; & Je-
fus - Chrift ne dit pas un mot pour les détromper
fiir le fond de la chofe, quoiqu’ ils fe trompalfent fiir
la rnaniere-dottt Jefus-Chrrft'devoit donnerfon Corps
à manger & fon fang à boire ; ils penfoient en effet
qu’il en foroit de la chair & du fang de Jéfus-Chrift
comme des alimens ordinaires, & qu’ils les reee-
vroient dans leur forme naturelle & phyfique;idée
qui fait horreur & qui les révolta. Mais Jefus-Chrift
lans leur expliquer la maniéré làcramentélle dont i l
leur donneroit l’a chair pour viande, & fon fang pour
breuvage , n’en jjromer pas moins qu*iMètir donnera
l’un & l’autre réellement ; & les Calviniftes conviennent
que dans ces païfagès il s’agit du vrai corps
& du vrai fang de Jeiüs-Chrift.
Le .pain & le vin ne font ni lignes naturëïsmi lignes
arbitraires du corps &. du fang de Jelus- Chrift.; &
les paroles de finilitution feroient v-uidès de fens, fi
fans avoir préparé l’efprit de fes difoiples, le Sau-
vèur éut employé une métaphore auffi extraordinaire
pour leur dire qu’il leur donnoit le pain & le yin
comme des lignes ou des figures de fon corps oi de
fon fang. Enfin les paroles qui concernent l’ufage de
Veuckariftie ne font pas moins préeifes ; il n’y eft
mention ni de fymboles , ni de lignes, ni de figures
, mais du corps & du fang de Jefus-Chrift, & de
la profanation de l’un i5c de l ’autre , quand on reçoit
indignement Veuckariftie,
D ’ailleurs ,ajoûtent-ils:, comment les peres, pendant
neuf fiecles entiers, ont-ils entendu ces paroles,
non pas dans les écrits polémiques, ou dans des ouvrages'
de oontroverfe, mais dans leurs oâtéchefos
ou inftruétions aux cathécumenes > dans leurs fermons
& leurs homélies au peuple ? Comment, pendant
le même elpace de tems, les fideles ont-ils entendu
ces textes? Que croyoient-ils ? Que penfoient-
ils? Lorlque dans la célébration fréquente des faints
m y fte re s le prêtre ou le diacre leur préfentantl 'eû-
chàriftie, difant , corpus Chrifti, voilà ou ceci eft le
corps de Jefus-Chrift ,ils répondoient amen» i l eft vrai;
fi, comme le fuppofent lesCalviniftes, les uns & les
autres ne croyoient pas la préfence réelle, le langage
des peres & celui du peuple n’étoit qu’un langage
évidemment faux ôc illufoire. Les Pafteurs, comme
le remarque très-bien l’auteur de la perpétuité
de là foi , auroient fans ceffe employé des expref-
fions qui énoncent précifément & formellement la
préfence réelle de Jefus-Chrift dans Veiuhariftie» pour
n’enfeigner qu’une préfence figurée & métaphorique
; & les peuples , de leur co té, intimement convaincus
que Jelus-Chrift n’étoit pas réellement pré-
fent dans Veuckariftie , auroient conçu leur profeffion
de foi dans des termes qui énonçoient formellement
la réalité de fa préfonce. Cette double abfur-
dité eft inconcevable dans la pratique.
La voie de prefeription confifte à prouver, que
depuis la naiffance de l’Eglife, jufqu’au tems oii Bérenger
a commencé à dogmatifor, l’Eglife greque &
latine ont conftamment Sc unanimement profeffé la
foi de la préfence réelle, l’ont encore profeffée
depuis Bérenger jufqu’à Ca lvin, & depuis Calvin
julqu’à nous : c’eft ce qu’ont démontré nos côntro-
verliftes par la tradition non interrompue des peres
de l’Eglife, par les décidons des conciles, par toutes
les liturgies des églifos d’Orient & d’Occident,
par la confeffion même des feftes qui fe font fépa-
rées de l’Eglife, telles que les Neftoriens, lesEuty-
•chiens, &c. ils ont amené les Calviniftes à ce point.
On connoît l’époque de la naiffance de votre erreur
fur la prefence reelle : vous l’avez empruntée des
Vaudois, des Petrobrufiens, des Henriciens ; vous
remontez jufqu’à Bérenger, ou tout au plus, pufqu’à
E IJ C 133 Jean Scbt. Vous êtes dohé vehu troubler l’Eglife
dans fa poffeffion. E t quels titres avez-voiis pour la
combattre? ^oy<qHENkifcïENs , ’&c.
, Proteftans répondent'; t 0. qite lès preuves t irées
de l ’Écriture ne font pas 'àécifives ; & que les
textes allégués par les Catholiques peuvent auffi-
bien fe prendre dans un fens métaphorique ,' que
ceux-ci : Genef. chap, XLVI. verf. 2. les fèpt vaches
p-ajfès& lesfept épis pleins font fejft années d'dbôndâh-
ce ; & dans Dàflféi, éhap. X X I I . -verf. £$. t e prophète
expliquant à N ami chodô rtofor ce que figni-
fioit la ftatiiê coloflalè qu’il avoit Vite eti fonge , il
hii-dit, vous êtes l'a tête d'à'r; OU Ce que Jefus;Chtift
dit dans la parabole de l ’y vraie, en S. Matt. chap.
XXIII. celui quijenie te'bo'n gr'ain , c'éftieFïls de l'homme
; lechartip, V'efl le tfiô'/ide'; la bonne fertîence, ce font
Ifs enfdrts Èu'royaütne '; l'yvr'ài‘e.»‘ce fon i les 'médians ;
C ennemi qui Ü a fêmée » êft te didble la ‘moijftin eft la
tonfotnmdtio'n des fiecles f ies Mèijfohne'ürs fônt les anges;
& S. Paul, en pâflàht de la pierre d’où coulèrent
dès foifr^ès d’èau pour dèfoltéfer les ffraélitcs
dans le defoft, dit dàn's ia prerfiferè ‘épître aux Corinthiens
, chap. X . Vèff. 4* àr là pierft étdit fe 'Chrift.
Toutes ces êxpfeffions, ajoùtènt-ils, font évidemment
métaphoriques ; donc , &c.
On leur répliqué avec fondement, que la difpari-
té eft dés plus fonfiblès, & elle fe tire de ia nature
des circonftances, de la difpofition dés eîprits, &:
des règles du langage établies & rèçûeS parmi tous
les hommes fenîés. Pharaon & Nâbuchoaonofor de-
mahdoient l’explication d’-un fônge ; le premier de-
mandoit à jofèph cè que fignifioiept ces fept vaches
gràffês & ces fept épis pleins qu’il avoit vûs pendant
fonforiimeil '; il ne pOiivoit donc prendre que
dans un fens déng'nificàtiOn & de figure la réponfe de
Jofeph. Il en eft deïîîêrfie de Nabuchodottofor, par
rapport à Daniel; cè monarque atiroit perdu le fens
commun, s’il eût imaginé qu’il étoit réellement la
tête d ’or de la ftâtue qti’il avoit Vire en fohge ; mais
il comprit d’abord Oiié cette tête pouvoir bien être
une figure de ik propre per/bnne oc de ïbn empire ;
comme les autrëspô'rïions de la même ftatue, com-
pofées les unes d’argent, les autres d’airain, celles-
ci de fe r , cèlles-là d’argile, ét oient des fymboles de
différehs autres princes & de leurs monarchies, foins
CHrift propolbit & expliquoit une parabole dont
le corps étoit âliégOrique', & qui renrermoit nécef-
fairement un fens d’application. Perforine ne poti-
voit s’y méprendre : enfin S. Paul dévelôppoit aux
fideles une figure de l’ancieh Teftariient. Lès efpritS
étoient fuffilamment difpoiés à ne pas prendre le
ligne pour la chofe figriifiêô î mais il n’ eft éft paS
ainfi de ces parbîes que Jefus-Chrift adtèffa à feà
apôtres, ceci eft mon corps , ceci eft fnôti fang. Lé pain
& le vin ne font pas lignes naturels du corps & du
fang; & fi Jefus-Chïift ért eût fait alors des lignes
d’irîftitutiori ou de Corivôntion, les réglés ordinaires
du langage & du bonforis ne lui eûlferit pàs permis
de fubftituer à l’autre un de Ces termes qui fl’aüf oient
eu qu’ün rapport arbitraire OU d’inftitUtion ; par
exemple, on ne dit pas qüè dit lierre foit du v in ,
parce qu’il devient ligné dè vin à vendre, pat là
convention & l’inftitütiOft dès hoffiriteS ; on né dit
point qu’une branche d’ôlivièr eft là paix , pareé
que, eft coriféquehce dès idées cbiivënûëS, elle eft
le figrtè de là paix. Les apôtres n’étoiënt nullement
prévenus; J.G. h’âvoit préparé leurs ëfpfits par aucune
expolition ou convention préliminaire : ils dévoient
dôrié riécëlîaireriiênt entendre fes paroles dans
ie fens auquel il les pronoriçbit ; C’eft-à-aife dans lé
fens propre & littéral. Ces raifons qui font fimples ÔC
à là portée de tout le mondé, iï’ônt pas paru telles
à un écrivain, qui, àpfès avoir vécu long-tems
parmi lès Catholiques, 8c perifé çomme éüx, s’éft