
F E T trapïile & de libertinage , fouvent même de batteries
& de meurtres; “excès déplorables qui font
dire à Dieu par Haïe, & cela fur le même iujet': « A
» quoi bon tant de vi&imes ? Que fert de répandre
» pour moi le fang des animaux ? Ge n’eft point-là-
» ce que i’exige de vous ; j’abhorre vos facrifices,
» vos cérémonies, vosfites, le fàbbat même tel que
» vous l ’obfervez; je ne vois dans fout cela que de
» l’abus & du defordre capable d’exciter mon indi-
» gnation. En vain vous éleverez les mains vers m oi,
» ces mains font fouillées de fang, je n’écouterai
» point vos prières ; mais purifiez votre coeur, ne
» méditez plus de projets iniques, ceffez d’être mé-
» chans & pervers, obfervez la juftice, pratiquez la
» bienfaifance, fecourez les opprimés , défendez la
» veuve & l’orphelin ; après cela venez à moi , ve-
» nez en toute affûrahce, & quand vous feriez tout
» noircis de crimes, je vous rendrai plus blancs que
» la neige ». Qub miln multitudinem viclimarum veflra-
rum, dich Dominus. •. ,?Quis quoefivit hac dernanibiis
v e ß r i s . ? incenfum abominatio cßmihi. Neomeniam
& fabbàtum &feßivitates alias non feràm , iniqui funt
catus vtfiri , caltndas veßras &foUmnitates veßras odi-
yit anima mea.. . . Cum extenderitis rnanus veßras, aver-
tam oculos meos à vobis ; cum multiplicaVeritis oratio-
nem, non txaudiam, manus enim veßra fahguine ple-
nàfurit. Lavamini , mundi eßotc , äußerte malum cogita-
tionum veßrarum ab oculis meis, quiefeite agere perversè>
di feite benefacere , quarite judicium , fubveniteopprejfo-,
judicate pupillo , defendite viduam j & venite & arguite
me , dich Dominus. Si fuerint peccata Veßra ut cocci-
nu ni, quafinix dealbabuntur $ &fifuerint rubra quaß
vermiculuniyvelut lana albaerunt. S i volueritis&audie-
titis me , bona terra comedetis. Quod f i nolueritis & me
ad iracundiam provoeâveritis , gladius devorabit vos ,
quia os Domini locutum eß. Ifaïe, ch. j . y, j / , i z ,
j j 9 i 4 , & C c.
Q u i ne voit par-là que nos fêtes, dès-là qu’elles
font profanées par le grand nombre, nous éloignent
véritablement du but qu’on s’eft propole dans leur
inftitutioii?
Mais du refte eh les portant comme on a dit aux
dimanches , les âmes pieufes s’en occuperaient
comme auparavant, & comme elles s’en occupent
dès-à-préfent toutes les fois qu’elles tombent ces
jours-là. Rien ne Convient mieux en effet pour fano
lifier le jour du Seigneur, que d’y faire mémoire des
Saints > de les invoquer, chanter leurs louanges ; leur
gloire eft celle de Dieu même : mirabilis Deus in
Sanctis fuis. Pf. 67. On peut donc remplir ces pieux
devoirs au jour du dimanche, fans perdre civilement
des jours que Dieu a deftinés au travail. Sex
diebus operaberis. Revenons à notre calcul.
Suppofant comme on a dit, vingt-quatre f it e s pour
tout le royaume, & les chommant déformais le di- ,
manche, à l’exception des cinq des plus folennelles, i
c’eft dix-neuffêtes épargnées en faveur de nos travaux
; cependant comme il en tombe toûjours quelques
unes au dimanche, ce qui les diminue d’autant
, ne comptons que fur feize journées acquifes
par la tranfpofitiôn des fêtes. -
Nous pouvons évaluer les journées pour hommes
& pour femmes dans les campagnes éloignées à fix
fous prix commun pour toutes les fàifons, & c’eft
mettre les chofes fort au-deffous du vrai. Mais, la
bonne moitié de nos travailleurs, je veux dire tous
ceux qui fonr employés dans les villes confidérables
& dans les campagnes qui en font voifines, tous
ceux-là, dis-je, gagnent au moins du fort au foible
quatorze fous par jour. Mettons donc quatorze fous
pour la plus forte journée, & fix fous pour la plus
foible, c’eft-à-dire dix fous pour la journée commune.
: Nous pouvons mettre au moins cinq fous de perte
F E T réelle pour un travailleur, en ce qu’il dépenfe de
plus aux jours de fêtes, pour la parure, pour la bonne-
chere & la boiffon ; article important, & qui pourrait
être porté plus haut, puifqu’une fite omvc la
perte & les dépeufes du jour, entraîne bienfouvént.
fon lendemain. Voilà donc du plus au moins à toute.
fête quinze fous de vraie perte pour chaque travailleur
; or quinze fous multipliés par feize fêtes qu’on
fuppofetranfportées au dimanche, font pour.lui une
perte aéhielle de douze francs toutes les années. ï
Je conviens qu’il peut y avoir quelqûès ouvriers
& autres petites gens, für-tout dàns les campagnes,
qui en non-travail & furcroît de dëpenfes, ne perdent
pas quinze fous par jour dè fiee > mais combien
en trouvera-t-on d’autres qui perdent infiniment da-
, vantage ? Un bon ouvrier dans les grandes ville s ,
un homme qui travaille avec des compagnons, un
• chef, un maître de manufacture, un voiturier que le
refpeft d’une fête arrête avec fes chevaux, un labou-
! reur qui perd une belle journée, & qui, au milieu
de l’ouvrage demeure à rien faire lui & tout fon
monde, un maître maçon, un maître charpentier, &ci
fous cesge'ns-là, dis-je, comptant le non-travail &c
l’augmentation de dépenfe ne perdent-ils que quinze
fous par jour de fête > D ’autre côté les négocians ,
les gens de plume & d’affaires, qui tous profitent
moins pendant les fêtes -, & qui font eux de leur famille
beaucoup plus de dépenfe», ne perdent-ils aufli
que quinze fous chacun ? On en jugera fans peine,
pour peu qu’on connoiffe leur-façon de vivre.
Maintenant fur dix-huit à vingt-millions d’ames
que l’on compte dans le royaume, fuppofons huit
millions de travailleurs, y compris les artifans, ma*
nufaâur-iers, laboureurs, vignerons , Vbituriers,
marchands , praticiens, gens d’affaires, &c. y compris
encore un grand nombre de femmes tant marchandes
qu’ouvrieres, qui toutes perdent aux fêtes
à-peu-près comme les hommes. Or s’il y a huit millions
de travailleurs en France à qui Poft puiffe procurer
de plus tous lès ans feizé' jours de travail Sc
d’épargne, à quinze fous par jour, ou comme on a
vu à douze francs par année , c’eft tout d’un coup
quatre-vïhgt-feize millions de livres que les fêtes
hôus enlevent, & que nous gagneriohs annuelle-,
ment fi l’on exéçutoit cè que je propofe.
En effet, l’argent n’entrant dans le royaume, 8t
fur-tout les biens phyfiques ne s’y multipliant qu’à
proportion du travail & de l’épargne, nous.les verrons
croître fenfiblement dès que nous travaillerons
davantage, & que nous déperiferohs moins. Confé*
quemment tous nos ouvrages , toutes nos marchan-
difes- & denrées deviendront plus abofidantes & à
meilleur compte, & nos manufactures ne feront pas
moins fru&ueufes que celles des Anglois, des Allemands*
& des Hollandois, à qui laliippreflion des
fêtes eft devenue extrêmement profitable.
Au refte, outre là perte du tçms & les frais fu-
perflus qui s’enfuivent de nos fêtes , elles dérangent
tellement les foires & les marchés, que les commer*
çans voituriers & autres ne favent bien fouvent à
quoi s’en .tenir là-deffus ; ce qui caufe immanquablement
de l’inquiétude & du dommage ; au lieu que
fi nos fêtes étoient fupprimées ou mifes au dimanche
, les marchés ordinaires ne feraient plus dérangés.
A l’égard des foires qui fuivroient les fêtes tranf-
pofées, on pourrait les fixer au lundi d’après chaque
fête , elles y feraient beaucoup mieux qu’aux jours
maigres qui ne font jamais commodes pour la tenue
des foires.
Quoi qu’il en foit, il eft certain que les fêtes nui-
fent plus qu’on ne fauroit dire à toutes fortes d’en-
treprifes & de travaux, & qu’elles contribuent même
à débaucher les ouvriers ; elles leur fourniffent
F E T «3e fréquentes occafions. de s’enivrer^ & l’habitude
'de la crapule une fois contrafrée ,:Fe réveille malhéii-
reufement au milietimême de leuf;occupation ;<on;ne
l’éprouve que trop tous les jours , pour, peu qu’on
fafîe travailler. On voit avec chagrin que les ouvrages
languiffent, & que rien ne fe finit qu’avecïbeaü-
coup de lenteur; le tout au grand dommage du public,
fur qui tombent ces retardemens & ces pertes.
-On peut dire encore que la décifion des procès &
l’expédition des autres affaires fouffrent beaucoup
des fêtes, & il n’eft pas jufqu’aüx études claffiques
qui n’en foient fort dérangées.
Les Arméniens, en partie catholiques 7 ô c tous në-
gocians des plus habiles, fentant -le préjudice que
leur caufoient les fêtes, les ont toutes mifes au dimanche,
à l’exception de quatre. Voyeç état préfent
de £ Empire ottoman, page 4 à f i . Une difpofition fem-
blable fut propofée .à Rome en 1741 ou 1742 ; &
après une difeuflion de plufieurs années fur cette ma-
4iere importante, le pape Benoît X IV . à-préfent
régnant, a laiffé toute liberté en Italie de retrancher
oij de .modifier le nombre des fêtes : c’eft pourquoi,
difent des journaliftes non fufpeds en cette matière
,« plufieurs évêques de ce pays-là ont con-
» fidéré qde les dimanches & quatre ou cinq grandes
» folennités fuffifoient au peuple, & c qu’il ne falloit
;» pas lui laiffer dans une multitude d’autres: fêtes,
y> le prétexte ou l’occafion de perdre fon tems , fon
» argent, fon innocence, & c le fruit de i’inftru&ion
» des pafteurs. En conféquence, nous dit- o n , les
» retranchemens 'ont été. faits ; & après quelques
» petites contradifrions, qui étoient le cri de la cou-
» tume plutôt que de la piété, tout le monde a été
.» content ». Joum, de Trév. I . vol. de Mai 17S4.
Pareil retranchement s’eft fait dans les; états du rai
de Pruffe & dan§ les Pays-Bas catholiques (Galette
de France, zi Août / y i/ ) ; un autre enfin tout récem?
ment dans l’Autriche & pays héréditaires , où l’on
a fupprimé tout-d’un-coup vingt-quatre fêtes ( Mercure
d'Avril 1764) ; deforte que dans tout le monde
chrétien nous fommes aujourd’hui prefque les feuls
efelaves fur cela de l’ignorance & delà coutume; &
qu’ainfi nos voifins , fi glorieux autrefois de nous
imiter, ne veulent plus nous laiffer,que l ’honneur de
marcher fur leurs traces.
Suppofé donc l’abus des fêtes une fois bien reconnu
, je crois, fauf meilleur avis, que la diftribution
füivante ferait tout enfemble commode & raifonnà-
ble ; & pour commencer par la Circoncifion, ellè
fera fixée au premier dimanche de Janvier ; les Rois
feront fêtés le fécond dimanche du même mois ;
fainte Génevieve fera mife au dimanche fuivant.
La Purification viendra toûjours le premier dimanche
de Février, S. Matthias le dernier dimanche du
même mois. L’Annonciation fera chommée le premier
dimanche ou tel autre que l’on voudra dü mois
de Mars.
. Au furplus on fêtera le lundi de Pâque, afin de procurer
du loifir aux peuples pour fatisfâire au' devoir
pafcal : c’eft airifi qu’en ont ùfé quelques évêques.
Mais pour ce qui eft de la Pentecôte, il n’y aura pas
plus de fêtes qu’à la Trinité ; & çela , comme on l’a
d it , parce que ce tems, fi propre pour toutes fortes
de travaux, devient, au moyen des fêtes, un tems
de plaifir, d’excès & de libertinage ; ce qui nuit également
aux bonnes moeurs & à l’économie publique :
Neomeniam 6* fabbatum , & fefiivitates alias non fe-
ram; iniqui funt catus vejlri. Ilàïe j . 13.
La fête de S. Jacques & S. Philippe tombera au premier
dimanche de Mai. On ne touchera point à l’Aff.
cenfion; mais la Fête-Dieu fera tranfportée au dimanche
d’après la Trinité, & la petite Fête-Dieu au
^dimanche fuivant.
La S. Jean viendra le dernier dimanche de Juin,
f orne VI.
F E T 567
& la S. Pierfrô le premief ditftanehé de Juillet^ S»
Jacques & S. Ghriftophe le dernier dimanche du mêJ
me mois.
Lagere de $. Laurent fe chomméra le premier di*
manche du -mois d’Août : l’Affomption fera mife ait
famedi fuivant ; & le vendredi'* Veillé de là fête, 'fera
jeûne à l ’ordinaire. S. Barthélémi Louis feront
fêtés les deux derniers dimanches du même rfiöi'ä.
La N ativité vient naturellement le premier diman*
ehe de Septembre ; S. Matthieu & S. Michel * les
deux derniers dimanches du- même mois. S. Denis
& S. Simon: feront chomrtiés en deux dimanches
d’O&obre.
La fête de tous les Sàints fera fixée ait fâniédi qui
précédera le premier-dimanche de Novembre * & les
Trépafles au lendemain, ou, fi l’on veut, au lundi
fubféquent ; mais avec ordre de! la police d’ouvrir
de bonne-heure- les atteliers & les boutiques.' Saint
Marcel, S. Martin & S. André fe dhommeront'aufft
lé dimanche -, & dans le mois de Novembre. La Con-f
eeption, S .Thomas, S. Etienne & S. Jean occupe-,
ront les dimanches du mois de Décembre.
Les Innocens feront fupprimés par-tout, comme
ils le font déjà dân's‘plufieurs diocefes '; mais le- Jour
de Noël fera fêté féparément le famêdi, veille du 'dernier
dimanche de l’année. Au refte là raifon de convenance
pour fixer les plus grandes fetes au famedi,
e’éft pour en augmenter la foleniïité en les rappro-*
chant du dimanche, & fur-foüt pour faire tomber1
le jeûne au vendredi.
Les fites de, patron peuvent aiifli être chommées
le dimanche ; & feu M . Langüet-, c-uré de S. Siilpice,
en a donné l ’exemple à tout Parisi Plût- aù 'diel quel
les curés & autres1 fupérieurs ecGléfiàftiqües v o u lû t
fent bien établir partout la même pratique ! D u 'refte
plufieurs paroiffes’Ont deux patrons, & conféqüem-
nient deux-/^e5<; mais, en bonne fo i, c’en eft t ro p , &C
rien n’eft plus nuifible pour lés gens-laborieux : on
pourroit em,épargner une,' indépendamment de. toute
autre nouveauté, ertfêtant les deux patrons dans un
feuljour.V'
Je ne dois pas oublier iirt abus qlii mériterait bien
l ’attention dè la police : c’eft que les communautés
des arts & du négoce ne manquent point dé fermer1
boutique le jour de leur prétendue fête, i l y a même
des communautés qui en ont deux par an ; & quoi*
qu’il n’y ait rien de plus arbitraire que de pareilles
inftitutions, ellés font payer une amende à ceux de
leur corps qui vendent ou qui travaillent ces joürs-
là . Si ce n’eft pas là de l ’abus, j’avoue que je n’y
connois rien. Je voudrais donc réjetter ces fortes de
fêtes au dimanche, ou mieux encore les fupprimer
tout-à-fait, attendu qu’elles font toûjours moins favorables
à la piété qu’à la fainéaîitife & à l ’ivrognerie
: iniqui funt catus vefiri , caltndas veßras & foUm*
nitates veßras odivitanima mea. Ifaïe j . 13.
On me permettra bien de dire Un mot des fêtes dé
palais., & fur-tout des fites de Collège, du landi ,des
proceffions du refteur, ô'c. Toût cela n’eft appuyé^
ce me femblé, que für le penchant que nous avons
à la pareffe ; mais tout cela n’entre point dans l’ef*
prit des fondateurs, & ne s’accorde point avec le fer-
v ice du public. Il vaudrait mieux faire fön devoir
& fon métier, v e iller, inftruire & former la jeuneffe,'
que de s’amufer, comme des enfans, à faire des procédions
& des tournées qui embarraffent la vo ie pub
liq u e , & qui ne font d’aucune utilité. Encore fe*
roit-ce d em i-m a l, fi l’on y employoit des fêtes ou
des congés ordinaires ; mais on-s’en donne bien de
garde : la tournée ne ferait pas complette, fi l ’on
ne perdoit un jour entier à la fa ire , fans préjudice de
tant d’autres congés qui emportent la meilleure partie
de l’année, & qui nuifent infiniment au bien des
études & à rioftitutüon des moeurs.