
Onpeutrapporter à ces trois efpeces de fibres com*
pofées, toutes celles qui fe trouvent dans le corps
humain : elles font toutes très-flexibles (fans en excepter
les offeufes) prifes féparément ; mais unies
on maffe, elles different à cet égard : les o s , les cornes
n’ont prefque point de flexibilité, fur-tout dans
les adultes ; les ongles en ont un peu , lorfqu’elles
font en lames ; les cartilages en ont davantage que
les ongles , tout étant égal ; les chairs, les tendons,
les membranes, les maffes nerveufes 8c les nerfs,
font des parties toutes très-flexibles. Vyyc^ ce qui a
oté dit ci-devant des propriétés des fibres.
Les efpeces de fibres, dont on vient de faire ment
io n , quoique bien differentes entr’ elles par leurs
■ qualités fenfibles, ne font néanmoins qu’un compo-
fé de fibres fimples , fous forme de vaifleaux infiniment
petits , ou des vaifleaux oblitérés , plus ou
moins fortement adhérentes les unes aux autres,
qui ne different entr’elles que par les diverfes com-
binaifons de leur union : les parties élémentaires qui
forment les fibres, font les mêmes , c’eft- à - dire de
même nature , de même figure, de même volume,
félon Lewenhoek , & vraisemblablement elles ont
aufli , à l’égard de chaque individu, la même force
de cohéfion pour leur union , fous forme d e fibres
fimples, à la compofition de quelque partie qu’elles
puiffent être deftinées : ainfi c ’eft avec raifon que
l’on a retenu des anciens, pour les élémens des fibres,
& pour les fibres même en tant que fimples, le nom
des parties Jimilaires , afin de les diftinguer des parties
qui en font compofées, des inftrumens dont l’af-
femblage forme l’individu, qui fervent aux différentes
avions de la machine animale, qui font par conféquent
d’une grande différence entr’eux par leur
ftrudure, 8c qui font ainfi réellement diflimilaires :
on a aufli contervé à ces dernieres parties leur ancienne
dénomination ; elles font encore appellées organiques.
Il exifte donc de cette maniéré deux genres
de parties folides , dont les différences ne font
que les efpeces : tous les animaux (8c les végétaux
même ) font compofés de parties fimilaires primitiv
es, 8c de parties qui en font formées, c’eft-à-dire
de parties iecondaires organiques , inftrumentai-
res : voilà ce qu’ils ont de commun ; màis par quoi
ils different, c’eft par la difpofition de toutes ces différentes
parties, tant fimples que compofées, par le
plus ou moins de force de cohéfion de celles-là, 8c
par l ’organifme , le méchanifme de celles-ci ; non-
feulement chaque clafle d’animaux poffede ces trois
qualités d’une maniéré qui lui eft propre , mais encore
chaque ordre , chaque efpece, chaque individu
a une forte de cohéfion dans les fibres dont il eft
formé, une forte d’organifation, qui ne font communes
qu’à une même clafle, qui deviennent particulières
à un même ordre , qui font plus particulières
encore à une même efpece, 8c qui examinées avec
plus/l’attention, font abfolument propres 8c différentes
dans chaque individu : on peut même pouffer
cette confidérationjufqu’aux différentes parties; dont
l’affemblage forme l’individu, comparées entr’elles,
qui font aufli difpofées, par rapport à leurs principes
& à leur maffe, d’une maniéré qui leur eft particulière
, proportionnément au tout.
La différente combinaifon des fibres produit donc
feule la différence caradériftique entre les animaux,
entre les parties qui les forment ; 8c les individus qui
réfultent de ces parties, comparés les uns aux autres
, en tant que ces fibres font réunies entr’elles de
différentes maniérés , forment en conféquence des
organes plus ou moins confiftans, plus ou moins den-
fes, plus ou moins fermes , élaftiques, diftradiles,
flexibles, 8c en un mot plus ou moins forts , 8c dif-
pofés à exercer les fondions auxquelles ils font defti-
nés ; toutes ces qualités dépendent donc du conta#
d e s fibres e n t r ’ e l l e s , p lu s o u m o in s é t e n d u , c ’ e f t - à »
d i r e f é l o n q u ’ e l l e s f o n t u n i e s p a r d e s f u r f a c e s o u par
d e s p o in t s a v e c d e s m o d i f i c a t i o n s in d é f i n i e s , q u i
r e n d e n t p l u s o u m o in s r o b u f t e s o u f o i b l e s l e s v a i f -
f e a u x f o rm é s d e c e s fibres , 8c l e s d i f p o f e n t à c o n v
e r t i r e n p lu s o u m o in s g r a n d n o m b r e , p lu s o u m o in s
p r o m p t e m e n t l e s p e t i t s v a i f l e a u x e n fibres, f o rm é e s
d e c e l l e s q u i n e f o n t q u e d e s v a i f l e a u x f im p l e s o b l i t
é r é s p a r l a c o m p r e f î i o n d e s c o m p o f é s , p a r l e s e a u -
f e s d e l a v i e , c o n f é q u e m m e n t p lu s p u i f f a n t e s d a n s
c e r t a i n s f u j e t s q u e d a n s d ’ a u t r e s : d e - là s ’ e n f u i t , par
l a c o m p a r a i f o n d e c e s d i f f é r e n t e s q u a l i t é s d e s p a r t
i e s f o l i d e s 8c d e l e u r s e f f e t s d a n s c h a q u e i n d i v i d u ,
l a d i f f é r e n c e d e c e q u ’ o n e n t e n d p a r tempérament
p a r confiitution , complexion particulière ; c ’ e f t l ’ i -
d i o f y n c r a f e d e s a n c i e n s : d e s a u t e u r s d i f t i n g u e n t
m ê m e e n c o r e l e t e m p é r a m e n t d e l a c o n f t i t u t i o n , e n
c e q u e c e l u i - c i e f t t i r é d e s p r i n c i p e s p h y f i q u e s , d e s
c a u f e s p r im o r d i a l e s d e l a f t r u d u r e d u c o r p s .h u m a i n ,
8c l a c o n f t i t u t i o n d é p e n d d e f e s p r i n c i p e s m é c h a n i -
q u e s , d u j e u , d e l ’ a d i o n d e s o r g a n e s . Voye^ T e m p é r
a m e n t .
En voilà affez fur les fibres, tant fimples que compofées
, confidérées phyfiologiquement ; cependant
quelqu’étendu que foit le détail dans lequel on vient
d’entrer à ce fujet, la matière en eft fi abondante,
qu’il laiffe encore bien des chofes à defirer par rapport
à ce qui en a été dit : pour fuppléer à ce défaut,
il faut avoir recours aux différèns ouvrages fur l’économie
animale, dont ce fiecle a enrichi la Médecine
, tels que ceux de Lewenhoek , de Baglivi,
d’Hoffman ; les commentaires de Boerhaave par MM.
Haller 8c "Wanfwieten ; le mot fibre du dictionnaire
de Medecine , d’après ce dernier ; la phyjiologie de
M. de Sauvages, 8c particulièrement la dijfertatiort
de M. Fizes , célébré profeffeur praticien de Montpellier
, intitulée confpecius anacomico - mechanicus
partium humani corporis folidarum , dans laquelle la
phyfique des fibres , 8c des parties qui en font formées
, paroît être mife dans tout fon jour. Voye£
aufli les articles F oe t u s , N u t r i t i o n , M u s c l e ,
Os.A
près avoir examiné la fibre en. général, relativement
à l’état naturel -, à l’état de conformation,
tel que l’exige la fanté de chaque individu, il refte à
voir à quels changemens elle eft.expofée dans l’jétat
que l’bn appelle dans les écoles contre-nature , c ’eft-
à-dire dans celui de léfion, de maladie.
Nous venons de voir ci-devant, que le corps humain
, par rapport à fes fibres 8c à leur affemblage j
eft un compofe de parties Jimilaires ou fimples, & de
parties dijjimilaires ou organiques : de cette diftinc-
tion des parties folides en deux efpeces principales,
qui peuvent avoir chacune leurs vices, leurs maladies
propres, il en réfulte aufli deux efpeces de lé-
fions principales, dont font fufceptibles les parties
folides ; la première regarde les parties fimples, l’au-
. tre les parties compofées : les anciens n’ont prefque
■ point fait mention de celle-là, fi l’on en excepte Galien
, comme on le prouvera ci-après. Les méthodiques
même, qui ne cherchoierit les caufes des maladies
abfolument que dans les folides, dont la doctrine
eft ordinairement appellée de jîriclo & laxo, c’eft-
à-dire, de la conftridionou roideur 8c du relâchement
ou deHa-débilité des parties, n’ont'point con-
fidéré ces vices dans les fibres premières, mais feulement
dans les parties organiques ; ils n’ont rien dit
des maladies des fibres proprement dites : Medici funt
fenfuales artifices, les Médecins ne doivent rechercher
leur objet que dans ce qui tombe fous les fens,
pourroit-on dire » pour approuver la conduite des
anciens à cet égard ; mais on ne feroit pas attention^
qu’il ne s’agit dans cette maxime que des effets, &
non pas des caufes ; on ne doit raifonner 8c tirer des
conféquenccs de celles-ci, que d apres les phénomènes
qui s’epfuivent. Que ces caufes foient fenfibles
ou non, les effets doivent toujours 1 etre pour déterminer
les Médecins à s’y intéreffer: c’eft ce que Galien
paroît avoir très-bien obfervé., même pour le
fujet dont il s’agit ( meth. 1.1 1 . cap. jv . ) : il établit
d’abord les deux vices dont peuvent être principalement
affeâés les folides : fiait auum .dm prima paf-
Jîones, dit-il ; altéra angufiatiofeu confirictio meatuum ,
altéra ampliatio feu relaxatio. « Les lefions radicales
des canaux, c’eft-à-dire par conféquent des foli-
„ des en général, ne peuvent être que leur refferre-
» ment ou leur relâchement ». Namfi prima elementa
lupponantur impojfibilia , continue le même auteur,
nullat erunt alite , praterquam in compojitione, pajjio-
nes ; fola autem compojitio ea qua dicimus diferimina
recipit. « Car fi on fuppofe les premiers élémens inal-
» térables, il ne peut y avoir de léfions que dans les
» parties qui en font compofées ; ces léfions n’ad-
» mettent d’autre différence, que celle qui vient d’ê-
» tre mentionnée » ; quare necejfe efijimilarium quam-
libetpartium tune fuum habere robur, ajoute-t-il; cum
meatuum moderationem obtinet, quâ moderatione cor-
Tuptâ,à naturalidifpojitione digrediaturopottet. « C ’eft
»pourquoi il eft néceffaire que chacune des parties
» Similaires ait une force qui lui foit propre, tant
» que les canaux font dans l’état convenable; mais
» lorfque cet état vient à fouflrir quelque dérange-
» ment, il s’enfuit que les parties ne relient plus dans
» leur difpofition naturelle ». Et pour ne laiffer aucun
doute fur ce qu’il entend par parties Jimilaires ,
il finit par cette confidération, dont on ne peut certainement
faire l’application qu’a u x / ^ primitives.
Sed quoniam una quoique mediocritas duplicem patitur
corruptionem , alteram exuperantiam , alteramdefectum;
liquet, quoiprima pajfiones corporum fimplicium du-
plices-erunt, quarum altéra ex ampliatione, altéra ex
anguftatione meatuum confiftunt. « Mais parce que 1 e-
» tat moyen, qui eft l’état naturel, eft fiifceptible
» d’être vicié de deux maniérés, favoir par excès
» ou par défaut, il paroît évident qu’il ne peut y
» avoir d’autre maladie des corps fimples, que le
» refferrement & le relâchement des conduits qui en |
» font formés ». . , .
1 C ’eft ainfi que le fameux auteur dont ^ n s agit,
jette le fondement de la théorie des maladies des félidés,
fansVappercevoir que c’eft celui de la doctrine
des méthodiques, qu’ il a tant combattu ; mais
ils n’ont jamais fi bien pofé leurs principes, que Galien
le fait pour eux ; ils’vouloient réduire toutes les
maladies à celles des folides, au lieu que Galien, re-
connoiffant ces léfions primordiales des parties confinantes
, ne fe bornoit pas là ; il fentoit la nécelîité
d ’admettre des dégénérations dans les fluides, indépendantes
des vices dans les folides : mais c’eft de
ces vices dont il doit être queftion ic i , 8c de ceux
qui regardent les parties fimilaires feulement, c’eft-
à-dire les fibres fimples ; quant à celles des parties
diflimilaires ou inftrumentaires, voyc^ O rganb,, ,
Organiques , (maladies.) I
Une partie élémentaire prife feparément, dit
Boerhaave (d’après Galien, ainfi qu’on vient de le
voir1) , n’éprouve aucune alteration dans la tubltan-
c e , aucune maladie par conféquent; 8t quand meme
on en fuppoferoit quelqu’elpece, elle refteroit
toujours inconnue, parce qu’il n’y a pas apparence
que les effets puffent tomber fous les fens; dadleurs
on ne pourroit pas diftinguer ces effets de ceux des
v ice s , dont font afteftées les parties compofees de
corpufcules élémentaires : mais l’element eft inaltérable
de fa nature, ainfi qu’il a été établi au commencement
de cet article ; on peut décider confe-
quemment, qu’il ne fauroit être affede d’aucune façon
: il ne peut non plus y avoir aucune léfion dans
J om VU
les parties qui font immédiatement formées de ces
corpufcules primitifs, unis entr’eux, c’eft-à-dire dans
les fibres fimples, fi ce n’eft eu égard à leur connexion
, qui peut être ou trop forte ou trop foible : la
folution de continuité regarde les parties compofees :
il n’eft pas poflible de donner ici une réglé générale,
par laquelle on puiffe déterminer quel doit être le
degré de cohéfion des parties élémentaires de la fibre
, pour qu’il foit le plus convenable à la fanté ; il
n’y en a réellement point de fixe ; il varie félon les
différèns tempéramens ; d’ailleurs il n’eft pas toujours
le même dans un même fujet : il change avec l’âge ,
8c dans tous les tems de la v ie il eft fufceptible d’une
certaine extenfion, en plus ou en moins, fans que la
fanté en fouffre ; cette extenfion eft néceffaire pour
l’exercice de la plupart des fondions, qui donne lieu
à l’alongement,au tiraillement des organes, par conféquent
des fibres dont ils font compofés ; ainfi les
principaux vices de ces parties fimples confiftent
principalement en ce qu’elles cedent trop ou trop
peu aux efforts qui tendent à les alonger : d’ou il
fuit que l’on peut comprendre ces vices fous deux
genres effentiellement bien différèns ; le premier eft
caradérifé par la laxité, par le défaut de reffort des
fibres : le fécond, par l’aftridion 8c l’excès d’élafti-
cité ; c’eft par conféquent dans tous les deux cas ,
par la feule cohéfion que l’on connoît, que peche.
la fibre; ce défaut & l’excès de l’union des parties,
élémentaires qui la compofent, font toute la différence.
'
Il n’eft pas poflible de juger de ces léfions des folides
fimples, fans en confiderer les effets dans les organes
qui en font compofés, parce que ceux-ci ne
peuvent que participer à la nature 8c à toutes les
qualités de leurs principes ; & ceux-là ne font jamais
apperçus féparément pendant la v ie de l’animal auquel
ils appartiennent: ils font toujours des parties
intimement liées à leur tout : il ne fe trouve dans aucune
partie du corps aucune fibre fimple, qui ne foit
pas unie à d’autres pour former une membrane ; il
ne fe trouve aufli aucune membrane fimple, qui ne
foit repliée fur ellè-inênie pour former un vaiffeau
fimple : cette membrane n’eft pas fufceptible d’autre
v ic e , que les fibres qui entrent dans fa compofition ,
par leur union entr’ elles, félon leur longueur : cette
union, femblable à celle des parties élémentaires r
peut également pécher, ou parce qu’elle eft trop
forte, ou parce qu’elle l’eft trop peu : ori peut dire
la même chofe des membranes plus compofées, 8c
de toutes les autres parties qui forment les organes
par leur union entr’elles, en tant que cette union fe
fait par le contad, parla cohéfion, ainfi que celle
des élémens pour les fibres, des fibres pour les membranes
primitives : ainfi tous les organes, quelque
compofés qu’ils foient, font fujets aux mêmes vices
que les parties les plus fimples : les vaifleaux de cette
qualité ne font point connus par les fens, ni même
ceux du fécond, du troifieme ordre ; on n’apperçoit
guere que ceux du cinquième, du fixième. L’aorte
eft compofée de plus d’un million de vaifleaux & de
membranes de ces différèns ordres ; cependant cette
artere n’eft pas expofée à d’autres maladies que la
fibre fimple , dont les deux genres principaux font
ainfi qu’il a été dit ci-devant, & qu’il va eue expliqué
, la laxité & l’aftridion.
On appelle laxité clans les fibres, l’état dans lequel
les corpufcules élémentaires qui concourent par leur
union à la formation des fibres, ont fi peu de force
de cohéfion entr’eu x , qu’elle cede aifément aux
moindres efforts des mouvemens néceffaires pour la
fanté, ou au moins de ceux qui ne font guere plus 1' confidérables qu’il ne faut dans l’état le plus natu-
t e l , le plus réglé, le plus tranquille, refpedivement
aux différèns tems de la vie : enforte que les fibres
Q Q q q A