
i l fe trouva forgé par les circonftances de leur accorder
tout ce qu’ils demandoient.
Le roi qui avoit déjà pris des arrangemens avec
les Anglois, fit publier à Paris des défenfes pour lever
l’aide accordée par les états, & à eux de fe raf-
fembler. Cependant comme les receveurs des états
étoient maîtres de l’argent, le dauphin fut obligé de
confentir à une affemblée. Il y en eut encore deux
autres en 13 57, oit la nobleffe ne parut point étant
gagnée par le dauphin, qui d’un autre côté mit les
villes en défiance contre la nobleffe, pour les empêcher
d es’unir.
Depuis que le dauphin eut été nommé régent du
royaume, il ne laiffa pas de convoquer encore en
différentes années plufieurs états, tant généraux que
particuliers: mais l’indécence avec laquelle fe con-
duifirent les états à Paris en 1358, fut l’écueil où fe
brifa la puiffanceque les états s’étoient attribuée dans
des tems de trouble. Depuis ce tems ils furent affem-
blés moins fréquemment ; & lorfqu’on les affembla,
ils n’eurent plus que la voix de fimplè remontrance.
Ceux de la fénechauffée de Beaucaire & de Nîmes
tenus en 1363, préfenterent au roi un cahier ou mémoire
de leurs demandes : c’eft la première fois, à ce
qu’il paroît, que les états fe foient fervi du terme de
cahier pour défigner leurs demandes ; car dans les pré-
cédens états on a vu que ces fortes de mémoires
étoient qualifiés de cédule, apparemment parce que
Ton n’avoit pas encore l’ufage d’écrire les aûes en
forme de cahier. Au refte il étoit libre au roi de faire
ou ne pas faire droit fur leurs cahiers ; mais il fi.it toujours
néceffaire que l’ordonnance qu’il rendoit fur les
cahiers des états généraux, fut vérifiée au parlement
qui repréfente feul le corps de la nation.
Les états généraux ne furent affemblés que deux fois
fous le régné de Charles V . en l’année 1369. La première
de ces deux affemblées fe tint en la grand-chambre
du parlement, le roi féant en fon lit de juftice ; le
tiers état étoit hors l’enceinte du parquet & en fi grand
nombre, que la chambre en étoit remplie. Il ne fut
point queftion pour cette fois de fubfide, mais feulement
ae délibérer fu r l’exécution du traité de Breti-
gn y, & fur la guerre qu’il s’agiffoit d’entreprendre.
Les-autres états frirent tenus pour avoir un fubfide.
C e qu’il y a de plus remarquable dans ces deux affemblées,
eft que l’on n’y parla point de réfbrma-
tion comme les états avoient coutume de faire, tant
on étoit perfuadé de la fageflë du gouvernement.
La foibleffe du régné de Charles VI. donna lieu
à de fréquentes affemblées des états. Il y en eut à
Compiegne, à Paris, 6c dans plufieurs autres villes.
Le detail de ce qui s’y paffa, aufli bien que dans ceux
tenus fous le roi Jean, fè trouve fort au long dans
des préfaces de M . Secouffe, fur les tomes II I . & fuiv.
des ordonnances de la troijieme race.
Les guerres continuelles que Charles VII. eut à
Soutenir coritre les Anglois, furent caufe qu’il affembla
rarement les états ; il y en eut cependant à Me-
lun-fur-Y e v r e , à T ours, 6c à Orléans.
Celui de tous nos rois qui fut tirer le meilleur
parti des états, fut le roi Louis XI. quand il voulut
s’en fervir, comme il fit en 1467, pour régler l’apanage
de fon frere ; ce qui fut moins l’effet du pouvoir
des états, qu’un trait de politique de Louis XI. car
il y avoit déjà long-temsque ces affemblées avoient
perdu leur crédit. Il s’agiffoit d’ailleurs en cette oc-
cafion d’un objet qui ne concernoit point les états ,
& pour lequel il n’avoit pas befoin de leur confente-
ment.
Depuis l’année 1483, époque du commencement
du régné de Charles VIII. il n y eut point d’états juf-
qu’en 1506, qu’on en tint à Tours fous Louis X II. à
X occafion du mariage de la fille aînée du roi.
I l n’y en eut point du tout fous François premier,
Du régné d’Henri IL il n’y en eut point avant
1558. Savaron en date pourtant d’autres de 1549:
mais c’étoit un lit de juftice.
Les états généraux tenùs du tems de Charles IX .
donnèrent lieu à trois célèbres ordonnances, qui fuirent
faites fur les plaintes & doléances dés trois états ;
favoir les états d’Orléans à l ’ôrdcirinance de 1560,
pour la réformation du royaume, appellée l’ordonnance
d'Orléans ; 6c à celle de Rouflillôn de l’annéé
1563, portant réglement fur le fait de la juftice pour
fatisfaireau furplus des cahiers des états, comme lè
roi l’avoit réfervé par la première ordonnance. Les
états de Moulins donnèrent lieu à l’Ordonnance de
1566, pour la réformation de la juftice, appèllée
[’ordonnance de Moulins.
Les états généraux tenus à Blois fous Henri III. en
1576, donnèrent aufli lieu à l’ordortiiance de 1579,
laquelle, quoique datée de Paris 6c publiée trois ans
après les états de Blois, a été appellée ordonnance de
Blois; parce qu’elle fut dreffée fur les cahiers de ces
états. Il y en eut aufli à Blois en 1588 ; &: l’infolence
des demandes qu’ils firent, avança le defaftre des
Guifes.
Le duc de Mayenne affembla à Paris en 1593 de
pretepdus états généraux , où l’on propofa vainement
d’abolir la loi falique. Comme entré les trois ordres
il n’y avoit que celui de la nobleffe qui fut dévoilé
au duc, 6c qu’il y avoit peit de nobleffe confidérable
à cette affemblée, il propofa pour fortifier fon parti
d’ajouter deux nouveaux Ordres aux trois autres ; favoir
celui des feigneurs, & celui des gens de robe 6t
du parlement ; ce qui fut rejetté. Ces états furent caf-
fés par arrêt du parlement du 30 Mai 1594.
Les derniers états généraux font ceux qui fe tinrent
à Paris en 1614. Le roi avoit ordonné que le clergé
s’affemblât aux Auguftins, la nobleffe aux Cordeliers
, & le tiers-état dans l’hôtel-de-ville ; mais la no-
bleffe 6c le tiers-état demandèrent permiflion de s’af-
fembler aufli aux Auguftins, afin que les trois ordres
puffent conférer enfemble : ce qui leur fut accordé.
La chambre du clergé étoit compofée de cent qua^
rante perfonnes, dont cinq cardinaux, fept archevê-
qucs 7 6c quarante-fept évêques. chaCmenbtr et rdeen tlea- ndoebulxe fgfee.ntilshommes compofoient la
Celle du tiers-etat où préfidoit le prévôt des marchands
, étoit compofée de cent quatre-vingts-deux
députés, tous officiers de juftice ou de finance.
L’ouverture des états fe fit le 27 Oélobre,après un
jeûne public de trois jours 6c une proceffion folen-
nelle, que l’on avoit ordonné pour implorer l’affif-
tance du ciel.
L’affemblée fe tint au Louvre dans la grande falle
de l’hôtel de Bourbon ; le roi y fiégea fous un dais de
velours v iolet femé de fleurs-de-lis d’o r , ayant à fa
droite la reine fa mere affife dans une chaife à dos,
& près d’elle Elifabeth première fille de France, promile
au prince d’Efpagne, & la reine Marguerite.
A la gauche du roi étoit mOrifieür, fon frère unique
, 6c Chriftine fécondé fille de France.
Le grand-chambellan étoit aux piés de fa majefté;
le grand-maître 6c le chancelier à l’extrémité du mar-
che-pié ; le maréchal de Souvré, les capitaines des
gardes & plufieurs autres perfonnes, étoient derrière
joignant leurs majeftés. .
. Les princes , les cardinaux, les ducs , étoient pla-»
cés des deux côtés.
Aux piés du throne étoit la table dés fecrétaires
d’état.
A leur droite étoient les cônfeillefs d’état de robe
longue, & les maîtres des requêtes ; à lèur gauche ,
les confeillers de robe courte ; 6c tout dè fuite les
bançs des députés des trois ordres ; les eccléfiaftiques
qccûpoienfc
cccupolent le côté droit, la nobleffe le côté gauche,
le tiers-état étoit derrière eux. I H R
Le roi dit en peu de mots, que fon but etoit d e-
couter les plaintes de fes fujets, & de pourvoir à
ïeurs griefs. _ . , 11
Le chancelier parla enfuite de la fituation des affaires
; puis ayant pris l’ordre du ro i, il dit aux dé=
putés que fa majefté leur permettait de dreffer le cahier
de leurs plaintes 6c demandes , 6c qu elle promettait
d’y répondre favorablement.
Les trois ordres firent chacun leur harangue;, les
députés du clergé 6c de la nobleffe debout 6c découverts,
le prévôt des marchands à genoux pour le
tiers-état ; après quoi cette première feance fut terminée.
• ,/ 1 1 8 / i v f
Dans l ’intervalle d e, tems qui s écoula juiqu a la
féance fuivante, la cour prit des mefures pour divi-
ferles députés des diffétens ordres, en les engageant
à propofer chacun des articles de réformation, que
l’onprévoyoit quiferoient contredits par les députés
des autres ordres ; on s’attacha fur-tout à ecarter les
demandes du ùers.état, que l’on regardoit comme lé
plus difficile à gagner. . ,
On fe raffembla le 4 Novembre fuivant ; le cierge
demanda la publication du concile de Trente , la no-
hleffe demanda l’abolition de la paulette, le licrs-étaç
le retranchement des tailles & la diminution des pen-
fions. . ■ '
L’univerfité de Paris qui vouloit avoir feance dans
la chambre des députés du c lergé, donna à cet effet
Ton cahier ; mais il fut rejetté comme n’étant pas fait
de concert entre les quatre facultés qui étoient divi-
fées entre elles.
La nobleffe 6c le clergé prirent de - là occafion de
demander la réformation des univerfites, 6c que les
Jéfuites fuffent admis dans celle de Paris, à condition
, entr’autres chofes, de fe foûmettre aux ftatuts
de cette univerfité ; mais cèla demeura fans effet, les
■ Jéfuites n’ayant pas voulu fe foûmettre aux conditions
que l’on exigeoit d’eux.
On demanda enfuite Paccompliffement du mariage
du roi avec l’infante, 6c celui de madame Elifabeth
de France avec le prince d’Efpagne. __
Les trois ordres qui étoient divifés A«-pAineurs
objets, fe réunirent tous pour un, qui frit de demander
Fétabliffement d’une chambre pour la recherche
des malverfations commifes dans les finances ; mais
la reine éluda cette propofition.
Il y en eut une autre bien plus importante <jui fut
faite par les députés du tiers-état, poiir arrêter le
cours d’une do&rine pernicieufe qui paroiffoit fe répandre
depuis quelque tems , tendante à attaquer
l ’indépendance des rois par rapport à leur tem-
Porel* . . .
L’article propofé par le tiers-état portoit que le roi
Teroit fupplié de faire arrêter en l’affemblée des états
généraux, comme une loi inviolable ôc fondamentale
du royaume, que le roi étant reconnu fouverain
en France, & ne tenant fon autorité que de Dieu feul,
il n’y a fur la terre aucune puiffance foirituelle ou
temporelle qui ait droit de le priver de fon royaume,
ni de difpenler ou d’abfoudre fes fujets pour quelque
caufe que ce foit,de la fidélité & de l’obéiffance qu’ils
lui doivent ; que tous les François généralement tien-
droient cette loi pour fainte, véritable, & conforme
à la parole de Dieu, fans nulle diftin&ion équivoque
ou limitation ; qu’elle feroit jurée par tous les
députés aux états généraux, & déformais par tous les
bénéficiers & magiftratsdu royaume, avant que d’entrer
en poffeflion de leurs bénéfices ou de leurs charges
: que l’opinion contraire, aufli bien que celle qui
permet de tuer ou de dépofer les fouverains, & de
fe révolter contre eux pour quelque raifon que ce
foit, feroient déclarées fauffes, impies, déteftables,
Tome VI%
& contraires à l’établiffement de la monarchie fran-
çoife,qui dépend immédiatement de Dieu feul; que
tous les livres qui enfeigneroient cette mauvaife doctrine,
feroient regardés comme féditieux & damna-
bles, &c. enfin que cette loi feroit lûe dans les cours
fouveraines & dans les tribimaux fubalternes , afin
qu’elle fut connue & religieufement obfervée.
Les partifans de la doûrine pernicieufe que cet
article avoit pour objet de condamner, fe donnèrent
tant de mouvemens, qu’ils engagèrent les députés du
clergé & de la nobleffe à s’oppofer à la réception,de
cet article fous différens prétextes frivoles ; comme
de dire, que fi Ton publioit cet a rticle, il femblerpit
que l’on eût jufqu’alors révoqué en doute l’indépendance
de la Couronne, que. c’étoit chercher à altérer
l’union qui étoit entre le roi 6c le feint pere, & que
cela étoit capable de caufer un fchifme.
Le cardinal du Perron qui fut député du clergé
pour aller débattre cet article en la chambre du tiers-
état, pouffa les chofes encore plus loin ; il accordoit
à la vérité que pour telle caufe que ce foit il n’eft pas
permis de tuer les rois, & que nos rois ont tput droit
de fouveraineté temporelle en leur royaume : mais il
prétendoit que la propofition qu’// n’y a nul cas auquel
les fujets puijfent être abfous du ferment de fidélité
qu’ils ont fait d leur prince, ne pou voit être reçue que
comme problématique.
Le préfident Miron pour le tiers état défendit là
propofition attaquée par le cardinal.
Cependant les députés des deux autres ordres parvinrent
à faire ôter du cahier l’article qui avoit été propofé
par le tiers-état ; 6c au lieu de cet article ils en firent
inférer un autre, portant feulement que le clergé
abhorroit les entrepriles faites pour quelque caufe ou
prétexte que ce foit, contre les perfonnes fecrées des
rois; & que pour diffiper la mauvaife doûrine dont
on a parlé, le roi feroit fupplié de faire publier en
fon royaume la quinzième feffion du concile de Confiance.
Les manoeuvres qui avoient été pratiquées pour
faire ôter du cahier l’article propofé par le tiers-état»
excitèrent le zele du parlement. Les gens du roi re-
montrerertt "dansTëür requifitoire, que c’étoit une
maxime de tout tems en France, que le roi ne re-
connoît aucun fupérieur au temporel de fon royaume
, finon Dieu feul ; que nulle puiffance n’a droit
de difpenfer les fujets de fa majefté de leur ferment
de fidelité & d’obéiffance, ni de la fufpendre, priver ,
ou dépouiller de fon royaume, encore moins d’attenter
ou de faire attenter par autorité, foit publique ou
privée, fur les perfonnes fecrées des fouverains : ils
requirent en conféquence que les précédens arrêts
intervenus à ce fujet, fuffent derechef publiés en
tous lesfiéges, afin de maintenir ces maximes; fur
quoi la cour rendit un arrêt conforme au requifitoire
des gens du roi.
Les divifions que cette affaire occafionna entre les
députés des états, firent preffer la préfentation des
cahiers, afin de rompre l’affemblée. La clôture en
fut faite le 23 Février 1615 , avec la même pompe
que l’ouverture avoit été faite.
Depuis ces derniers états généraux il y a eu quel-»
ques affemblées de notables, entre autres celle qui
fe tint à Paris au mois de Décembre 1626 jufqu’au 23
Février 1627, où le duc d’Orléans préfidoit. Qùel-
ques hiftoriens qualifient cette affemblée dé états »
mais improprement ; & en tout cas ce n’auroit ete
que des états particuliers, & non des états généraux ;
& dans l’ufage elle eft connue fous, le nom d’ajfem-
blée des notables.
II paroît aufli qu’en 1651 la nobleffe fe donna de
grands mouvemens pour faire convoquer les étais
généraux ; que le roi avoit réfolu qu’on les tiendroit à
Tours, mais que ces états n’eurent pas lieu : en effet