
furent fabriques. L’avidité de nos ayeùx pour les
.ornemens , leur fit bien-tôt perdre de vue la véritable
deftination de ces parties du harnois de monture.
Une rofe en filigramme, qu’on pouvoit à peine
difcerner de deux pas, 8c que la moindre éclabouf-
fure enfoiiiffoit ; des nervures d’une grolTeur difpro-
portionnée pour porter fur un étrier la décoration
d’un édifice gothique que l’on admiroit ; une multitude
d’angles aigus, de tranchans, d’enroulemens
entaffés, formoient à leurs yeux une compofitjon
élégante qui leur déroboit les défettuofités les plus
fenfibles.
La moins confidérable étoit un poids fuperflu;
elle frappa nos prédéceffeurs : mais en élaguant pour
y remédier, ils conferverent quelques ornemens, 8c
ils fupprimerent des parties d’où dépendoit la sûreté
du cavalier. Nous les avons rétablies : on découvre
néanmoins encore dans nos ouvrages de cé genre
des reftes & des traces de ce mauvais goût. Nous
employons,' par exemple, beaucoup de tems à former
des moulures qui difparoiflënt aux yeux, ou que
nous n’appércèvons qu’à l’aide de la boue qui en remplit
& qui en garnit les creux ; nous creufons les angles
rentrans quelquefois même aux dépens de la fo-
lidité ; nous pratiquons enfin des arrêtes v iv e s , auffi
déplacées que nuifibles à la propreté.
Quoi qu’il en foit, on doit diftinguer dans Vétrier,
l’oe il, le corps, la planche, 8c la grille.
L ’oeil n’eft autre chofe que l’ouverture dans laquelle
la courroie ou l’étriviere qui fufpend l’étrier
eft paffée.
Le corps comprend toutes les parties de l’anneau
qui le forme, à l’exception de celles fur lefquelles
le pié fe trouve aflîs. '
Celles-ci compofent la planche, c’eft-à-dire cette
efpece de qüadre rond, ou o v a l, ou quarré long ,
ou d’autre forme quelconque, dont le vuide eft rempli
par la grille ; 8c la grille eft. cet entrelas de verges
de même métal que Y étrier, deftinée à fervir d’appui
aux piés du cavalier , 8c à empêcher qu’ils ne
s’engagent, dans le quadre réfultant de la planche
avec laquelle elles font fortement foudées.
Il n’y a pas long-tems que nos étriers étoient fans
grille. Des accidens pareils -à celui qu’éprouva l’amant
infortuné dont j’ai rapporté l’épitaphe prétendue
, nous perfuadërent de leur néceffité : quelques
éperonniers cependant fe contentèrent de ramener
contre le centre les parties de la planché, qui forment
l’avant 8c l’arriere de Y étrier ; mais'ce moyen
endommagea d’un autre côté le foulicr de la bott
e , & rendit la tenue des étriers beaucoup plus difficile.
' On en' cara&érife allez fôuvent lés différentes fortes
, eu égard aux différentes figures qui naiffent de-
divers enlacemens des grilles. Nous difons des étriers
à coeur, à quarreaux, à trefles, à armoiries, lorfque'
les grilles en font formées par des verges contournées
en coeur, en trefles, en quarreaux, on lorfqu’—
elles repréfentent les armoiries de ceux à qui les
étriers appartiennent.
L ’oeil doit être fitué au«-haut du corps, & tiré de
la même piece de métal par la forge. On le perce
d’abord avec le poinçon, pour faciliter l’entrée des
bouts ronds. & quarrés de la bigorne par le fecours
de laquelle on l’aggrandit. Sa partie fupérieure faite-
pour repofer fur l’étriviere, doit être d roite, cylindrique
, 8c polie au moins dans toute la portion de
fa lurface * qui doit porter & appuyer fur lexuir
elle,doit être droite; parce que la coiirroie naturel«
Jement plate ne fauroit être pliée en deux fens'fous
la traverfe qu’elle foûtient, fans que les bords n’en
foient plus tendus que le milieu, ou le milieu plus
que les bords. Il faut qu’elle foit cylindrique ; parce
que cette forme eft la moins difpofée à couper du à
écorcher ; & c’eft par cette même raifon qu’elle doit
être polie : il eft de plus très - important que les angles
intérieurs foient vuidés à l’équerre pour loger
ceux du cuir, 8c que les faces intérieures foient arrondies
& liffées, puifque ce même cuir y touche &
froté fortement contre elles. Du refte la traverfe ne
peut avoir moins de deux lignes de diamètre ; autrement
elle feroit expofée à manquer de force ; 8c
moins d’un pouce 8c quelques lignes de longueur
dans oeuvre, l’étriviere que l’oeil doit recevoir ayant
communément un pouce au moins de largeur.
Il eft encore des étriers dont l’oeil eft une partie fé-
parée & non forgée avec le corps ; il lui eft Amplement
affemblé par tourillon. Cette méthode eut fans
doute lieu en faveur de ceux qui chauffent leurs
étriers fans attention ; peut-être efpéroit-on que l’étriviere
tordue ou tournée à contre - fens fe détor-
droit elle-même, ou reviendroit dans fon fens natu- '
rel dans les inftans où le pié ne chargeroit pas IV-
trier: mais alors le trou qui traverfe le corps dans le
point le plus fatigué, l’affoiblit néceffairement ; en
fécond lieu , le tourillon foible par fa nature eft ex-
pofé à un frotement qui en hâte bien-tôt la deftruc-
tion ; enfin le cavalier a le defagrément pour peu
qu’il n’appuie que legerement fur la planche, de voir
Y étrier tourner fans ceffe à fon pié , l’oeil préfenter
(a carne à la jambe, 8c y porter fouvent des atteintes
douloureufes.
Le corps nous offre une efpece d’anfe dont les
bouts feroient allongés, 8c dont l’oeil eft le fommet
ainfi que le point de fufpenfion. Il faut que de l’un
& de l’autre côté de cet oeil les bras de l’anfe foient
égaux par leur forme, leur longueur, leur largeur,
8c lèur épaiffeur, 8c qu’ils foient pliés également.
Nos éperonniers les arrondiffent en jonc de trois lignes
de diamètre pour les felles de chaffe, & de quatre
lignes pour les chaifes de pofte. L’anfe eft en plein
cintre, les côtés font droits 8c parallèles, le tout
dans le même planque l’oeil-.
Communément 8c au bout des deux bras au-de£-
fus des boutons, de même diamètre, qui les terminent
, on foude la planche 8c la grille.
La planche eft alors faite de deux demi-cerceaux-
de verge de fer équarrie, fur trois Ou quatre lignes
de hauteur 8c deux 8c demi de largeur. Ils compofent
enfemble un cercle ou un oval peu différent du
cercle, dont le grand diamètre ne remplit pas l’entre
deux des bras par-lui-même ; mais il fe trouve
pour cet effet prolongé de cinq ou fix lignes par les
bouts de ces cerceaux repliés, pour former un collet
avec la principale piece de la grille foudée avec
eux & entre eux deux. Il eft effentiel dans cette con-
ftru&ion que les parties qui forment la grille foient
foudées d’une même chaude pour chaque côté. Si
l’éperonnier ufe de rivets pour affembler les portions -
de la grille, il né doit pas fe difpenfer de les fouder de
même : il peur néanmoins en affembler quelques'
pointes avec la planche par mortaife, pourvû que'
ce ne foit pas près du corps.
Le fer de la grille eft ordinairement tiré fur l’o - ‘
fangë, 8c pofé fur les angles aigus. L’angle d’où naît
la furface où le pié doit prendre fon appui, fera néanmoins
ravalé, pour ne pas nuire à la femelle de la -
botte. Il eft bon que le milieu de la grille foit médiocrement
bombé en. contré-haut, la tenue de l’étrier g
en devient plus aifée. Quant à la planche, elle fera
horifontale, les bras du corps s’élèveront perpendiculairement,
leur plan la divifera également par-
moitié, l’oeil enfin fe trouvera dans ce même planée
dans la direction du centre de gravité du tout ;
fans ces conditions Y étrier fe préfenteroit toujours-
défeétueufement au cavalier, & il tendroit plûtôt à'
le fatiguer qu’à le foülager 8c à l’affermir.
étrier que nous appelions étrier quarré, ne tire
pas fa dénomination de la forme quarrée de fa planche
; car elle pourroit être ronde ou ovale, & nous ne
lui conferverions pas moins ce nom. Il ne diffère des
autres étriers dont nous avons parlé, que parce que
fa planche eft tirée du corps même,& non foudée à ce
corps. Pour cet effet les bras fe biffurquent à un pouce
ou deux au-deffus de la planche, chacun dans un plan
croifé , à celui du corps; 8c les quatre verges qui ré-
fultent de ces deux biffurcations, équarries comme
celles des planches ordinaires, font repliées en-dedans
pour imiter le collet de la planche foudée : à
fix lignes de-là elles font encore repliées d’équerre
en-dehors : à quinze ou feize lignes de ce fécond angle
, elles font encore repliées d’équerre pour être
abouties par foudure.Tous ces plis font dans le même
plan. La traverfe principale de la grille eft aufli refendue
en fourche par les deux bouts. Ses fourchons
font foudés aux faces intérieures des parties qui repréfentent
les collets, c’eft-à-dire qui font comprifes
entre le premier 8c le fécond retour d’équerre depuis
la biffurcation du corps. Les autres pièces delà grille
font affemblées par foudure avec la traverfe 8c par
mortaife dans la planche.
La largeur de Y étrier mefurée fur la grille entre les
deux bras du corps, doit furpaffer de quelques lignes
feulement la plus grande largeur de la femelle de la
botte. A l’égard de la hauteur entre le cintre 8c le milieu
de la grille, il faut qu’elle foit telle qu’elle ne foit
ni trop ni trop peu confidérable. Dans le premier cas
le pié pourroit paffer tout entier au-travers, & le talon
feroit. alors l’office d’un crochet, qu’un cavalier
defarçonné dans cette conjoncture ne pourroit défai-
fir fans fecours ; 8c dans le fécond, le pié plus épais
à la boucle du foulier qu’ailleurs, pourroit aufli s’engager.
Cette mefure ne peut donc être déterminée
avec jufteffe; mais chacun peut aifément reconnoî-
îre fi les étriers qu’on lui propofe lui conviennent. Il
ne s’agit que de les préfenter à fon pié chauffé de fa
botte dans tous les fens poflibles ; & fi l’on fe fent pris
& engagé, on doit les rejetter comme des inftrumens
capables de caufer les accidens les plus funeftes.
L ’etrier ébauché de près à la forge , doit être fini à
la lime douce ; & enfuite s’il eft de fer, étamé, argent
é , ou doré, & enfin bruni. S’il eft de quelque beau
métal, il n’eft queftion que de le mettre en couleur &
de le brunir ; car après cette derniere opération, il
donnera moins de prife à la boue, 8c fera plus facilement
maintenu dans l ’état de netteté qui dent en faire
le principal, ornement.
Dans quelques p ays, comme en Italie 8c principalement
en Efpagne, quelques perfonnes fe fervent
d’étriers figurés en efpece de fabot, 8c formés par t’af-
femblage de fix bouts de planche de quelque bois fort
& léger. Les deux latérales font profilées pour en recevoir
une troifieme, qui compofe la traverfe par laquelle
le tout eft fufpendu. Une quatrième recouvre
le deffus du pié.. La cinquième termine le fabot en-
avant ; 8c le pié tout entier trouve fur l’inférieure ou
fur la fixieme, une afliette commode. On peut doubler
de fourrure ces fortes d' étriers y qui peuvent avoir
leur utilité malgré le peu d?élégance de leur forme.
Les Selliers appellent étriers garnis , ceux dont la
planche eft rembourrée. Cette précaution a fans doute
été fuggérée par l’envie de flater la délicateffe des
perfonnes du fexe.
Dans nos manèges nous comprenons fous le nom
feul de chapelet, les étrivieres & les étriers. Voye^ Etrivieres.
Ajufier les étriers, ou les mettre à fon point, c’eft
donner à l’étriviere une longueur telle que Y étrier
foit à une hauteur mefurée, & que le pié du cavalier
puiffe porter 8c s’appuyer horifontalement fur
la grille. Voyé^ Ibid.
Retroujfer Us étriers , e’eft les fufpendre en-arriere ■
& ïe$ élever de manière qu’il foit impoflîble à l’animal
inquiet & tourmenté par les mouches, d’y engager
un de fes piés lorfqu’il cherche à fe débarraf-
fer des infe&es qui le piquent & qui le fatiguent*
Foyeç Etrieres.
„ Tenir l etrier. Cette exprelfion a deux fens ; nous
1 employons pour défigner l’a&ion de tenir Y étrier ,
a 1 effet d aider à quelqu’un à monter en felle, 8C
pour défigner l’adreffe 8c la fermeté du cavalier qui
ne laifte échapper ni 1 un ni l’autre dans les mouve-
mens les plus rudes & les plus violens de l’animal. On
tient dans le premier cas l’étriviere droite avec la
main gauche, la main droite étant occupée à tenir
le cheval par le montant de la têtiere de la bride»
On doit faire attention de ne tirer 8c de ne pefer
n i l ’etriviere, que lorfque le cavalier a mis le pié
à Y étrier oppofé. A mefure qu’il s’élève fur ce même
etrier^auche, on augmente infenfiblement l’appui
fur l’etriviere , de façon que les forces reflétantes
d’une part du poids du cavalier, & de l’autre
de la puiffance avec laquelle l’aide s’entploye,
foient tellement proportionnées que la felle ne tourne
point. Nombre de palefreniers mal-adroits 8c incapables
de connoître les raifons de cet accord 8c de
cette proportion néceffaires, devancent l’adion du
cavalier ; ils déplacent la felle au moyen de leur
premier effort, 8c l’attirent à eux ; le cavalier par
fon poids la ramene enfuite à lui ; & de ce frotement
fur le dos de l’animal, d’où réfulte pour lui un
fentiment fouvent defagréable , naiffent fréquemment
les defordres d’un cheval devenu par cette feule
raifon difficile au montoir. Il arrive de plus que très-
fouvent ces mêmes palefreniers, dans la main gauche
defquelsréfide la grande force dontils fontdoiiés,
font en quelque forte contraints de roidir en même
tems la main droite, tirent de leur côté ou en-arriere
la tête de l’animal, 8c l’obligent naturellement eux-
mêmes à tourner & à fe défendre. Voyt^ Montoir.
Lorfque le cavalier eft en felle, l’aide doit préfenter
Y étrier à fon pié droit dans un fens où l ’étriviere ne
foit pas tordue.
L ’adrejfe détenir l'étrier ou les étriers , dans le fécond
fens, dépend de la fermeté du cavalier , fes étriers
étant parfaitement ajuftés à fon point ; 8c cette fermeté
ne confifte point, ainfi que plufieurs ignorans
l’imaginent, dans la force de l’appui fur ces mêmes
étriers, 8c dans celle des cüiffes 8c des jarrets, mais
dans l’aifance avec laquelle I'e cavalier les laiffe,pour
ainfi parler , badiner à fon pié fans un déplacement
notable, 8c dans ce grand équilibre 8c cette jufteffe
qui cara&érifent toûjoùrs l’homme de cheval.
Perdre les étriers, eft une exprelfion qui préfehte
une idée directement contraire à celle que nous offre
celle - ci. Lorfque les étriers ont échappé aux piés du
cavalier, nous difons qu 'il ne les a pas tenus, ou qu’zY
les a perdus ; ce qui fignifiè uqe feule & même chofe.
Le trop de longueur dès étriers occafîonne fouvent
cette perte, 8c plus fouvent encore l’incertitude ;
l’ébranlement du corps du cavalier, 8c fon peu de
tenue.
Faire perdre lés étriers. Les fauts, les contre- tems
d’un cheval peuvent faire perdre les étriers. Faire
perdre les étriers à fon adverfaire : cette périphrafe
étoit ufitée en parlant de ceux qui combattoient autrefois.
Rien n’étoit plus glorieux dans un tournoi,
lorfque d’un coup de lance on é’branloit fi fort fon
ennemi, qu’il étoit forcé de perdrè 1es étriefà.
. Pefer fur les étriers :c e t appui eft la plus douce des
aides confiées aux jambes du cavalier ; mais èljlê n’a
d’efficacité qu autant qu’elle eft employée fur uni
cheval fenfible : elle produit alors Reflet qui fuit Rapproche
des gras de jambes fur un cheval moins fin :
celle-ci fe donne de la part du cavalier, èn pliant'in-
fenfibleipent & par degré les genoux, jùfqu’à ce que