
4 f de l'ete ;chréti.cnne, en hébreu ou en fyriaque ,
qui étoit là langue vulgaire alors en ufage dans la
Paleftine : on croit que ce 'fut à la prieredes Juifs
nouvellement convertis à la foi. S. Epiphane ajoute
que .ce fut par un ordre particulier des apôtres. Le
texte Original de S. Matthieu fût traduit, en grec de
très-bonne heure. Quelques auteurs eccléfiaftiques
attribuent cette verfion à S,. Jacques, d’autres à S,
Jean : ce qu’il y a de ^certain , c’cft qu’elle eft très-
ancienne. La verfion latine ne l’efl guère moins ;
elle pii exa&e & fidele, mais le nom de fon auteur
eft inconnu. Le texte hébreu fe confer voit encore
du tems de S. Epiphane & de S. Jérôme, & quelques
fayans ont prétendu qu’il, s’eft confervé parmi les
Syriens ; cependant en comparant le fyriaque qui
fubfifte aujourd’hui, ayec -le grec , il eu aifé de fe
convaincre que le.premier n’ eft qu’une traduûion de
celui-ci, comme je prouve M. Mille dans fes prolégomènes
, pag. 12-gJ & f uiv-
Quelques-uns ont conje&uré que S. Marc écrivit
Ibn éyangile en latin, parce qu’il le compofa à Home
fur ce qu’il a voit appris de S. Pierre, & pour fatis-
faire aux defirs des Chrétiens de cette Eglifp; ce fut
vers l’an 44 de Jefus-Chrift. Cependant S. Auguftin
& S. Jérôme attellent que tous les évangiles, à l’exception
de celui de S. Matthieu , avoient été écrits
primitivement en grec ; & d’ailleurs du tems de S.
Marc la langue greque n’étoit pas moins familière à
Rome que la latine. Au relie la difpute feroit bientôt
terminpe, s’il étoit fur que les cahiers de Vévangile
de S. Marc qu’on conferve à Prague, Sel'évangile
entier de cet apôtre, qu’on garde précieufement à
Venife, font l’original écrit de la main de S. Marc ;
car le P. dom Bernard de Montfaucon, dans le journal
de fon voyage d’Italie, chap.jv. pag. 55 &fujv.
attelle qu’après avoir foigneufement examiné ce dernier
manuferit, il a reçonnu qu’il étoit écrit enca-
ra$ere§ latins. Au relie, comme ce n’eft qu’en 1355
cjue l’empereur Charles ÏV. avant trouvé A Aquilée
l’original de S. Marc éc rit, diloit-on, de fa main, en
fept cahiers, il en détacha deux qu’il envoya à Prague
; & que l’original de Venife n’ell confervé dans
cette république que depuis l’an 1420, ainli que M.
Fontanini l’a prouvé dans une lettre au P, de Mont-
faucon, inférée dans le même journal, ces prétendus
originaux ne décident rien contre l ’antiquité & l’authenticité
du texte grec , reconnue & .atteftée par
les anciens peres.
S. Luc étoit originaire •d’Antioche.( où il fut converti
par S. P au l) , & par-là dès l’enfance exercé à
parler & à écrire en grec, que le régné des Séleucides
avoit rendu la langue dominante dans fa patrie. Il
s’attacha à S. Paul, qu’il fuivit dans fes voyages ; ce
qui a fait penfer à Tertullien que faint Paul étoit le
véritable auteur de l'évangile qui porte le nom de S.
Luc ; & à faint Grégoire de Nazianze, que faint Luc
l’écrivit, fe confiant fur le feeours de S. Paul. D ’autres
ont prétendu qu’il l’écrivit fous la direction de
S. Pierre. Mais on n’a aucune preuve pofitive de
toutes ces alfertions ; & S. Luc n’infinue nulle part
que ces apptres Payent porté à écrire , ni qu’ils lui
ayent diéjé fon évangile. Eflius &C Grotius croyent
'que S. Luc écrivit fon évangile vers l’an 63 de J. C .
1 opinion la plus fuivie & la mieux appuyée, .ell qu’il
l ’écrivit en grec .en faveur des églifes de Macédoine
& d’Achaïe, vers la 53e année de l’ere chrétienne.
Son ftyle ell plu? pur & plus correél que celui des
autres évangelifles, quoiqu’on y rencontre des tours
•de phrafe qui tiennent du fyriaque fa langue mater-
nefie, & même du génie de la langue latine, fi l ’on
•en croit Grotius dans fes prolégomènes fur cet évan-
gélifte.
Les critiques ne font pas d’accord fur l’année pré-
çife ni fin le lieu où faint Jean compofa fon évangile.
Plufieurs ont avancé que ce fut à Ephefe, après fon
retour d’exil dans l’îie de Pathmos, une des Spora-
des dans la mer jEgée ; d’autres foûtiennent que ce
fut à Pathmos même. Plufieurs manuferits grecs portent
qu’il l’écrivit trente-deux ans après l’Afcenfion
de Jefus-.Chrift ; d’autres liient trente, & d’autres
hfent trente-un ans : les uns pn fixent l’époque fous
l’empire de Domitien, les autres fous celui de Tra-
jan. L’opinion laplus commune eft que Y évangile de
S. Jean fut écrit après fon retour de Pathmos, vers
l’an 98 de Jelus-Chrift, la première année de Tra-
jan , foixante-cinq ans après l’Âfcenfion du Sauveur,
& que l’evangélifte étoit alors âgé d’environ quatre-
yingts-quinze ans. Quoi qu’il en foit, aux inftances.
de fes difciples, des évêques & des églifes d’Afie, il
fe détermina à écrire fon évangile, pour l’oppofer aux
héréfies naiffantes de Çerinthe & d’Ebion , qui
nioient la divinité du Verbe ; à l ’incrédulité des
Juifs, & aux idées des Platoniciens & des Stoïciens.:
quoique M. le C lerc & d’autres modernes croyent
qu’il avoit emprunté de Platon ce qu’il dit du Verbe
divin ; mais fa do&rine fur ce point eft bien différente
de celle des Platoniciens. Voyez P l a t o n ?-.
c ie n .SS.
Jean avoit écrit fon évangile en g rec, & on le
confervoit encore en original dans l’églife d’Ephefe
au feptieme fiecle, au moins au quatrième, ainli que
l’attelle Pierre d’Alexandrie. Les Hébreux le traduis
e n t bientôt en hébreu, c’eft-à-dire en fyriaque,
& la yerfion latine remonte aufli jufqu’à l’antiquité
la plus reculée.
La canonicité de ces quatre évangiles ell démontrée
par le foin .& la vigilance avec lefquelles les
églifes apoftoliques en ont confervé des exemplaires
originaux ou des copies authentiques ; par les décidons
dp différens conciles, & notamment de celui
de Trente ; par le concours unanime des peres & des
auteurs ecclefiaftiques, à n’en point reconnoître d’autres
; enfin par la confelîion même des fettes fépar
rées de l’Eglife romaine. Les Sociniens même les re-
connoiffent, quoiqu’ils tentent d’en altérer le fen$
par des interprétations arbitraires & forcées. Foyer Sociniens.
Les hérétiques, ifur-tout dans les tems les plus reculés
, ne fe font pas contentés’de rejetter tous ou
quelques-uns de ces évangiles, où fe trauvoit la réfu-.
tation de leurs erreurs ; mais ils en ont encore fuppofé
de faux & d’apocryphes, qui biffent favorables à
leurs prétentions. Au catalogue de ces évangiles apo*
cryph.es, nous joindrons fur chacun d’eux une obier-
yation abrégée, mais fuffifante pour en donner ?mç
idée au .commun des lefleurs.
Entre çes évangiles apocryphes & fans autorité,
dont les uns font venus jufqu’à nous, & les autres
font entièrement perdus, ,on compte :
i ° . L’évangile félon les Hébreux.
2°. Vévangile félon les Nazaréens..
30. U évangile des douze Apôtres.
40. L’évangile de S. Pierre.
Les critiques conjeélurentque ces quatre évangiles
ne font que le même fous différens titres, c’elh
à-dire Y.évangile de S. M atthieu, qui fut corrompu de
bonne-heure pat les Nazaréens hérétiques ; ce qui
porta les Catholiques à abandonner aufli de bonne-
heure l’original hebreu ou fyriaque de S. Matthieu,
pour s’en tenir à la verfion greque, qu’on regardoit
comme moins fufpefte, ou moins .fufceptible de fal-
fifîcation.
50. L’évangile félon les Egyptiens.
6°. Uévangile de la naiffançe de la fainte Vierge
: on l’a en latin.
70. L’évangile de S. Jacques , qu’on a en grec &
en latin, fous le titre d& protévangile de S, Sacques,
8°. L’évangile de l’enfance de Jefus : on l’a en grec
en arabe.
90. L’évangile de S. Thomas : c eft le meme que
le précédent.
io°. L’évangile de Nicodème : on 1 a en latm.
u ° . L’évangile éternel.
1 z?. évangile^de S. André.
ï j 0. \]évangile de S. Barthelemi.
140. Vévangile d’Apellés.
1 50. L’évangile de Bafilide.
' i6°. L’évangile de Cérinthe.
170. U évangile des Ebionites.
i 8°. L’évangile des Encratites, ou de Tatien.
19°. L’évangile d’Eve. ,
200. L1'évangile des Gnoftiques.
1 1°. L’évangile de S. Marcion : c’efl le même que
celui qui eft attribué à S. Paul.
220. L'évangile de S. Paul : le même que celui de
Marcion.
13 °. Les petites & les grandes interrogations de
Marie. .
240. Le livre de la naiffançe de Jefus, qu’on croit
avoir été le même que le protévangile de S. Jacques.
25°. \Jévangile de S J e an , autrement le livre du
trépas de la fainte Vierge.
26°. Uévangile de S. Mathias.
270. L’évangile de la perfeûion.
28.0,. évangile des Simoniens.
290. L’évangile félon les Syriens.
30°. L’évangile félon Tatien : le.même que celui
des Encratites. Voye^ En c r a t it e s .
■ 3.il**U.évangile de Thadée, ou de S. Jude. '
320. L’évangile de Valentin: c’eft le même que
Y évangile de la-vérité.
330. L’évangile de v ie , ou' Y évangile du Dieu v ivant.
340. L’évangile de S. Philippe.
3 50. L’évangile de S. Barnabé.
36°.. \Sévangile de S. Jacques le majeur.
370. évangile de Judas d’Ifcariote.
38°. L’évangile de la vérité,' qui eft le même que
celui.de Valentin.
39°. Les faux évangiles de Leucius, de Seleucus,
de Lucianus, d’Hefychius.
• Tel êfl le catalogue des évangiles apocryphes, que
M. Fabricius nous a donné dans fon ouvrage intitulé
codex apocryphus novi Teflamenti. 11 s’agit maintenant
d’en tracer une notice abrégée d’après ce favant écrivain
ôc d’après le P. Calmet, dans fa d ila ta tion fur
les évangiles apocryphes.
.1°. Les quatre premiers évangiles apocryphes, fa-
voir Y évangilefélon les Hébreux, X évangile des Nazaréens
r Y évangile des dou^e apôtres , & Y évangile de S .
Pierre, paroiflent n’avoir été que Y évangile même de
S. Matthieu; mais altéré par diverfes particularités
qu’y avoient inlèré les chrétiens hébraïlans, & qu’ils
difoient avoir apprifes cle la bouche des apôtres, ou
des premiers fideles. Les Ebionites le corrompirent
encore par des additions & des retranchemens favorables
à leurs erreurs. Dès le tems d’Origene , cet
évangile ainfi interpolé ne paffoit plus pour authentique
, & Eufebe le compte parmi les ouvrages fuppo-
fes. Quelques peres en ont cité des paffages, qui ne
fe trouvent ni dans le texte grec de S. Matthieu , ni
dans le latin de la vulgate : par exemple, S. Jérôme
fur l’épître aux Ephéfiens, en rapporte cette fenten-
ce ; Ne foye[ jamais dans la joie, Jinon lorfque vous
voyez votre fpere dans la charité: S. Clément d’Alexandrie
( Stromaulib. I . j en cite ces paroles; Celui qui
admirera régnera , & celui qui régnera fe repofera. Ori-
gene fur S. Jean fait dire à Jefus-Chrift, fuivant IV-
vangile des Hébreux : Ma mere , le S. EJprit rrXa pris
par un de mes cheveux , & m’a tranfporté fur la haute
montagne du Tkabor, S, Jérôme, liv, I II, contre Pe-
Tome VI»
lage, ch. j . rapporte qu’on lifoit dans le même évangile
, que la mere de Jefus & fes freres lui difoient :
Vnia Seanqui baptife pour la rèmijjion des péchés , allons
nous faire baptifer par lui. Mais Jefus leur répondit
: Quel mal ai-je fait pour me faire baptifer par lui ?
Jî ce n’efl que cela même que je viens de dire ne foit un
péché d’ignorance. D. Calmet rapporte encore dans
le corps de fon commentaire, un affez bon nombre
d’autres paffages tirés de cet évangile, que les chrétiens
hébraïfâns nommoient auffî Xévangile des apôtres
, prétendant l’avoir reçu du collège des apôtres.
On l’appélloit aufli Xévangile des Nazaréens, parce
qu’il étoit entre les mains des premiersi Chrétiens
nommés Nazaréens, de Nazareth, patrie de J. C. Ce
nom qui n’avoit d’abord rien d’injurieux, le devint
enfuite parmi les Chrétiens mêmes, qui l’appliquèrent
à une lèéle opiniâtrément attachée aux cérémonies
de la lo i, qu’elle croyoit ablolument néceflàires
au falut. \Jévangile de S. Pierre étoit à l’ûfage des
Docetes, hérétiques du ij. fiecle, qui prétendoient
que J'efus-Chrift n’étoit né, n’avoit louffert, & n’é-
toit mort qu’en apparence. Voyez Docetes & Nazaréens.
Quelques peres font aufli mention d’un
ouvrage adopté par Héracléon ami de Valentin, &:
intitulé la prédication de S. Pierre, qui paroît avoir
été le même que Xévangile de S. Pierre. Il ne nous relie
des quatre évangiles dont nous venons de parler, que
des fragmens cités parles peines & les interprétés. Le
corps de ces ouvrages ne fubfifte plus depuis très-
long tems.
II. L'évangilefelonlesEgyptiens paffe pour le plys.an-
cien des évangiles purement apocryphes. Son exif-
tence eft atteftée par S. Clément pape, ep. ij. § 12.
S. Clément d’Alexandrie, flromat. lib. HI. Saint Epi- '
phane , heroef. €2. Saint Jérôme, prooe.n. in Mattk.
&c d’autres écrivains eccléfiafEques. M. Grabe juge'
qu’il fut écrit par les chrétiens d’Egypte, avant que
S. Luc eût écrit le fien ; ôc,qu’il a en vue l’ouvrage
des Egyptiens, lorfqu’à la tête de fon évangile il d it,
que plufieurs avant lui avoient tenté d’écrire l’histoire
des commencemens du Chriftiani/ine. M. Mille
prétend qu’il a été compofé en faveur des Effeniens
qui, félon lui, furent les premiers & les plus parfaits'
chrétiens de l’Egypte. Quoi qu’il en foit, voici quelques
traits finguliers de cet ouvrage. S. Clément pape
cite de cet évangile, qu’un certain homme ayant
demandé à Jefus-Chrift quand le monde devoit finir,
le Sauveur lui répondit : Lorfque deux neferont qu'un9
quand ce qui ejl au-dthôrs fera au-dedans , & lorfque
L'homme & la femme ne feront ni mâle ni femelle. S. Clément
d’Alexandrie ajoûte , 6* lorfque vous foulerez
aux piés les habits de votre nudité. Au rapport de ce
dernier auteur {flromat. lib. III.') on lifoit dans le
même évangile, que Salomé ayant demandé à Jefus-
Chrift : Juj'qu’à quand les hommes mourront-ils ? Jefus
lui répondit : Tant que vous autres femmes produirez
des enfans. J ’ai donc bien fait de n ’avoir point d ’enfans,
répliqua Salomé ? Mais le Sauveur lui dit : Nourrif-
fez-vous de toutes fortes d’herbes , à C exception de celle
qui efl amere. Clément d’Alexandrie en cite encore
ces paroles : Je fuis venu pour détruire les oeuvres de la
femme, c’eft-à-dire l’amour & la génération. Maximes
dont les'hérétiques des premiers tems, ennemis
du mariage, & livrés aux excès les plus dénaturés ,
ne manquoient pas d’abufer. Cet évangile eft abfolu-
ment perdu, à l’exception des fragmens qu’on vient
de lire.
III. \Jévangile de la naiffançe de la Vierge. On en
connoît jufqu’à trois ; & nous en avons encore deux
entiers. Le principal eft le protévangile attribué à S.
Jacques le mineur, évêque de Jérufalem. On l’a en
grec & en latin. Le fécond eft Xévangile de la nativité
de la Vierge, qu’on a en latin , & qui n’eft qu’un1
abrégé du protévangile. Le troifieme ne fe trouve