
de D ie u , on porte fon idée fur la première Perfonne
de la Trinité, fur Dieu le Pere. Dans le fixieme, on
applique l’idée de Pere à Dieu , à la nature divine
agiffant au dehors & fubfiftant en trois Perfonnes.
Dans le cinquième fens, Jefus-Chrift ne feroit pas
Fils de D ie u , fi la perfonne divine à laquelle fon humanité
fe trouve unie , n’étoit pas la leconde Perfonne
de la Trinité, n’étoit pas Fils de Dieu. Dans
le fixieme, en fuppofant que cette perfonne fut le
Pere ou le faint-Efprit (les Théologiens conviennent
qu’on peut faire cette fuppolition, & qu’il ne
répugnoit pas à la nature divine que le Pere ou le
St Efprit s’incarnaffent), Jefus-Chrift feroit encore
Fils de D ie u ; parce que dans cette hypothèfe D ieu,
un, fubfiftant en trois perfonnes, auroit uni dans le
tems l’humanité de Jefus-Chrift à la nature divine.
Au quatrième & au cinquième fens, l’intelligence
de cette propofition Jefus-Chrift ejl Fils de D ie u , fup-
pofe la connoiflance de la génération éternelle du
Verbe, de l’union hypoftatique de ce Verbe avec la
nature humaine en la perfonne de Jefus-Chrift, en
un mot du myftere de la Trinité. Dans le fixieme
elle ne fuppofe rien autre chofe que la connoiflance
d’un feul Dieu, unifiant dans le tems la nature humaine
à la nature divine dans la perfonne de J. C.
Voilà les différences refpeâives qu’établit le pere
Berruyer entre ces trois lignifications ; elles peuvent
fervir à faire entendre fa penfée : au refte il
faut avoiier que la difficulté de la matière jette fur
tout ceci un peu d’obfcurité.
Je pafle aux preuves fur lefquelles cet auteur s’appuie.
Voici les principales.
i°. On doit donner, dit-il, à l’exprefîion Fils de
D ie u , le fens que jè propofe (fans exclure les autres)
; fi l’aâion de Dieu unifiant l’humanité de Jefus
Chrift à une Perfonne de la Trinité, eft une véritable
génération, abftraâion faite de ce que cette
Perfonne feroit le Verbe engendré de toute éternité,
la fécondé Perfonne : or, même en faifant cette abftraâion,
l’aâion de Dieu unifiant la nature humaine
à la nature divine , eft une véritable génération,
puifque par cette aâion eft engendré, formé, &c.
l’Homme-Dieu.
En effet fi la nature humaine étoit unie à une autre
Perfonne que la fécondé , le réfultat de cette
union, PHomme-Dieu, feroit vraiment Fils de Dieu ;
en ce cas l’aâion de Dieu unifiant la nature humaine
à cette Perfonne divine, feroit donc une véritable
génération : donc l’aâion de Dieu unifiant la nature
humaine à la Perfonne du Verbe, eft une vraie ,
génération, même alors qu’on fait abftraâion de la
génération éternelle du Verbe : donc en faifant cette
abftraâion, il refte encore un fens vrai à la dénomination
de F ils de D ie u , & c’eft ce fens que je propofe.
2°. On trouve très - nettement diftinguées dans
les Ecritures deux générations du Fils de D ieu , l’une
éternelle, & l’autre temporelle. In principio. . .
............. Verbum erat apud Deum. . . . E t Verbum
edro factum eft. . . . Dominus poffedit me initio via-
rum füarum. .. . . Ego hodie genui te. . . . Figura
fubjlantice ejus portant omnia Verbo virtutis fuce. . . .
D e Filio fu o qui factus efl ci fecundum carnem. Or la
différence de ces deux générations ne peut bien s’entendre
qu’au moyen de cette explication ; puifqu’à
moins qu’on ne l’admette, Jefus-Chrift n’eu Fils de
D ieu que par la génération éternelle du Verbe.
y°. Avant la réfurreâion de Jefus-Chrift, avant
les inftritâions qu’il donna à fes difciples, avant de
monter au ciel, avant la defeente de l’Efprit-faint,
fes apôtres & fes difciples ignoroient le myftere de
la Trinité. Cela eft clair par les endroits oti leur
ignorance eft remarquée : Adkucfine intelleclu erant,
Matth. x v . & x v j. Adkuc multa habeo vobis dicere ; ftd
nonpotcjlisportare modo, Joan, x v j. H . I p j inih.il ho-
rum intdlexerunt, Luc. x v iij. 34. D ic it eis Jefus, tan-
to tempore vobifeum fum & non cognoviftis me , Joan,
x jv . C). Nondùm erat fpiritus datas > quia Jefus non-
■ dàm erat glorificatus, Joan. x v ij. 2$ . Aufli bien que
, par ceux oii Jefus-Chrift promet de les inftruire:
Hioc in proverbiis locutus fum vobis ; venit hora ut jam
non in proverbïts loquar vobis , fed palarn de pâtre an-
nuntiabo vobis, Joan. x v j. 2.5. Et après la réfurrec-
tion : Loquebatur apojlolis fu is de regno D e i , per dies
• quadraginta appare ns eis.
A plus forte raifon les Juifs n’avoient-ils aucune
idée de ce myftere ; & c’eft la doârine commune
des Théologiens : bien plus les Juifs & les apôtres
étoient bien fortement perfuadés du dogme de l’unité
de Dieu ; dogme qui aux yeux de la raifon privée
des lumières de la foi, devoit former dans leur
efprit une terrible oppofition à la doârine d’un Dieu
en trois perfonnes.
Cela pofé, que prêchoit Jefus-Chrift aux Juifs &
à fes apôtres avant fa réfurreâion,dit le P. Berruyer?
Ce n’étoit pas le dogme de l’union hypoftatique de
fon humanité avec la fécondé perfonne de la Trinité,
avec le Verbe éternel F ils du Pere, & engendré
par lui de toute éternité ; il n’auroit été entendu de
perfonne, puifque toutes les notions préliminaires à
la connoiflance de ces myfteres manquoient à la -nation
juive, & qu’elle en a voit même de très-oppo-
fées à cette doârine : c’étoit donc l’union faite dans
le tems en fa perfonne de la nature humaine avec la
nature divine ; union par laquelle il étoit vraiment
F ils de Dieu t & connu pour tel : myftere bien fubli-
me à la vérité, mais dont on peut avoir quelque idée
fans connoître la Trinité des perfonnes & la génération
du Verbe, & fans heurter aufli fortement aux
yeux de la foible raifon, le dogme de l’unité de Dieu.
Je placerai ici une remarque du P. Berruyer : c’eft:
que l’empreffement louable des Théologiens à voir
par-tout dans les Ecritures les dogmes de la foi catholique
clairement développés , les écarte fouvent de
l’intelligence du texte, lis devroient cependant con- '
fidérer qu’il n’eft pas néceffaire que les dogmes fe
trouvent expreflement contenus dans tous les endroits
de l’Ecriture qui peuvent y avoir quelques rapports
; il fuffit pour donner un exemple tiré de la matière
même que nous traitons, que la génération éternelle
duVerbe & fon union fubftantielle avec la nature
humaine dans la perfonne de J. C. foit développée
dans quelques .endroits ; il n’eft pas néceffaire que
l’expreflion Fils de Dieu lignifie par-tout cette génération
; & on voit même, fuivant ce qu’on vient de
dire, qu’elle n’a point ce fens relevé & fublime, lorf-
qu’elle eft dans la bouche des Juifs & des apôtres,
avant les dernieres inftruâions qu’ils reçurent de
Jefus-Chrift.
40. Le P. Berruyer trouve cet avantage dans fon
explication, qu’il réfout avec facilité quelques ob-
jeâions des Sociniens, qui ont toujours embarraffé
les Théologiens catholiques,
Jefus-Chrift, difent les Sociniens, eft appelle Fils
de Dieu par les évangéliftes, parce qu’il eft né d’une
vierge : Concipies in utero & paries f ilium .................
Spiritus fanclus fuperveniet in te. . . . Ideoque quod
nafeetur ex te fanclum vocabipur F ilius D e i. Luc. I .
Jefus-Chrift, ajoutent-ils, eft dit dans S. Paul, I .
3. & 4. Filius factus Deo ex femine Davidfecundum
carnem. Et aux Galat. IV . 4. Mijît D eus Filium fuum
factum ex mulierefactum fub lege. D’oii les Sociniens
argumentent aipfi:
J. C. eft appellé dans les Ecritures, F ils de D ie u ,
né dans le tems, fous la loi, fait d’une femme, & félon
la chair : or s’il étoit Fils de Dieu par la génération
éternelle duVerbe, toutes ces exprefîions fe-1
roient fauflément appliquées à J, C. car il faut bien
confidérçr qu’elles lui font appliquées entant qu’il
eft Fils de D ieu ; donc elles caraâerifent fa filiation :
or ce n’eft pas une filiation fondée fur la génération
éternelle du Verbe ; donc c’eft ûne filiation d’adoption
pure & nullement naturelle, à moins qu’on ne
veuille regarder comme fiis naturel un pur homme
qui recevroit de Dieu l’exiftence hors des voies ordinaires
de la génération ; donc J. C. n’eft pas Fils de
Dieu au fens propre & naturel, comme i’entendent
les Catholiques.
Le P. Berruyer remarque d’abord que quelques
Théologiens ont traduit factus, ytvopXvov, dans les.
paflages que nous avons cités, par natus, né, par la
raifon que factus eft plus embarraffant.
Il prétend qu’on peut entendre à la lettre ces ex-
preflionsque font tant valoir les Sociniens, & réfoudre
la difficulté propofée, en adoptant fon explication
\ parce que, félon lui, il eft vrai à la lettre que
J. C. homme-Dieu a été fait dans le tems Fils de Dieu,
par l’union que Dieu a mife dans le tems en fa personne
entre la nature humaine & la nature divine.
Cette génération eft vraiment naturelle, dans un
fens tout-à-fait différent de celle que les Sociniens
.nous propofent d’admettre : elle n’eft pourtant pas
la génération éternelle du Verbe, quoiqu’elle la fuppofe
; & par conféquent en accordant, ce qu’on ne
peut pas contefter, que les paflages allégués ne peuvent
pas s’appliquer à la génération eternelle du
Verbe, on eft encore en droit de nier qu’ils doivent
s’entendre d’une filiation non-naturelle & de pure
adoption.
50. Enfin le P. Berruyer prétend que cette explication
eft néceffaire pour l’intelligencede beaucoup
d’endroits du nouveau Teftament : nous renvoyons
le leâeur à fon ouvrage , pour ne pas augmenter
trop confidérablement cet article.
!” Le P. Berruyer prévient quelques objeâions que
pourroient lui faire les Scholaftiques, par ex. que
.dans fon hypothèfe J. C. feroit fils de la Trinité,
fils des trois Perfonnes, fils de lui-même, fils du S.
JEfprit ; en recourant à un principe reçu dans les écoles
, les aâions de la Divinité au-dehors, ad extra ,
ne font point attribuées aux trois Perfonnes ni à aucune
d’elles en particulier, mais à Dieu, comme un
en nature.
Autre objeâion contre le P. Berruyer,. qu’il y auroit
deux fils dans fon hypothèfe : il nie cette confé-
quence, appuyé fur cette raifon , qu’il ne peut y
avoir deux fils qu’au cas qu’il y auroit deux Perfonnes
, félon l’hérefie de Neftorius ; & que comme fon
opinion laiffe fubfifter & fuppofe même l’unité de
Perfonne en J. C. on ne peut pas lui faire le reproche
d’admettre deux fils, quoiqu’il admette en J. C.
deux filiations.
Au refte, ce fixieme fens de l’expreflîon F ils de
Dieu y fuppofe effentiellemênt les deux dogmes im-
portans de la divinité du Verbe, & de l’union hypoftatique
& fubftantielle de la nature humaine en
J. C. avec la nature divine ; & toute l’explication
.du P. Berruyer eft d’après cette ftippofition.
Sur l’opinion qu’on vient d’expofer, on a accufé le
P. Berruyer defavorifer d’un côté leNeftorianifme,
& de l’autre le Socinianifme. Ils ajoutent que l’explication
donnée par le P. Berruyer eft nouvelle. On
ne la trouve employée, difent-ils, par auçïinpere&
par aucun théologien dans les difputes avec les hé-
. rétiques ; on ne voit pas qu’aucun concile s’en foit
fervi pour développer les dogmes fondamentaux du
Chriftianifme ; les interprètes & les commentateurs
ne donnent pa£ aux paflages allégués par le P. Berruyer
les fens qu’il y adapte, &c. & ce caraâere de
nouveauté eft un terrible argument eputre une opi-
nion dans l’efprit d’un catholique : néanmoins ce pere
 trouvé des défenfeurs, Nous n’entrerons pas dans
- Tome V I t
les raifons qui ont été apportées de part & d’autréi
Çes détails nous meneroient trop loin: d’ailleurs nous
ne pourrions pas traiter cette matière, fans donner
en quelque forte une décifion qu’il ne nous appartient
pas de prononcer;.c’eft à l’Eglife feule & aux
premiers pafteurs à noiis éclairer fur des riiatieres
aufli délicates, & qui touchent de fi près, à la Foi.
Relativement à l’article Fils de D ie u , il faut.yoir
les art. T r i n i t é , In c a r n a t i o n , A r i e n s , & e s -
t o r i e n s , S o c i n i e n s . (A )
F i l s d e l ’h o m m e ( Theolt ) terme ufité dans le.s,.
Ecritures pour lignifier homme , & propre à exprimer
tantôt la nature humaine, & tantôt fa fragilité»
Quand ce mot eft appliqué à Jefus Chrift, il fi.»
gnifie en lui la nature humaine, mais exempte des.
imperfeâions qui font ou la caufe ou la fuite du péché.
Cette expreflion étoit commune chez les Juifs &
lés Chaldéens. Les prophètes Daniel & Ezéchielfont
quelquefois défignés par cette appellation dans les
livres qui portent leur nom.
. Quelquefois aufli fils de C homme y oufils des hommes>
défignent la corruption & la malignité de la nature
humaine , & font appliqués aux méchans & aux rép
prouvés, par oppofition aux juftes & aux élus,.qui
font appellés fils de Dieu ; comme dans ce paffage
du Pfeaume4. f ilii hominum ufquequo gravi corde ? ut
quid diligitis vanitatem. & queeritis mendacium ? (G)
F i l s d e l a T e r r e ( Hifi. mod. ) Dans l’uni ver-
fité d’Oxford , c’eft un écolier, qui aux aâes publics
a la commiflion de railler & fatyrifer les membres
de cette univerfité , de leur imputer quelque abus ,
ou corruption naiffante : c’eft à-peu-près la même
çhofé que ce qu’on nommoit paranymphe dans la faculté
de Théologie de Paris,,, voyeç l ’article P a r a -
n y m p h e . ( £ ) , .
FlLS ( / e) A V AN T LE PERE , filius ante patrem ÿ
expreflion dont les B'otaniftes & les Fleuriftes fe fervent
verbalement &par écrit, pour marquer qu’une
plante porte fa fleur avant fes feuilles. Telles font
diyerfes efpeces d,e colchique, le pas-d’âne, le péta4
fite, &c. Article M . le Chevalier D E J A U COU R T .
FILTRATION ,.f. f. ( Phyf. ) On appelle ainfi le
plus communément le paffage de l’eau à-travers uri
corps deftiné à la purifier des immondices qu’elle
renferme ; l’eau,qui pafle , par exemple, à-travers
le fable , y devient pure & lympide de fale qu’elle
étoit auparavant- Qn fe fert aujourd’hui beaucoup
pour cet effet de certaines pierres poreufes, voyez
l'article F o n t a i n e . Selon Lifter, on peut deffaler
l’eau de la mer , en y mettant de l’algue ( forte dq
plante marine ) voye^ A l g u e ; & en la diftillant en-
fuite à l’alembic. Selon M. des Landes, fi on forme
avec dé la cire-vierge des vafes qu’on rempliffé
d?eau de mer , cette eau filtrée à-travers la cire eft
!deffalée par cemoyen. Enfiii, félon M. Leutmann,
fi ,On filtre de l’eau de puits au-travers d’un papier
gris , qu’ôn laiffe enfuite fermenter ou pourrir cette
eau, & qu’on la filtre de nouveau, elle fera plus pure
que fi on la diftilloit.
L’effet de la filtration fie comprend affez : il n’eft
pas difficile de concevoir que l’eau en traverfant un
corps folide d’un tiffu affez Fefré, y dépofe les parties
lés plus groflieres qu’elle renferme : on a étendu
le mot ae filtration à tout paffage d’un fluide à-travers
un folide dans lequel il dépofe quelques-unes de fes
parties ; par exemple, à la féparation des différentes
parties du fang dàns.Ies glandes du corps humain.
, Si on mêle enfemble deux liqueurs dansunvafe,
.& qu’on trempe dans ce vafe Un linge du un morceau
de ffrap imbibé d’une feule ,cfe ces deux liqueurs,il ne
filtrera c[ue cet,te liqueur, & ne donnera point paffa*
.gé. à l’autre. Quelques phÿfîôlôgiftes ont voulu expliquer
par ce moyen la filtration ou féparation qui