
«les matières de fait, de-là vient l’ancienne maxime i
ad queejlionem facli refpondcnt juratores , ad quajlio-
ncm juris refpondcnt judices ; c’eft au (H de-là qu ils
font appellés parmi nous jurés , . ou experts jures.
Mais préfentement cette derniere qualité ne fe donne
qu’aux experts qui font en titre d'office, quoique
tous experts doivent prêter ferment.
L’ufage de nommer des experts nous vient des Romains;
car outre les arpenteurs , menfores, qui tai-
foient la mefure des terres, 8c les' huiffiers-prifeurs>
fummarii, qui eftimoient les biens, on prenoit auffi
des gens de chaque profeffion pour les chofes dont
la çonnoiffance dépendoit des principes de 1 art. Ainfi
nous voyons en la novelle 64, que l’eftimation des
légumes devoit être faite par des jardiniers de Con-
ftantinople , ab hortulanis & ipfîs honim peritiam ha-
bentibus; ce que l’on rend dans notre langue par ces
termes, & gens à ce connoijfans.
Les experts étoient choifis par les parties,, comme
il eft dit en la loi hac ediclali per eos quos utraque pars
elegerit ; on leur faifoit prêter ferment fuiVant cette
même loi, interpojîto facramento ; 8c la novelle 64 fait
mention que ce ferment fe prêtoit fur les évangiles,
divinis nimirum propofitis evangcliis.
Ils font qualifiés d’arbitres dans quelques lois, quoique
la fonction d’arbitres foit différente de celle des
experts, ceux-ci n’étant point juges.
Le droit canon admet pareillement l’ufage des experts
, puifqu’au chap. yj. de frigides & maleficiatis il
eft dit qu’on appelle des matrones pour avoir leurs
avis : volens habere certitudinempleniorem,quafdamma-
tronas fua parochice providas & ho nefas ad tuant pra-
fentiam evocajli.
En France autrefois il n’y avoit d’autres experts.
que ceux qui étoient nommés par les parties, ou qui
etoient nommés d’office par le juge, lorfqu’il y avoit
lieu de le faire.
Nos rois voulant empêcher les abus qui fe com-
mettoient dans les mefurages 8c prifées de terres,
vifites & rapports en matière de fervitude, partages,
toifés, &. autres aétes dépendans de l’architeéhire &
conftruétion, créèrent d’une part des arpenteurs jurés
, 8c de l’autre des jurés maçons 8c charpentiers,
en toutes les villes du royaume.
La création des jurés-arpenteurs fut faite par Henri
II. par édit du mois de Février 1554, portant création
de fix offices d’arpenteurs 8c mefureurs des terres
dans chaque bailliage, fénéchauffée, & autres
refforts. Henri III. par autre édit du mois de Juin
15 7 5 , augmenta ce nombre d’arpenteurs de quatre
en chacune defdites jurifdiétions ; il leur attribua
l’hérédité & la qualité de prudhommes-prifeurs de terres.
II y en eut encore de créés fous le titre experts-
jurés-arpenteurs dans toutes les villes où il y a jurif-
diétion royale, par édit du mois de Mai 1689. Tous
ces arpenteurs-prifeurs de terres furent fupprimés
par édit du mois de Décembre 1690, dont on parlera
dans un moment.
D ’un autre côté Henri III. avoit créé par édit
du mois d’Oûobre 15 74 , des jurés-maçons 8t charpentiers
en toutes les villes du royaume, pour.les
vifites , toifés, 8c prifées des bâtimens, & tous rapports
en matière de fervitude, partage, & autres,
a êtes femblables.
Il y eut auffi au mois de Septembre 1668, un édit
portant créatipn en chaque ville du reffortdu parlement
de Touloufe, de trois offices de commiffaires-
prudhommes-fix/w« jurés, pour procéder à,la vérification
8c eftimation ordonnées par juftice des biens
& héritages faifis réellement, à la liquidation des dégâts
, pertes , 8t détérioration, à l’audition & clôture
des comptes de tutelle 8c curatelle.
Maisja plupart des offices créés par ces édits ne
furent pas le vés à caufe des plaintes qui furent faites
contre- ceux qui avoient été les premiers pourvûs de
ces offices: c’eft pourquoi l’ordonnance de 1667,
tit. x x j. art. 11. ordonna que les juges 8c les parties
pourroient nommer pour experts des bourgeois ; 8c
qu’en cas. qu’un artilàn fût intéreffé en fon nom,
il ne pourroit être pris pour expert qu’un bourgeois.
Mais comme il arrivoit tous les jours que des perfonnes
fans expérience fuffifante s’ingéroient de faire
des rapports dans des arts & métiers dont ils n’a-
voient ni pratique ni connoiffance, Louis XIV. crut
devoir remedier à ces-defordres, en créant des experts
en titre ; ce qu’il fit par différais édits.
Le premier eft celui du mois de Mai 1690, par
lequel il fupprima les offices de jurés - maçons 8c
charpentiers créés par l’édit du mois de Décembre
1574, 8c autres édits & déclarations qui auroient
pû être donnés en conféquence ; 8c par le même édit
il créa en titre d’office héréditaire pour la ville de
Paris cinquante experts jurés ; fa voir vingt-cinq bourgeois
ou architeûes, qui auront expreflément & par
aéte en bonne forme, renoncé à faire aucunes entre-
prifes directement par eux , ou indirectement par
perfonnes interpofées, ou aucunes affociations avec,
des entrepreneurs, à peine de privation de leur charge
; & vingt-cinq entrepreneurs maçons, ou maîtres-
ouvriers : & à l’égard des autres villes, il créa fix
jurés-experts dans celles oit il y a parlement, chambre
des comptes, cour des aides; trois dans celles
où il y a généralité, 8c autant dans celles où il y a
préfidial, avec exemption de tutelle, curatelle, logement
de gens de guerre, & de toutes charges de
ville 8c de police ; 8c en outre pour ceux de Paris,
le droit de garde-gardienne au châtelet de Paris.
Il eft dit que les pourvûs de ces offices pourront
être nommés experts ; favoir ceux de la ville de Paris
, tant dans la prévôté 8ç vicomté, que dans toutes
les autres villes & lieux du royaume ; ceux des villes
où il y a parlement, tant dans ladite ville que dans
l’étendue du reflort du parlement ; ceux des autres
villes, chacun dans les lieux de leur établiffement ;
Ôc dans le reflort du préfidial ou autre jurifdiétion
ordinaire de ladite v ille , pour y faire toutes les vifites
, rapports des ouvrages, tant à l’amiable qu’en
juftice, en toute matière pour raifon des partages,
licitations, fervitudes, alignemens, périls imminens,
vifites de carrière , moulins à vent 8c à eau, cours
d’eaux, & chauffées defdits moulins, terraffes 8c
jardinages, toifées, prifées, eftimation de tous ouvrages
de maçonnerie, charpenterie, couverture,
menuiferie, fculpture, peinture, dorure, marbre,
ferrurerie, vitrerie, plomb, pavé, 8c autres ouvrages
8c réception d’iceux, 8c généralement de tout ce
qui concerne & dépend de l’expérience des chofes.
ci-deffus exprimées ; avec défenfes à toutes autres
perfonnes de faire aucuns rapports & autres a êtes
qui concernent ces fortes d’opérations, 8c aux parties
de convenir d’autres experts , aux juges d’en nom-’
mer d’autres d’office, 8c d’avoir égard aux rapports
qui pourroient être faits par d’autres.
Ce même édit ordonne qu’il fera fait un tableau
des cinquante experts, diftingué en deux colonnes,
l’une dés vingt-cinq experts -Bourgeois - architectes ,
l’autre des vingt-cinq gxywtt-entrepreneurs. Il réglé
leurs lalaires 8c vacations ; ordonne qu’ils prêteront
ferment devant le juge des lieux ; qu’à Paris lesvingt-
çinq Mr/w-tt-entrepreneurs feront tour-à-toûr toutes
les femaines la vifite de tous les atteliers 8c bâtimens
qui fe çonftrùifent dans la ville 8c fauxbourgs j.qu’ils
feront à cèt effet affiliés de fix maîtres maçons, pour
faire leur rapport des contraventions qu’ils remarqueront
, dont les amendes feront perçûes par le fermier
du domaine ; qu’on ne recevra aucun maître
maçon, que les jurés -experts- entrepreneurs n’ayent
été mandés d’oeuvre desp aofupri rêatnres ,p 8rcé fqeun’si làs ln’e’axypeénrite éntcée c8ecr ctihfeiéfs- 'Capables par deux defdits jurés, 8c par le plus ancien
■ ou celui qui fera député de la première colonne, qui
affiftera, fi bon lui femble, au chef-d’oeuvre.
Il y avoit déjà des greffiers de l’écritoire , pour
écrire les rapports des experts ; le nombre en fut augmenté
par cet édit. Voye£ G r e f f i e r s d e L ’e c r i -
TOIRE.
Le fécond édit, donné par Louis X IV. fur cette
matière, eft celui du mois de Juillet de la même année
, donné en interprétation du précédent. Il porte
création en chaque ville du royaume où il y a bailliage
, fénéchauffée, viguerie, ou autre fiége 8c jurif-
didtion royale, de trois experts, 8c un greffier de l’écritoire
dans chacune de ces villes pour recevoir
leurs rapports.
Le troifieme édit eft celui du mois de Décembre
de la même année, par lequel Louis X IV. fupprima
les offices d’arpenteurs-prifeurs de terre, créés par
édits des mois de Février 15 54 & Juin 1575 ; 8c en
leur place il créa en titre d’office trois experts-^ri-
feurs 8c arpenteurs jurés dans chacune des villes où
il y a parlement, chambre des comptes, & cour des
aides, & auffi dans les villes de Lyon , Marfeille,
Orléans, 8c Angers, pour faire avec les fix experts
jurés, créés par édit du mois de Mai précédent, pour
chacune des villes où il y a parlement, chambre des
comptes, 8c cour des aides, le nombre de neuf experts
- prifeurs 8c arpenteurs jurés ; 8c avec les trois
créés par le même édit, pour les villes de L y on ,
Marfeille, Orléans, 8c Angers, le nombre de fix ex-
perts-^nfeurs 8c arpenteurs jurés ; création de deux
dans les villes où il y a généralité ou préfidial, pour
faire avec les trois créés par le premier édit le nombre
de cinq, 8c un quatrième dans les autres villes
o ù il y en avoit déjà trois : enforte que tous ces experts
, à l’exception de ceux de Paris, fuffent dorénavant
experts-prifeurs 6* arpenteurs jurés , pour faire
feuls , à l’exclufion de tous autres, tout ce qui eft
porté par l’édit du mois de Mai 1690 ; comme auffi
tous les arpentages, mefurages, 8c prifées de terre
s , vignes, prés, b ois, eaux, îles, patis, communes
, 8c toutes les autres fondions attribuées aux ar-
penteurs-prifeurs par les édits de 1554 & 1575. Voy.
A r p e n t e u r s .
Le quatrième édit eft celui du mois de Mars-1696,
portant création d’offices d’expem-prifeurs 8c arpenteurs
jurés, par augmentation du nombre fixé par
les édits des mois de Mai, Juillet, 8c Décembre
1690. Au moyen de ces différentes créations, il y a
préfentement à Paris foixante experts jurés ; favoir
trente experts -bourgeois , 8c trente experts-entrepreneurs.
L’édit de 1696 porte auffi création de deux offices
de prifeurs nobles dans chaque évêché de la province
de Bretagne. Dans le même tems il y eut un
femblable édit adreffé au parlement de Roiien, 8c
un autre au parlement de Grenoble.
Il avoit été créé des offices de petits-voyers, dont
les fonctions, par édit du mois de Novembre 1697,
furent unies à celles des experts créés par édits de
1689, 1690, 8c 1696.
En conféquence de ces édits, on avoit établi des
experts jurés dans le duché de Bourgogne 8c dans
les pays de Breffe , Bugey, & G e x , de même que
dans les autres provinces du royaume. Mais furies
remontrances' des états de la province dé Bourgogne
, ces officiers furent fupprimés par édit du mois
d’Août 1700, tant pour cette ‘ province, que pour
les pays de Breffe, Bugey, 8c Gex.
Les maîtres Graveurs-Cifeléùrs de Paris font experts
en titre , pour vérifications & ruptures des
Reliés.
, koffqu’ il s’agit d’écriture, on nomme des maîtres
écrivains experts pour les vérifications.
Dans toutes les villes où il y a des experts en titre ,
les parties ne peuvent convenir, & les juges ne peuvent
nommer d’office que des experts du nombre de
ceux qui font en titre, à moins que ce ne foit fur des
matières qui dépendent de connoiffances propres à
d’autres perfonnes : par exemple s’il s’agit de quelque
fait de commerce, on nomme pour experts des
marchands; fi c eft un fait de banque, on nomme
des banquiers.
Le procès-verbal que font les experts pour confta-
ter l’état des lieux ou des chofes qu’ils ont vus, s’appelle
rapport ; & quand on ordonne qu’une chofe fera
eftimée à dire d'experts , cela fignifie que les experts
diront leur avis fur l’eftimation, 8c eftimeront la
chofe ce qu’ils croyent qu’elle peut valoir.
Lorfque la conteftation eft dans un lieu où il n’y
a point d’experts en titre, on nomme pour experts les
perfonnes le plus au fait de la matière dont il s’agit.
Suivant l’ordonnance de 1667; tUre XXU> les juge-
mens qui ordonnent que des lieux 8c ouvrages feront
vus, vifites, toiles, ou eftimés par experts ,
doivent faire mention expreffe des faits fur lefquels
les rapports doivent être faits, du juge qui fera commis
pour procéder à la nomination des experts, recevoir
leur ferment 8c rapport, comme auffi du délai
dans lequel- les parties devront comparoir parde-
vant le commiffaire.
Si au jour de l’affignation une des parties ne compare
pas, ou eft refufante de convenir d’experts, le
commiffaire en doit nommer un d’office pour la partie
abfente ou refufante, pour procéder à la vifite
avec Vexpert nommé par l’autre partie. Si les deux
parties refufent d’en nommer , le juge en nomme
auffi d’office , le tout fauf à reeufer ; 8c fi la recu-
fation eft jugée valable , on en nomme d’autres à
la place de ceux qui ont été reeufés.
Le commiffaire doit ordonner par le procès-verbal
de nomination des experts, lejour 8c l’heure pour
comparoir devant lui 8c'faire le ferment ; ce qu’ils
feront tenus de faire fur la première affigrtation ;
& dans le même tems on doit leur remettre le jugement
qui a ordonné la vifite, à laquelle ils doivent
vacquer inceffamment.
Les jviges 8c les parties peuvent nommer pour experts
des experts -bourgeois ; 8c en eas-qu’un artifan
foit intéreflë en fon nom contre un bourgeois , on
ne peut prendre pour tiers qu’un expert- boürgeois.
Il eft de la réglé que les experts doivent faire rédiger
leur rapport fur le lieu par leur greffier, 8c
figner la minute avant de partir de dèffus le lieu.
Voye^ Üordonnance de Charles IX . de l'an /5<fy.-
Les experts doivent délivrer au commiffaire leur
rapport en minute, pour être attaché à fon procès-
verbal, & tranferit dans la même groffe ou cahier.
Si les experts font contraires en leur rapport, le
juge doit nommer d’office un tiers qui fera aflifté
des autres en la vifite ; 8c fi;tous les^experts s’accordent
, ils ne donnent qu’un feul avis & par un même
rapport, linon ils donnent leur avis féparé-
ment.
L’ordonnance abroge l’ulàge de faire recevoir en
juftice les rapports d'experts , 8c dit feulement que
les parties peuvent lés produire ou les corlteller , f i
bon leur femble. La production dont parle l’ordonnance
, ne fe fait que quand l’affaire eft appointée ;
l’ufage eft de demander l’entérinement du rapport :
ce que le juge n’ordonne que quand il trouve le
rapport en bonne forme, 8c qu'il n’y a pas lieu d’en
ordonner un nouveau.
Il eft défendu aux experts de recevoir aucun pré-
fent des parties, ni de foufïfir qu’ils les défrayent
ou payent leur dépenfe, dire&ement ou indirecte