
plus. Mais S. Epiphane (harefi 26. n. *2.) en cite un
trait fabuleux Sc très-remarquable : c’eft que Zacharie
pere de Jean-Baptifte, étant dans le temple où il
offroit l’encens, vit un homme qui fe préfenta devant
lui avec la forme d’un âne. Etant forti du temple, il
s’écria : Malheureux que vous êtes, qu’eft-ce que vous
adore[ ! Mais la figure qu’il avoit vue lui ferma la
bouche, & l’empêcha d’en dire davantage. Après la
naiffance de Jean-Baptifte, Zacharie ayant recouvré
l’ufage de la parole, publia cette vifion ; & les Juifs
pour l’en punir, le firent mourir dans le temple. C ’eft
peut-être une pareille rêverie qui a fait penfer à
quelques payens, què les Juifs adoroient une tête
nâne; comme le rapporte Tacite, lib. V. hift. Voy.
cette conjedure développée par M. Morin, qui cite
le trait rapporté par S. Epiphane, dans les mémoires
de l'acad. des Inscriptions, tom. I. pag. 142. & fuiv.
Au refte, ces faux évangiles dont le protèvangile pa-
roît êrre l’original, font très-anciens, puifqu’ilsfont
cités comme apocryphes par les peres des premiers
Jfiecles , Sc que Tertullien & Origene y font quelquefois
allufion.
IV . L'évangile de l'enfance de Jefus a été fort connu
des anciens. C ’eft un recueil des miracles qu’on
fuppofe opérés par Jefus-Chrift depuis fa plus tendre
enfance, dans l'on voyage en Egypte, Sc après fon
retour à Nazareth jufqu’à l’âge de douze ans. Nous
l’avons en arabe, avec une verfion latine d’Henri
Sikius. M. Cotelier en a aufli donné un fragment en
grec. Voici quelques échantillons des fables Sc des
abfurdités que contient ce faux évangile. On y rapporte
la naiflance de Jefus-Chrift, avec ces circonf-
tances : que Jofeph ayant couru à Bethléem chercher
une fage - femme, & étant revenu avec elle à la caverne
où Marie s’étoit retirée, il la trouva accouchée,
& l’enfant enveloppé de langes & couché dans
la crèche: que la fage-femme, qui étoit lépreufe,
ayant touché l’enfant, frit auffi-tôt guérie de la lèpre:
que l’enfant fut circoncis dans la caverne, &
ïbn prépuce confervé par la même femme dans un
vafe d’albâtre, avec des onguéns précieux ; & que
c’eft ce même vafe qui fut acheté par Marie la Pé-
chereffe, qui oignit les piés du Sauveur. On ajoute
que Jefus frit prefenté au temple, accompagné d’anges
qui l’environnoient comme autant de gardes :
que les mages étant venus à Bethléem, fuivant la
prédiâion de Zoroaftre , Marie leur donna une des
bandes, avec lefquelles elle enveloppoit le petit Jefus
; & que cette bande ayant été jettée dans le feu,
en fut tirée entière & fans avenir été endommagée.
Suivent la fuite de la fainte famille Sc fon féjour en
Egypte. Ce féjour dure trois ans, & eft fignalé par
une foule de miracles qui ne font écrits nulle part
ailleurs ; tels que ceux-ci : une jeune époufée qui
étoit devenue muette, recouvra la parole en embraf-
fant le petit Jefus : un jeune homme changé en mulet
, reprit fa première forme : deux voleurs nommés
Titus & Dumacus, ayant laiffé pafler Jofeph Sc Marie
fans leu»faire de mal, Jefus-Chrift leur prédit
que l’up & l’autre feroit attaché en croix avec lui.
£)e retour à Bethléem, il opéré bien d’autres prodiges.
D eux époufes d’un même mari avoient chacune
une enfant malade : l’une s’adrefla à Marie, en obtint
une bandelette de Jefus, l’appliqua fur fon fils,
& le guérit. L’enfant de fa rivale mourut : grande
jaloufie entre elles. La mere de l’enfant mort jette le
fils de l’autre dans un four chaud ; mais il n’en reffent
aucun mal : elle le précipite enfuite dans un puits,
& on l’en retire fain Sc fauf. Quelques jours après,
cette mégere tombe elle-même dans ce puits, & y
périt. Une femme avoit un enfant nommé Judas,
pbffédé du démon; c’eft Judas Ifcariote : on l’apporta
près de Jefus, à qui le poffédé mordit le côté, Sc
fut guéri; c’eft ce même côté qui fut percé de la lance
à la paflion. Un jour, des enfans jouant avec Jefus
, faifoient de petits animaux d’argile ou de terre :
Jefus en faifoit comme eux ; mais il les animoit, en-
forte qu’ils marchoient, bûvoient, Sc mangeoient.'
Ce miracle eft rapporté dans l’alcoran, fur a 3 . & 5.
Sc dans le livre intitulé toldosJefu. Jofeph alloit avec
Jefus par les maifons de la ville , travaillant de fon
métier de charpentier ou menuifier; tout c e q u ife
trouvoit trop long ou trop court, Jefus l’accourcif-
f°it ou l’allongeoit fuivant le befoin. Jefus s’étant
mêlé avec des enfans qui joiioient, les changea en
boucs, puis les remit en leur premier état. Un jour
de fabbat Jefus fit une petite fontaine avec de la terre^
Sc mit fur fes bords douze petits moineaux de
même matière. On avertit Ananie que Jefus violoit
le fabbat; il accourut, & vit avec étonnement que
les petits moineaux de terre s’erivoloient. Le fils d’A-
nanie ayant voulu détruire la fontaine, l’eau difpa-
rut, Sc Jefus lui dit que fa vie difparoîtroit de même :
aufli-tot il fecha Sc mourut. On y raconte encore
qu’un maître d’école de Jérufalem ayant fouhaité
d’avoir Jefus pour difeipte ; Jefus lui fit diverfes'
queftions qui l’embarrafferent, Sc lui prouvèrent que
fon difciple en fa voit infiniment plus que lui : enfuite
Jefus recita feul l’alphabet ; le maître interdit l’ayant
voulu frapper, fa main devint aride, & il mourut fur
lechamp.ÊnfinJefus'âgé de douze ans,paroît au temple
au milieu des doôeurs, qu’il étonna par fes queftions
& fes réponfes, non-feulement fur la lo i , mais
encore fur la Philofophie, l’Aftronomie, & fur toutes
fortes de fciences. Jofeph Sc Marie le ramènent à
Nazareth, où il demeure jufqu’à l’âge de trente ans,
cachant fes miracles & étudiant la loi. T el eft le précis
des principales chofes contenues dans le texte
arabe, traduit par Sikius. Le fragment grec traduit
par M. Cotelier , différé un peu quant à l’ordre des
miracles Sc quant.aux circonftances ; mais il renferme
encore plus d’impertinences, Sc des contes plus
ridicules. '
V . L'évangile de Nicodème n’a pas été connu des
anciens, pas même de Paul Orofe & de Grégoire de
Tours, qui ne le citent jamais fous ce titre, quoiqu’ils
citent les actes de Pilate, avec lefquels l’évangile
de Nicodème a beaucoup de conformité. De-Ià
M. Fabricius, de apocryph. nov. Tejlam. p. 21S. con-
jefture avec beaucoup de vraiffemblance, que ce
font les Anglois qui ont forgé l ’évangile de Nicodème
tel que nous l’avons, fur-tout depuis qu’ils ont voulu
faire pafler Nicodème pour leur premier apôtre. En
effet le latin dans lequel cet ouvrage eft écrit eft très-
barbare , & de la plus baffe latinité. Il rapporte tolite
l’hiftoire du procès, de la condamnation, de la mort
& de la réfurre&ion de Jefus-Chrift, avec mille circonftances
fabuleufes ; & il finit par ces termes: Au
nom de la très-fainte Trinité,• fin du récit des chofes qui
ont été faites par notre Sauver Jefus-Chrift, & qui a
été trouvé par le grand Tkéodofe empereur , dans le prétoire
de Pilate , & dans les écrits publics. Fait l ’an x jx
de Tibere , le xvij. AHérode roi de Galilée , le 8. des calendes
d'Avril, le 23. Mars de la ccij. olympiade ,fous
les princes des Juifs , Anne & Caïphe. Tout cela a été
écrit en hébreu par Nicodème.
VI. L’évangile éternel eft encore plus moderne :
c’eft la produélion d’un religieux"mendiant du xiij.
fiecle; elle fut condamnée par Alexandre IV. Sc brûlée,
mais fecretement, de peur de caufer du fcandale
aux freres. Cet auteur qui avoit tiré fon titre de l’a-
pocalypfe, où il eft d it , chap. xjv. 6: qu’a« ange
porte Ûévangile éternel Sc le publie dans toute la terre
& à tous les peuples du monde, prétendoit que l’évangile
de Jefus-Chrift, tel que nous l’avons, feroit
aboli ou du moins abrégé , . comme la loi de Moyfe
l’a été par l’évangile , quant à fes cérémonies Sc à fes
lois judicielles. >
VII. Vévangile de S. André n’eft connu que par
le decret du pape Gélafe, qui l’a relégué parmi les
livres apocryphes.
VIII. L1évangile de S. Barthelemi fut aufli condamné
par le pape Gélafe. Saint Jérôme & Bede en font
mention. D. Calmet penfe que ce n’étoit autre chofe
que l’évangile de S. Matthieu, qui, félon Eufebe Sc
quelques autres, avoit été porté dans les Indes par
S. Barthelemi, où Pantænus le trouva & le rapporta
à Alexandrie. Mais fi c’eût été l’évangile pur Sc non
altéré de S. Matthieu, le pape Gélafe rauroit-il condamné
?
IX. U évangile d'Apellés eft connu dans Saint Jérôme
& dans Bede, non comme un évangile nouveau,
compofé exprès par cet héréfiarqtie, mais, comme
quelqu’un des anciens évangiles qu’il avoit corrompu
à fa fantaifie, pour foûtenir Sc accréditer fes erreurs.
X . U évangile de Bajilide étoit en effet un ouvrage
compofé par ce chef de fefre, Sc intitulé de la
forte par un homme qui propofoit fans détour fes
vifions Sc fes erreurs, fans vouloir les mettre à l’abri
de’quelque grand nom, comme faifoient les autres
hérétiques, qui fuppoioient des évangiles fous le nom
des apôtres. M. Fabricius conjeâure que cet évangile
de Bafilide n’étoit autre chofe qu’une efpece de commentaire
fait par cet héréfiarque fur les quatre évangiles,
&: diftribué en vingt-quatre livres , dont on a
quelques ffagmens dans le fpicilége de M. Grabe.
Bafilide fe vantoit d’avoir appris fa dofrrine de Glau-
cias interprète de S. P ierre, Sc la donnoit par con-
féquent avec confiance comme la doârine même du
chef des apôtres.
XI. U évangile de Cérïnthe eft, félon S. Epiphane,
haref. 5t. un de ceux qui avoient été écrits par les
premiers chrétiens avant que Saint Luc écrivît le
fien. Le même pere femble dire ailleurs, que Cérin-
the fe fervoit de l’évangile de S. Matthieu, altéré fans
doute relativement à"fes erreurs. Et dans un autre
endroit , il rapporte que les Alogiens attribuoient à
ce novateur Vévangile de S. Jean. Mais l’erreur étoit
grofliere, puifque S. Jean n’écrivit fon évangile que
pour combattre l ’héréfie de Cérinthe. Il ne nous
refte plus rien de l’évangile de ce dernier. Fïyeç Alogiens.
XII. U évangile des Ebionites étoit l’évangile de
S. Matthieu, aiifli altéré en plufieurs endroits , pour
favorifer leur dogme contraire à la divinité de J. C.
par exemple celui-ci, qu’après avoir été baptifé par
Jean-Baptifte, Jefus-Chrift étant forti de l’eau, le
faint-Efprit parut fur lui Sc entra en lui fous la forme
d’une colombe ; alors on oiiit une voix du ciel
qui difoit : Vous êtes mon fils bien-aimé, en quij’ai mis
ma complaifance : Sc encore, je vous ai engendré aujourd’hui.
Il nous refte encore quelques autres frag-
mens peu confidérables de cet évangile, cités par S.
Epiphane, haref. 30. chap. xv. n°. 16 & 21. Voyeç Ebionites.
XIII. U évangile des Encratites n’étoit que les
quatre évangiles fondus en un feul par Tatien ; Sc
félon Théodore t , haretic. fabul. lib. I . cap. x x . les
catholiques des provinces de Syrie. & de Cilicie
s’en fervoient aufli bien que les Encratites. Au refte
il n’étoit pas reconnu par l’Eglife pour authentique.
V?ye{ Encratites.
XIV. U évangile d’Eve étoit en ufage parmi les
Gnoftiques, Sc contenoit beaucoup aobfcénilés,
dont on peut voir le détail dans S.‘ Epiphane, hoeref.
26. h. 2. 3 . 5. 8. Sc 11. Voye^ Gnostiques.
X V . U évangile des Gnoftiques étoit moins un livre
particulier, qu’une colleûion de tous les évangiles
faux Sc erronnés, compofés avant eux ou par
eux-mêmes : tels que les évangiles d'Eve , de Valentin
, d*Apelles, de Bajilide de l ’enfance de Jefus 3
XVI. U évangile de Marcion n’étoit que l’évangile
de S. Lu c, tronqué & altéré fuivant la fantaifie de
Marcion Sc de fes feôateurs. On a des exemples de
ces altérations dans Tertullien, dans S. Epiphane;
Sc D . Calmet les a remarquées exa&ement dans fon
commentaire fur les évangiles. Voy. Marcionites.
XVII. L’evangile de S. Paul eft moins un livre
reel Sc apocryphe, qu’une falfification de titre de
la façon des Marcionites , qui attribuoient à faint
Paul l’évangile de S. Luc. L’erreur au refte eût été
peu importante, s’ils n’euffent corrompu dans des
matières effentiellcs l’évangile même de S. Luc le
feul qu’ils admettoient, mais défiguré à leur maniéré.
XVIII. Les Interrogations de Marie. Les Gnoftiques
avoient deux livres de ce nom ; l’un intitulé , les
grandes Interrogations dé Marie, l’autre, les petites
Interrogations de Marie. Ces deux ouvrages étoient
egalement un tiffu d’infamies écrites par ces fanatiques
, dont le culte confiftoit principalement en impuretés
monftrueufes.
X IX. Le livre de la Naiffance du Sauveur étoit uri
ouvrage apocryphe que le pape Gélafe condamna
fous un même titre, avec celui de la Vierge & de la
Sage-femme. Dom Calmet conjeéhire que c’étoit à-
peu-près le même que le protèvangile de S. Jacques ,
où l’on raconte la naiffance du Sauveur, Sc l’épreuve
que la Sage-femme voulut faire de l’intégrité de
Marie après r enfantement.
XX . U Evangile de S. Jean , ou le livre du trépas dé
la Vierge, eft condamné dans le decret de Gelafe, Sc
fe trouve encore en grec dans quelques bibliothèques:
quelques manuferits l’attribuent à S. Jacques, frere
du Seigneur, Sc d’autres à S. Jean l’Evangéliile.
X XI. U Evangile de S. Mathias eft connu par les
peres, qui n’en ont cité que le nom : on a aufli des
aftes apocryphes de S. Mathias, & des traditions ou
maximes qu’on croit extraites du faux évangile qui
couroit autrefois fous le nom de cet apôtre, Sc dont
plufieurs anciens hérétiques, entr’autres les Carpo-
cratiens, abufoient pour autoriser leurs erreurs. V. Carpo cratiens.
XXII. L’Evangile de la perfection ; ouvrage obfce-
n e , produ&ion des Gnoftiques, qui avoient le front
de fe donner ce nom, qui à la lettre fignifie un homme
parfait, quoiqu’ils fuffent , par leurs dérégle-
mens, les plus abominables de tous les hommes.
XXIII. L’Evangile des Simoniens, ou des dilciples
de Simon le Magicien, étoit diftribué en quatre livres
ou tomes remplis d’erreurs Sc d’extravagances
imaginées par ces hérétiques qui combattoient la
création, la p rovidence, le mariage, la génération,
la lo i, & les prophètes. C ’eft tout çe qu’on en fait
par les conftitutions apoftpjiques, liv. VI. ch. x v ij.
Sc par la préface des canons arabiques du concile de
Nicée, tome II. concil. pag. 386. Voye£ SlMONIENS.
XXIV . U Evangile félon les Syriens, dont l’exiften-
ce a été atteftée par S. Jérôme Sc par Eufebe, étoit
probablement le même que l’évangile des Nazaréens ,
ou l’évangile hébreu de S. Matthieu, dont fe fervoient
les Chrétiens de Syrie Sc des provinces voifines ; Sç
nous avons déjà remarqué que ces deux évangiles n’é-
toient pas entièrement purs Sc fans altération.
X X V . U Evangile de Tatien étoit une efpece de
concorde dçs quatre évangiles. Tatien, qui, après
avoir été difciple de S. Juftin, étoit tombe dans l’erreur
, avoit retranché les généalogies Sc tout ce qui
prouvoit que Jëftis-Chrift étoit né de la race de D avid
félon la chair: cette altération ne fe trouvant pas
dans l’harmonie ou concorde qui. porte le nom de
Tatien, dans les bibliothèques des peres, montre
que cë n’eft point le véritable évangile de T a tien ,
mais Yharmonie d’Ammonius d’Alexandrie, Tatien