
l ’hémifphere inférieur étant moins attiré que le centre
du globe, doit fe mouvoir moins vite : il doit
donc fuir le centre pour ainfi dire, & s’en éloigner
avec une force à-peu-près égale à celle de l’hémifphere
fupérieur. Ainfi le fluide s’élèvera aux deux
points oppofés qui font dans la ligne par où paffe le
foleil ou la lune : toutes fes parties accourront, fi*
on peut s’exprimer ainfi, pour s’approcher dé ces
points, avec d’autant plus de vîteffe, qu’elles en feront
plus proches.
On explique par-là avec la derniere évidence,
comment l’élévation & l’abaiffement des eaux de la
mer fe fait aux mêmes inflans dans les points oppofés
d’un même méridien. Quoique ce phénomène foit
une conféquence néceffaire du fyflème de M. Newton
, & que ce grand géomètre l ’ait même expreffé-
ment remarqué, cependant les Cartéfiens foûtien-
nent depuis un demi-fiecle, que fi l’attraftion pro-
duifoit le flux &c reflux, les eaux de l’Océan, lorf-
qu’elles s’élèvent dans notre hémifphere, devroient
s’abaiffer dans l’hémifphere oppofé. La preuve fim-
ple & facile que nous vènons de donner du contraire
fans figure & fans calcul, anéantira peut-être enfin
pour toujours une objection aufli frivole, qui efl
pourtant une des principales de cette fe&e contre la
théorie de la gravitation univerfelle.
Le mouvement des eaux de la mer, au moins celui
qui nous efl fenfible. & qui ne lui efl point commun
avec toute la maffe du globe terreftre, ne provient
donc point de ï’àétion totale du foleil & de la
lune, mais de la différence qu’il y a entre l’action de
ces a (1res fur le centre de la terre, & leur aélion fur
le fluide tant fupérieur qu’inférieur : c’efl cette différence
que nous appellerons dans toute la fuite de
cet article *action , force , ou attraction fôlaire ou binaire.
M. Newton nous a appris à calculer chacune
de ces deux forces, & à les comparer avec la pe-
fanteur. Il a démontré par la théorie des forces centrifuges
, & par la comparaifon entre le moùvemènt
annuel de la terre & fon mouvement diurne fVoye^
F o r c e c e n t r i f u g e & P e s a n t e u r ) , que l’a&ion
folaire étoit à la pefanteur environ comme un à
118681000 : à l’égard de l’aâion lunaire,1 il ne l’a
pas aufli exaftement déterminée, parce qu’elle dépend
de la maffe de la lune, qui n’efl pas encore fuf-
fifamment connue; cependant, fondé fur quelques
obfervations des marées, i l fuppofe l’aélion lunaire
environ quadruple de celle du foleil. Sur quoi voye^
ta fuite de cet article.
Il eft au moins certain, tant par les phénomènes
des marées que par d’autres obfervations ( Voye{
E q u i n o x e , N u t a t i o n , & P r é c e s s i o n ) , que l’action
lunaire pour foûlever les eaux de l’Océan, efl
beaucoup plus grande que celle du foleil ; & cela
nousfuffit quant à préfent. Voyons maintenant comment
on peut déduire de ce que nous avons avancé
l’explication des principaux phénomènes du flux &
reflux. Dans cette explication nous tâcherons d’abord
de nous mettre à la portée du plus grand nombre
de leôeurs qu’il nous fera poflible, & par cette
raifon nous nous contenterons d’abord de rendre
raifon des phénomènes en gros ; mais nous donnerons
enfuite les calculs & les principes, par le moyen
defquels on pourra donner rigoureufement les explications
que nous n’aurons fait qu’indiquer.
Nous avons vû que les eaux doivent s’élever en
même tems au-deflbus de l’endroit où efl la lune, &
au poipt de la terre diamétralement oppofé à celui-
là ; par conféquent à 90 degrés de ces deux points,
ces eaux doivent s’abaiffer : de même l’aétion folaire
doit faire élever les eaux à l’endroit au-deflùs
duquel efl le foleil, & au point de la terre diamétra- ;
lement oppofé ; & par conféquent les eaux doivent
s’abaiffer à 90 degrés de ces points. Combinant enfemble
ces deux a étions, on verra que l’élévation
des eaux en un même endroit doit être fujette à de
grandes variétés, foit pour la quantité, foit pour
l’heure à laquelle elle arrive , félon quél’aétion folaire
& l’aâion lunaire fe combineront entre elles ,
c’eft-à-dire félon que la lune & le foleil feront différemment
placés par rapport à cet endroit.
En général dans les conjonctions & oppofitions du
foleil & de la lune, la force qui fait tendre l’eau vers
le foleil, concourt avec la pefanteur qui la fait tendre
vers la lune. Car dans les conjonctions du foleil
& de la lune, ces deux aflres paflent en même tems
au-deflùs du méridien ; & dans les oppofitions, l’un
paffe au-deflus du méridien, dans le tems que l’autre
paffe au-deflbus; & par conféquent ils tendent dans
ces deux cas à élever en même tems les eaux de là
mer. Dans les quadratures au contraire, l’eau élevée
par le foleil fe trouve abaiffée par la lune ; car
dans les quadratures, la lune efl à 90 degrés du foleil
; donc les eaux qui fe trouvent fous la lune font
à 90 degrés de celles au-deflùs defquellesfe trouve le
foleil ; donc la lune tend à élever les eaux que le foleil
tend à abaiffer, & réciproquement; donc dans
les fyzygies l’aCtion folaire confpire avec l’aCtion lunaire
à produire le même effet, & au contraire elle
tend à produire un effet oppofé dans les quadratures;
il faut par conféquent en général, & toutes chofes
d ailleurs égales, que les plus grandes marées arrivent
dans les fy z y g ie s ,& les plus baffes-dans les
quadratures.
Dans le cours de chaque jour naturel, il y a deux
flu x & reflux qui dépendent de l’aClion du foleil,
comme dans chaque jour lunaire il y en a deux qui
dépendent de l’aClion de la lune, & toutes ces marées
font produites fuivant les mêmes lois; mais celles
que caufe le foleil font beaucoup moins grandes
que celles que caufe la lune : la raifon en e f l, que
quoique le foleil foit beaucoup plus gros que la terre
& la lune enfemble,rimmenfité de fa diflance fait
que l'adion folaire efl beaucoup plus petite que l’action
lunaire.
En général, plus la lune efl près de la terre , plus
fon aClion pour élever les eaux doit être grande ; & il
en efl de même du foleil.- C ’efl une fuite des lois de
l’attraâion,aui efl plus forte à une moindre diflance.
Faifant abftradion pour un moment de l’aClion du
foleil, la haute maréè^devroit fe faire au moment
du paffage de la lune par le méridien, fi les eaux,
n’avoient pas (ainfi que tous les corps en mouvement)
une force d’inertie (Voy, F o r c e d’Inertie)
par laquelle elles confervent l’impreflion qu’elles
ont reçûe : mais cette force doit avoir deux effets *
elle doit retarder l’heure de la haute marée, & diminuer
aufli en général l'élévation des eaux. Pour le
prouver, fuppofons un moment la terre en repos &
la lune au-deflùs d’un endroit quelconque de la terre
; en faifant abflraClion du foleil, dont la force pour
élever les eaux efl beaucoup moindre que celle de
la lune, l’eau s’élèvera certainement aii-deflùs de
l’endroit où efl la lune. Suppofons maintenant que
la terre vienne à tourner; d’un côté elle tourne tort
vite par rapport au mouvement de la lune ; & d’un
autre côté l ’eau qui a été élevée par la lune, & qui
tourne avec la terre, tend à conferver autantqu’il fe
peut, par fa force d’inertie, l’élévation qu’elle a ac-
quife , quoiqu’en s’éloignant de la lune, elle tende
en même tems à perdre une partie de cette élévation
: ainfi ces deux effets contraires fe combattant
l’eàiï tranfportée par le mouvement de la terre fe
trouvera^plus élevée à l ’Orient de la lune qu’elle’ qe
devroit être fans ce mouvement; mais cependant
moins élevée qu’elle ne l’auroit été fous la lune fi
la terre étoit immobile. Donc le mouvement de’ la
terre doit en général retarder les marées & en diminuer
l ’élévation,
Après leflux & le reflux, la mer efl un peu de tems
fans defcendre ni monter, parce que les eaux tendent
à conferver l’état de repos & d’équilibre où elles
font dans le moment de la haute marée, & é ans celui
de la marée baffe ; & qu’en même tems lé mouvement
de la terre déplaçant ces eaux par rapport à la
lune, change l’a&ion de cet aftre fur ces eaux, ôc
tend à leur faire perdre l’équilibre : ces deux efforts
fe contrebalancent mutuellement pendant quelques
momens. Il faut y joindre la ténacité dès-eaux, & les
obflacles de différentes efpeces qui doivent en général
retarder leur mouvement, & empêcher qu’elles
ne le prennent tout - d’un - coup, & par conféquent
qu’elles ne paflent brufquement de l’éta-t d’élévation
à celui d’abaiffement.
La lune paffe au-deflùs des rades orientales, avant
que de paffer au - deflùs des rades occidentales : le
fiüX doit donc arriver plutôt aux premières.
Le mouvement général de la mer entre les tropiques
de l’eft. à l’oiiefl, efl plus difficile à expliquer ;
ce mouvement fe prouve par- la direélion confiante
des corps qui nagent à la merci des flots. On obfer-
v e de plus que, toutes chofes d’ailleurs égales, la
navigation vers l’occident efl fort prompte, & le
retour difficile.- J’ai démontré dans mes recherches fur
la caufe des àints, qu’en effet cela doit être ainfi ;
que l’aftion du foleil & celui de la luné doit mouvoir
les eaux de l’Océan fous l’équateur d’orient
en occident. Cette même a&ion doit produire dans
l’air un effet femblable ; & c’efl-là, félon moi, une
des principales caufes des vents alifés. f'byez ALisé,
Mais c’efl-là un de ces phénomènes dont on ne peut
rendre la raifon fans avoir recours au calcul. Voye^
donc T ouvrage cité; voyez aufli Us articles V e n t 6*
C o u r a n t . %
Si la lune refloit toûjours dans l’équateur, il eft
évident qu’elle feroit toûjours à 90 degrés du pôle,
& que par conféquent il n’y auroit au pôle ni flux ni
r e f lu x doncdans les endroits voifins des pôles, le
flu x & le reflux feroit fort petit, & même tout-à-fait
infenfible, fur - tout fi on confidere que ces endroits
oppofent beaucoup d’obftacle au mouvement des
eaux, tant par les glaces énormes qui y nagent, que
par la difpofition des terres. O r quoique la lune né
foit pas toûjours dans l’équateur, elle ne s’en éloigne
que de 28 degrés : il ne faut donc point s’étonner
que près des pôles & à la latitude de 65 degrés, le
flux & reflux ne foit pas fenfible.
Suppofons maintenant que la lune décrive pendant
un jour un parallèle à l’équateur, on voit 1°. que l’eau
fera en repos au pôle pendant ce jour, puifque la lune
demeurera toûjours à la même diftance du pôle ;
2°. que fi le lendemain la lune décrit un autre parallè
le , l’eau fera encore en repos au polev pendant ce
jour-là, mais plus ou moins abaiffée que le jour précédent
, félon que la lune fera plus près ou plus loin
du zénith ou du nadir des habitans du pôle ; 3°.quefi
on prend un endroit quelconque entre la lune & le
pôle, la-diftance de la lune à cet endroit féra plus différente
de 90 degrés en défaut, lorfque la lune paffe-
ra au méridien au-deflùs de cet endroit, que la diftance
de la lune à ce même endroit ne différera de 90 degrés
en excès, lorfque la lune pafferaün méridien au-
deffous de ce même endroit. Voilà pourquoi en génér
a i, en allant vers le pôle boréal, les maréesde def-
fus font plus grandes quand la lune eft dans l’hémi-
fphere boréal, & celles de deffous plus petites ; & en
s’avançant même plus loin vers le pôle, il ne doit
plus y avoir oyiunflux & qu’un reflux dans l’efpace dé
24 heures ; parce que quand la lune eft au-deftous du
méridien, elle n’eft pas à beaucoupprès àa8ôdegrés
de l’endroit dont il s’agit, & qu’elle fe trouve,au contraire
à une diftance affez peu différente de 90 degrés,
pour que les ëàùx doivent s’abaiffer alors au
lieu de s’élever. Le calcul démontre évidemment
toutes ces vérités, que nous ne pouvons ici qu’énoncer
en général.
.Comme il n’arrive que deux fois par m'ois que le
foleil & la lune répondent au même poihtdn ciel, ou
à des points oppofés, l’élévation des eaux (telle qu’on
la trouve même en négligeant l’inertie) ne doit fe
faire pour l’ordinaire ni immédiatement fous la lune,
ni immédiatement fous le foleil, mais dans un point
milieu entre ces points ; ainfi quand la lune va des fy zygies
aux quadratures, c’eft-à-dire lorfqu’elle n’eft
pas encore à 90 degrés du foleil, l’élévation la plus
grande des eaux doit fe faire plus au couchant de la
lune ; c’eft le contraire quand la lune va des quadratures
aux fyzygies. Donc dans le premier cas, le
tems.de la haute mer doit précéder les trois heures lunaires
; car d’un côté l’inertie des eaux donne l’élé*
vation trois heures après le paffage de la lune au méridien
; & d’un autre côté la pofition refpeôive du
foleil & de la lune donne cette élévation avant le
paffage de la lune au méridien. Au contraire, & par
la même raifon, dans lé'fécond ca s, le tems de la
haute marée doit arriver plûtard que les trois heures.
Les différentes marées qui dépendent des aélions
particulières du foleil & de la lune, ne peuvent être
diftinguées les unes des autres, mais elles fe confondent
enfemble. La marée lunaire eft changée tant foit
peu par l’aftion du foleil, & ce changement varie
chaque jour, à caufe de l’inégalité qu’il y a entre le
jour naturel & le jo u r lu n a ire. V o ye^ J o u r .
Comme il arrive quelque retard aux marées par
l’inertie & le balancement des eaux , qui conlèr-
vent quelque tems l’impreffion qu’elles ont reçûe ;
par la même raifop les plus hautes marées n’arrivent
pas précifément dàns la conjonction & dans l’oppofi-
tion’de là lune, mais 'deux ou trois marées après : de
même les plus petites iiiàrées ne doivent arriver
qu’un peu après.les quadratures.
Comme dans l’hy ver le foleil eft un peu plus près
de la terre que dans l’été, oh obferve en général que
les marées au folftice d’hy ver font plus grandes, toutes
chofes d’ailleurs égales,que celles du folftice d’étéi
Voilà l’explication des principaux phénomènes
dùflux.ôc du reflux ; les autres ont befoip du calcul,
ou demandent quelques reftriClioris. C ’eft pgr le calcul
qu’on peut prouver, i° . que l’intervalle d’une
marée à l’autre eft le plus petit dans les fyzygies, &
le plus grand dans les quadratures : .i° . que dans le s
fyzygies l’in te rv a lle des m a rées eft de 24 h. 3 5 mih.
& qu’ainfi lès marées priment de 15 m. fur le mouvement
de la lune: 30. qu’au contraire dans les quadratures
les marées retardent de 3 5 min. fur le mouvement
de la lune ; voyeç l’excellente piece de M.
Daniel Bernoulli, fur le f lu x & reflux de la mer : 40.
que l’intervalle moyen entre deux marées confécu-
tiyes,. lequel intervalle eft de 24 h. 50 min. arrive
beaucoup plus près dès quadratures que des fy zy gies;
ces différentes lois fouffrerit quelque altération
, félon que la lune eft apogée ou périgée. Ib id ,
ck. v j. & v ij. 50. Que les changemens dans la hauteur
dés marées font fort petits, tant aux fyzygies
qu’aux quadratures ; cela doit etre en' effet, car les
marées font les plus grandes aux fyzygies, & les
plus petites aux quadratures : or quand 'des-quantités
paflent par le m axim um ôü par le m in im u m , elles
crbiffent ou décroiffent pbùr l’ordinaire infenfible-
ment avant & après l’inftant où elles paffenf par cet
état. V o yc^ M a x i Û u m & M i n i m z j m . 6 0. Que les
plus grands changemens dans la hauteur des màrées
fe feront plus près des quadratures qüe des fyzygies.
A l’égard des réglés, qu’on'a établies fur les gran-
deis marées des équinoxes, M. Euler dans fes favan-
tés recherches fur te flu x èc reflux de là mer, obier vè