
On ne dit ici rien davantage de cette méthode, parce
qu’il feroit difficile de donner en peu de paroles
une idée alTez claire de cette fuite de dénombre-
mens & d'exclufions, en quoi elleconfifte : ilia faut
voir dans le livre même : d’ailleurs depuis que les
méthodes de l’Algèbre font devenues familières &
ont été perfectionnées, elle n’eft plus d’ufage, 8c ne
peut être que de fimple curiolité. ( O )
EXCOMMUNICATION, f. f. {Hiß. anc.) fépa-
ration de communication ou de commerce avec une
perfonne avec laquelle on en avoit auparavant. En
ce fens, tout homme exclus d’une fociété ou d’un
corps, 8c avec lequel les membres de ce corps n’ont
plus de communication, peut être appellé excommunié;
8c c’étoit une peine ufitée en certains cas parmi
les Payens, & qui etoit infligée par leurs prêtres. On
défenaoit à ceux qu’on excommtuiiou , d’affilier aux
facrifices, d’entrer dans les temples ; on les livroit
aux démons 8c aux Eumenides avec des imprécations
terribles : c’elt ce qu’on appelloit facris inter-
dicere, diris dzvovere, execrari. La prêtreffe Théano,
fille de Menon, fut louée de n’avoir pas voulu dévoiler
Alcibiade aux furies , quoique les Athéniens
l ’euffent ordonné ; & les Eumolpides, qui en ce point
obéirent au peuple, furent très-blâmes, parce qu’on
n’en devoit venir à cette peine qu’aux dernieres extrémités.
Elle paffa chez les Romains, mais avec la
même referve ; 8c nous n’en voyons guere d’exemples
que celui du tribun Afcius, qui n’ayant pu empêcher
Crafliis de porter la guerre chez les Parthes,
courut vers la porte de la ville par laquelle ce général
devoit fortir pour fe mettre à la tête des troupes ;
8c là jettant certaines herbes fur un brafier, il prononça
des imprécations contre Crafliis. La plus ri-
goureufe punition qu’infligeaffent les druides chez les
Gaulois, c’étoit, dit Céfar Uv. VI. d’interdire la communion
de leurs myfteres à ceux qui ne veulent point
acquiefcer à leur jugement. Ceux qui font frappés
«de cette foudre, paflènt pour fcélérats & pour impies
; chacun fuit leur rencontre & leur entretien.
S’ils ont quelqu’affaire, on ne leur fait point juftice,
ils font exclus des charges 8c des dignités, ils meurent
fans honneur & fans crédit. On pouvoit pourtant
, par le repentir 8c après quelques épreuves,
être rétabli dans fon premier état ; cependant li l’on
mouroit fans avoir été réhabilité, les druides ne
laifloient pas d’offrir un facrifice pour l’ame du défunt.
((r)
E x c o m m u n i c a t io n , { T h é o lo g i e .') peine ecclé-
iiaftique par laquelle on fépare 8c prive quelqu’un de
la communication ou du commerce qu’il étoit auparavant
en droit d’avoir avec les membres d’une fociété
religieufe. V o y e ^ C o m m u n io n .
\ ] e x c om m u n i c a t io n , en général, eft une peine fpi-
rituelle fondée en raifon, 8c qui opéré les mêmes effets
dans la fociété religieufe, que »les châtimens infligés
par les lois pénales produifent dans la fociété
civile. Ici les légiflateurs ont fenti qu’il falloir oppo-,
fer au crime un frein puiffant ; que la violence 8c
l’injuftice ne pouvoient être réprimées que par de
fortes barrières ; 8c que dès qu’un citoyen troubloit
plus ou moins l’ordre public, il étoit de l’intérêt 8c
de la fureté de la fociété, qu’on privât le perturbateur
d’une partie des avantages, ou même de tous
les avantages dont il joiiiflbit àl’abrides conventions
qui font le fondement de cette fociété : de-là les peines
pécuniaires ou corporelles, 8c la privation de la
liberté ou de la v ie , félon l’exigence des. forfaits. De
même dans une fociété religieufe, dès qu’un membre
en viole les lois en matière g ra v e, 8c qu’à cette infraction
il ajoûte l’opiniâtreté , les dépofitaires de
l’autorité facrée font en droit de le priver, proportionnellement
au crime qu’il a commis, de quelques-
uns ou de tous les biens lpirituels auxquels il partiei-
poit antérieurement.
C ’eft fur ce principe, également fondé fur le droit
naturel 8c fur le droit pofitif, que Yexcommunication
reffreinte à ce qui regarde la religion, a eu lieu parmi
les Payens 8c chez les Hébreux, 8c qu’elle l’a encore
parmi les Juifs 8c les Chrétiens.
L’excommunication étoit en ufage chez les Grecs
les Romains 8c les Gaulois, comme on l’a vît par l’ar-
ticle^précédent ; mais plus cette punition étoit terrible
; plus les lois exigeoient de prudence pour
l’infliger ; au moins Platon dans fes lois, liv. V I I .
la recommande-t-il aux prêtres 8c aux prêtrefles.
Parmi les anciens Juifs on féparoit de là communion
pour deux caufes, l’impureté légale, 8c le crime.
L’une 8c l’autre excommunication étoit décernée
par les prêtres, qui déclaroient l’homme fouillé d’une
impureté légale > ou coupable d’un crime. Vexcommunication
pour caufe d’impureté ceffoit lorfque
cette caufe ne fubfiffoit plus, 8c que le prêtre décla-
roit qu’elle n’a voit plus lieu. L ’excommunication pour
caufe de crime ne finiffoit que quand le coupable re-
connoiflànt fa faute , fe foûmettoit aux peines qui
lui étoient impofées par les prêtres ou par le fanhé-
drin. Tout ce que nous allons dire roulera fur cette
derniere forte d’excommunication.
On trouve des traces de Yexcommunication dans.
Efdras, liv. I . c. x. y. 8. Un Caraïte cité par Seiden,.
Uv. I . c. vij. de fynedriis, aflure que l'excommunica-,
tion commença à n’être mife en ufage chez les Hébreux
que lorfque la nation eut perdu le droit de v ie
8c de mort fous la domination des princes infidèles.
Bafnage, hiß. des Juifs, liv, V. ch. xviij. art. 2. croit,
que le fanhédrin ayant été établi fous les Machabées,
s’attribua la connoiffance des caufes eccléfiaftiques.
8c la punition des coupables ; que ce fut alors que le
mélange des Juifs avec les nations infidèles , rendit
l’exercice de ce pouvoir plus fréquent, afin d’empêcher
le commerce avec les Payens , 8c l’abandon
du Judaïfme. Mais le plus grand nombre des interprètes
préfume avec fondement que les anciens Hébreux
ont exercé le même pouvoir 8c infligé les mêmes
peines qu’Efdras, puifque les mêmes lois fub-
fiftoient ; qu’il y avoit de tems en tems des tranfgref-
feurs, & par conféquent des punitions établies. D ’ailleurs
ces paroles fx fréquentes dans les Livres faints
écrits avant Efdras, anima quæ fuerit rebellis adverfus
Dominum, peribit, delebitur; (8c félon l’hébreu) ex-
fcindetur de populo fuo , ne s’entendent pas toujours
de la mort naturelle, mais de la féparation du commerce
ou de la communication in facris.
On voit Y excommunication conftamment établie
chez les Juifs au tems de Jefus - Chrift, puifqu’en S.
Jean, ch .jx. v. 22. x ij. v. 42. xvj. v. 2. 8c dans S.
Lu c, chap. vj. v. 22. il avertit fes apôtres qu’on les
chaflera des fynagogues. Cette peine étoit en ufage
parmi les Effeniens. Jofephe parlant d’eux dans fon
hifloire de la guerre des Juifs, Uv. I I . chap. xij. dit
« qu’auffi-tôt qu’ils ont furpris quelqu’un d’entr’eux
» dans une faute confidérable, ils le chaffent de leur
» corps ; 8c que celui qui eft ainfi chaflé , fait fou-
» vent une fin tragique : car comme il eft lié par des,
» fermens 8c des voeux qui l’empêchent de recevoir
» la nourriture des étrangers , 8c qu’il ne peut plus
» avoir de commerce avec ceux dont il eft féparé ,
» il fe voit contraint de fe nourrir d’herbages, com-
» me une bête, jufqu’à ce que fon corps fe corrompe,
» 8c que fes membres tombent 8c fe détachent. Il ar-
» rive quelquefois, ajoûte cet hiftorien, que les Ef-
» féniens voyant ces excommuniés prêts à périr de.
» mifere, fe laiffent toucher de compaffion, lesre-
» tirent 8c les reçoivent dans leur fociété , croyant
» que c’eft pour eux une pénitence affez févere que
» d’avoir été réduits à cette extrémité pour la puni-
» tion de leurs fautes ». Voye^ Esséniens.
Selon les rabbins , Y excommunication confifte dans
« ’privation de quelque droit dont on joiiiflbit auparavant
dans la communion ou dans la fociété dont
on eft membre. Cette peine renferme ou la privation
des chofes faintes, ou celle des chofes communes ,
ou celle des unes 8c des autres tout à-la-fois; elle eft
impofée par une fentence humaine -, pour quelque
faiité oui réelle ou apparente, avec efpérance néanmoins
pour le coupable de rentrer dans l’ufage des
chofes dont cette lèntence l’a privé. Voye^Se Iden,
liv. I . ch. vij. de fynedriis,.
Les Hebreux avoient deux fortes à?excommunications*
Y excommunication majeure, & Yexcommunica*
tion mineure : la première éloignoit l’excommunié de
la fociete de tous les hommes qui compofoient l’Egli-
fe : la fécondé le féparoit feulement d’une partie de
cette fociete ,• c’eft-à-dire de tous ceux de la fynago-
gue ; enforte que perfonne ne pouvoit s’affeoir auprès
de lui plus .près qu’à la diftance de quatre coudées
, excepté fa femme 8c fes enfans. Ilne pouvoit
ctre pris pour compofer le nombre de dix perfonnes
néceflaire pour terminer certaines affaires. L’excommunié
n’étoit compté pour rien, 8c ne pouvoit ni
boire ni manger avec les autres. Ilparoît pourtant
par le talmud, que Y excommunication n’excluoit pas
les excommuniés de la célébration des fêtes., ni de
l ’entrée du temple, ni des autres cérémonies de religion.
Les repas qui fe faifoient dans le temple .aux
fêtes folennelles -, n’étoient pas du nombre de ceux
dont les excommuniés étoient exclus ; le talmud ne
met entr’eux 8c les autres qüe cette dhftinétion, que
les excommuniés n’entroient au temple que par le
côté gauche, 8c fortoient par le côté droit ; au lieu
que les autres entroient par le côté droit, & fortoient
par le côté gauche : mais peut-être cette diftinétion
ne tomboit-elle que fur ceux qui étoient frappés de
Xexcommunication mineure.
1 Quoi qu’il en foit, les do fleurs juifs comptent jufqu’à
vingt-quatre caufes d’excommunication, dont
quelques - unes paroiffent très-legeres, 8c d’autres
ridicules ; telles que de garder chez foi une chofe
nuifible ; telles qu’un chien qui mord les paflans, fa-
crifier fans avoir éprouvé fon couteau en préfence
d’un fage ou d’un maître en Ifraël, &c. Uexcommunication
encourue pour ces caufes, eft précédée par
la cenfure qui fe fait d’abord en fecret ; mais fi celle-
c i n’opere rien, 8c que le coupable ne fe corrige pas,
la maifon du jugement > c’eft-à-dire l’aflemblée des
juges, lui dénonce avec menaces qu’il ait à fe corriger
: on rend enfuite la cenfure publique dans quatre
fabbats, où l’on proclame le nom du coupable 8c
la nature de fa faute ; & s’il demeure incorrigible,
on l’excommunie par une fentence conçue en ces
termes : qu'un tel foit dans la féparation ou dans l'excommunication
, ou qu'un tel foit féparé.
. On fubiffoit la fentence d1'excommunication ou durant
la yeille ou dans le fommeil. Les juges ou l’af-
femblée, ou même les particuliers, avoient droit
d’excommunier,pourvu qu’il y eût une des 24 caufes
dont nous avons parlé , 8c qu’on eût préalablement
averti celui qu’on excommunioit, qu’il eût à fe corriger
; mais dans la réglé ordinaire c’étoit la maifon
du jugement ou la cour de juftice qui portoit la fentence
de Y excommunication folennelle. Un particulier
pouvoit en excommunier un autre ; il pouvoit pareillement
s’excommunier lui-même, comme , par
exemple, ceux dont il eft parlé dans les Jetés, ch.
x x iij.V i 12. 8c dans le fécond livre d? Efdras, ch. x . v. 29. qui s’engagent eux-mêmes, fous peine à'excommunication
, les uns à obferver la loi de Dieu, les
autres à fe faifir de Paul mort ou vif. Les Juifs lan-
çoient quelquefois Yexcommunication conîre les bêtes
, 8c les rabbins enfèignent qu’elle fait fon effet
jufquefurles chiens,
L'excommunication qui arriyoit pendant le fommeil,
etoit lôrîqu’un homme Voyoit en fohge les ju+
ges quipar une fentence juridique l’excommunioient,
ou meme un particulier qui l ’excommuniôit ; alors il
fe tenoit pour véritablement excommunié parce
que, félon les do&eurs, il fe pouvoit faire que Dieu ,
ou par fa volonté, ou par. quelqu’un de fes minif-
tres, 1 eut fait excommunier. Les effets de cette 'excommunication
font tous les mêmes que ceux de
1 excommunication juridique , qui fe fait pendant la
veille-..
Si 1 excommunie frappé d’une excommunication mineure
n obtenoit pas Ion abfolution dans un mois
•apres 1 avoir encourue , on la renouvelloit encore
pour l’efpace d’un mois ; 8c fi après ce terme expiré
il ne cherchoit point à fe faire abfoudre, 'on le foûmettoit
à Y excommunication majeure, 8c alors tout
commerce lui etoit interdit avec les autres ; il ne
pouvoit ni étudier ni enfeignér, ni donner ni prendre
à louage. Il étoit réduit à-peu-près dans l’état de ceux
auxquels les anciens Romains interdifoient l ’eau 8c
le feu. Il pouvoit feulement recevoir fa nourriture
d un petit nombre de perfonnes ; 8c ceux qui avoient
quelque commerce avec lui durant le tems de fon
excommunication , étoient fëûmis aux mêmes peines
ou à la même excommunication, feloh la fentence des
juges. Quelquefois même les biens de l’excommunié
etorent confifqués 8c employés à des ufages facrés ,
par une forte d’ excommunication nommée cherem,
dont nous allons dire un mot. Si quelqu’un mouroit
dans Y ex com m u n ica tion , on ne faifoit point de deuil
pour lui, & l’on marquoit, par ordre de la juftice ,
le lieu de fa fépulture, ou d’une groffe pierre ou d’un
amas de pierres, comme pour lignifier qu’il avoit mérite
d’être lapidé.
Quelques critiques ont diftingué chez les Juifs
trois fortes d’ex communications, exprimées par ces
trois termes, n id u i, cherem, 8c feh am m a ta . Le premier
marque Y ex communication mineure , le fécond
la majeure, 8c le troifieme lignifie une excommunicatio
n au-deffus de la majeure, à la q u e lle o n v e u t qu’ait
été attachée la peine d e mort, & dont petfonhe n©
pouvoit-abfoudre. L3'excommunication n id u i dure 30
jours. Le cherem eft une éfpece de réàggravation de
la première ; il chaffe l’homme de la fynagogue 8c
le prive de tout commerce civil. Enfin 1 e fehammata
fe publie au fon de400 trompettes, 8c ôte toute
efpérance de retour à la fynagogue, On croit que le-
maranatha dont parle S. Paul, eft la même chofe que
le fehammata ; mais Selden prétend que ces trois termes
font fouvent fynonymes , 8c qu’à proprement
parler les Hebreux n’ont jamais eu que deux fortes
d:excommunications, la mineure 8c la majeure.
Les rabbins tirent la maniéré 8c le droit de* leurs
ex communications, de la maniéré dont Débora 8t Ba-
rat maudiffent Meroz, homme qui, félon ces docteurs,
n’affifta pas les Ifraélites. Voici ce qu’on en
lit dans le Liv re des ju g e s , ch. v . v . 2 3 . Maudiffe? Me -
' rol t ^ i’ange du Seigneur : maudiffe^ c eu x qui s 'a f-
fey e ro n t auprès de l u i , parce q u 'ils n e f o n t p a s venus aie
fecou rs du S eigneur avec les fo rts. Les rabbins voyent-
évidemment, à ce qu’ils prétendent, dans ce paffa-
ge y l ° les maledi étions que l’on prononce contre les
excommuniés ; z° celles qui tombent fur les perfonnes
qui s affeyent auprès d’eux plus près qu’à la diftance
de quatre coudées ; 30 la déclaration pubiiqu©
du crinte de l’excommunié, comme on dit dans l e
texte cite, que Meroz n’eft pas venu à la guerre du
Seigneur ; 40 enfin la publication de la fentence à
fon de trompe,comme Barac excommunia, dit-on,
Mcrpz au fon de 400 trompettes : mais toutes ce»
cérémonies font récentes.
Ils croyent encore que le patriarche Hénoch eft
l’auteur de la formule d e la grande excommunication.
dont ils fe fervent encore à-préfent, 8c qu’elle leur