
chite&ure & de Las - reliefs, de niches, de ftatues,
&c.A
ux deux côtés de cet édifice s’élevoient, le long
des parapets du pont-neuf, trente-fix pyramides,
dont dix-huit de quarante pies de haut, & dix-huit
de vingt-fix, qui fe joignoient par de grandes confiées
, 8c qui portoient des vafes fur leur fommet.
Cette décoration, préparée particulièrement pour
l’illumination, accompagnoit le bâtiment du milieu ;
elle étoit du deffein de feu M. Gabriel, premier architecte
du Roi : la première étoit du chevalier Ser-
vandoni.
Décoration de la Riviere, illumination, 8cc.
Dans le milieu du canal que forme la Seine, &
vis-à-vis le Lalcon préparé pour leurs Majeftés,
s’élevoit un temple tranfparent, compofé de huit
portiques en arcades & pilaftres, avec des figures
relatives au fuje't de lafête. Il formoit un fallon à huit
pans, du milieu defquels s’élevoit une colonne tranf-
parente qui avoit le double de la hauteur du portique
, 8c qui étoit terminée par un globe aufli tranfparent,
femé de fleurs-de-lis 8c de tours. Tous les
chaffls de ce temple , qui fembloit confacré à Apollon
, étoient peints, & préfentoient aux yeux mille
divers ornemens : il paroifloit conftruit fur des rochers
, entre lefquels on avoit pratiqué des efcaliers
qui y conduifoient.
Ce fallon difpofé en gradins , & deftiné pour la
mufique, étoit rempli d’un très-grand nombre des
plus habiles fymphoniftes. Le concert commença d’une
maniéré vive 8c bruyante, au moment que le Roi
parut fur fon balcon ; il fe fit entendre tant que dura
la fête, 8c ne fut interrompu que par les acclamations
réitérées du peuple.
Entre le temple êt le pont - neuf étoient quatre
grands bateaux en mônftres marins ; il y en avoit
quatre autres dans la même pofition entre le temple
& le pont-royal, 8c tout-à-coup on joiiit dufpeâa-
cle de divers combats des uns contre les autres. Ces
mônftres vomifloient de leurs gueules & de leurs narines
, des feux étincelans d’un volume prodigieux
8c de diverfes couleùrs : les uns tràçoieht en l’air
des figures fmgulieres ; les autres tombant comme
épuifés dans les eaux , y reprenoient une nouvelle
force , & y formoient des pyramides & des gerbes,
de feu , des foleils, &c.
Une joûte commença la fête. II y avoit deux troupes
de jouteurs, l’une à la droite, 8c l’autre à la
gauche du temple. Chacune étoit compofée de vingt
jouteurs & de trente-fix rameârs. Les maîtres de la
joute étoient dans des bateaux particuliers. Tous les
jouteurs étoient habillés de blanc uniformément, &
à la legere ; leurs vêtemens, leurs bonnets & leurs
jarretières étoient ornés de touffes de rubans de différentes
couleurs , avec des écharpes de taffetas, &c.
Ils joutèrent avec beaucoup d’adreffe, de force 8c
de réfolution, & avec un zele & une ardeur admirables.
La ville récompenfa les deux jouteurs vitto-
rieux par un prix de la valeur de vingt piftoles chacun
, & d’une médaille.
A la première obfcurité de la nuit on vit paroître
l’illumination ; elle embelliffoit les mouvemens de la
multitude, en éclairant les flots de ce peuple innombrable
répandu fur les quais. On joiiiffoit à -la -fois
des lumières qui éclairoient les échafauds, de celles
qui brilloient aux fenêtres , aux balcons, & fur des
terraffes richement & ingénieufement ornées ; ce
qui fe joignant à la variété des couleurs des habits,
& à la parure recherchée & brillante des hommes &
des femmes, dont la clarté des lumières relevoit encore
l’éclat, faifoitun coup-d’oeil & divers points
de perfpeftive dont la vue étoit éblouie 8c féduite.
L’illumination commença par le temple de l’hy- |
men, dont tout l’entablement étoit profilé de lumières
, ainfi que les baluflrades , fur lefquelles s’élé-
voient de grands luftres ou girandoles en ifs dans les
entre-colonnes, formés par plus de cent lumières
chacun. Toute la fuite des pyramides & pilaftres
chantournés , avec leurs pié-d’eflaux réunis par des
confoles, dont on a parlé, élevés fur les parapets du
pont à droite 8c à gauche, étoit couverte d’illuminations
, ainfi que toute la décoration de la terraffe
en faillie, dont les refends 8c les ceintres étoient profilés
, 8c chargés de gros lampions 8c de terrines.
Ce qui répondoit parfaitement à la magnificence
de cette illumination, c’étoit de voir le long des deux
quais, fur le pont-neuf 8c le pont-royal, des luftres
compofés chacun d’environ quatre-vingt groffes lumières
, fufpendus aux mêmes endroits ou l’on met
ordinairement les lanternes de nuit.
Mais voici une illumination toute nouvelle. Quatre
vingts petits bâtimens de différentes formes, dont
la mâture, les vergues, les agrès 8c les cordages
étoient deflinés par de petites lanternes de verre, 8c
mouvantes, au nombre de plus de dix mille, entrèrent
dans le grand canal du côté du pont-neuf ; 8c
après diverfes marches figurées, elles fe diviferent
en quatre quadrilles, & bordèrent les rivages de la
Seine entre le pont-neuf & le pont-royal.
Un même nombre de bateaux de formes fingulie-
res , 8c chargés de divers artifices, fe mêlèrent avec
fymmétrie aux premiers ; le fallon o âogone, tranfparent
, paroifloit comme au centre de cette brillante
& galante fête , & fembloit fortir du fein des feux 8c
des eaux.
#On ne s’apperçut point de la fuite du jour; la nuit
qui lui fuccéda, étoit environnée de la plus brillante
lumière.
Le lignai fut donné , 8c dans le même inftant le
temple de l’hymen, tous les édifices qui bordent des
deux côtés les quais fuperbes qui fervoient de cadre
à ce-fpeâacle éclatant, le pont-royal 8c le pont-
neuf , les échafauds qui étoient élevés pour porter
cette foule de fpe&ateurs, les amphithéâtres qui rem-
plifloient les terreins depuis les bords de la Seine juf-
qu’à fleur des parapets, tout fut illuminé prefqu’au
même moment : on ne vit plus que des torrens de
lumière foûmis à l’art du deffein, 8c formant mille
figures nouvelles , embellies par des contraires, détachées
avec adrefte les unes des autres, ou par les
formes de l’architetture fur lefquelles elles etoient
placées, ou par l’ingénieufe variété des couleurs
dont on avoit eu l’habileté d’embellir les feux divers
de la lumière.
Feu d'artifice.
Le bruit de l’artillerie, le fon éclatant des trompettes
, annoncèrent tout-à-coup un fpeélacle nouveau.
On vit s’élancer dans les airs de chaque côté
du temple de l’hymen , un nombre immenfe de fu-
fées qui partirent douze à douze des huit tourelles du
pont-neuf ; cent quatre-vingts pots à aigrette 8c plu-
fieurs gerbes de feu leur fuccéderent. Dans le même
tems on vit briller une fuite de gerbes fur la tablette
de la corniche du pont ; & le grand foleil fixe de
foixante pies de diamètre, parut dans toute fa fplen-
deur au milieu de l’entablement. Directement au-
deffous on avoit placé un grand chiffre d’illumination
de couleurs différentes, imitant l’éclat des pierreries,
lequel , avec la couronne dont il étoit fur-
monté , avoit trente pies de haut ; 8c aux côtés, vis-
à-vis les entre-colonnes du temple, ôn voyoit deux
autres chiffres d’artifice de dix piés de haut, formant
les noms des illuftres époux, en feu b leu, qui con-
traftoit avec les feux différens dont ils étoient entourés.
' ;
On avoit placé fur les deux trotoirs du pqpt-neuf,'
à rîa droite St à S gauche du temple, au-delà-del’H'-
luminâticjn desjpyramides, deux cents Chiffes de fu-
fées de cinq à fix douzaines chacune. Oes caiffes tirées
cinq à la fois, fuccéderent à celles qu’on avoit
vit partir des tourelles, àcommencerde chaque côté;
depuis les premières, auprès du temple, & fuccef-
fivement jufqii’aux extrémités à droite 8c à gauche.
Alors les cafcadesou nappes de feu rouge fortirent
des cinq arcades de l’éperon du pont-neuf ; elles fèm-
bloient percer rilluminàtion dont les trois -façades
étoient revêtues, & dont les yeux poüvoient à peine
foûtènir l’éclat. Dans le même tems un combat de
plufieurs dragons commença fur la Seine, & le feù
d’eau Couvrit prèfque toute la furface de la riviere.
Au combat dès dragons fuccéderent les artifices
dont les huit bateaux dé lumières étoient charges.
Au même endroit, dans un ordre différent, étoient
trente-fix cafeades ou fontaines d’artifice d’environ
trente piés de haut, dans de petits bateaux, mais qui
paroiffoient fortir de la riviere.
Ce fpe&acle des cafeades, dont le fignal avoit été
donné par un foleil tournant, avoit ete précédé d uh
berceau d’étoiles produit par cent foixante pots à
aigrettes, placés au bas de la terraffe de l’éperon.
Quatre grands bateaux fervant de mâgafin à l’artifice
d’eau , étoient amarrés près des arches du pont-
neuf, au courant de la riviere, 8c quatre autres pareils
du côté du pont-royal. L’artifice qu’on tiroit de
ces bateaux , confiftôit dans un grand nombre de
gros & petits barrils chargés de gerbes & de pots ; qui
rempliffoiént l’air de ferpenteaux ; d’étoiles 8c de
genouillieres. Il y avpit aufli un nombre confidéra-
blé de gerbes à jetter à la main, 8c de foleils tournant
fur l’eau. .
La fin des cafeades fut le fighâl de la grande grande
fur l’attique du temple, qui étoit compofée de
près de fix mille fuféës. On y mit le feu parles deux
extrémités au même inftant ; & aU moment qu’elle
parut, les deux petites girandes d’accompagnement,
placées fur le milieu des trotoirs’ du pont-neuf, de
chaqûè côté ; compofées chacune d’environ cinq
cents ftifées, partirent, & une derniere falve de ca-
nôn termina cette magnifique fêta ‘
Toiit l’artificé étoit de la compofition de M. Elrie,
faxôn, capitaine d’Artillerie dans les troupes du roi
de Prufle. , .
• Le lendemain, 30. Août, M. Turgot voulut encore
donner un nouveau témoignage de zele au R o i,
à madame Infante, & à la famille royale. II étoit un
de ces hommes-fatèS qui ont l’art de rajeunir les objets
; ils les mettent dans un jour dont on ne s’étoit
pas avifé avant eu x, ils ne font plus reconnoiffables,.
Telle fttt la magie dont fe fervit alors feu M. Turgot.
Il trouva iéfècret de donner un bal magnifique
qui amufa la Cour & Paris toute la nuit, datif le
local le moins dîfpôte peut-être pour une pareille
entreprife. M. le maréchal de Richelieu parut en
,74«. avoir hérité du fecret de ce riiagiftrat célébré;
V o y e ^ F ê t e s d e l a C o u r d é F r a n c e .
Bal de la ville de Paris., donné dans fon hôtel
la tiuit du 3 o Août
Trois grandes faites dans tefquelles on danfa,
âvoîerit été préparées avec lé plus dè foin, & dé-,
corées aveC alitant d>adrefle que d élégance. L archi-
t.eaure noble de la première, qu’On avoit placée
dâns la cour, étoit compofée d’arcades & d une double
colonnade à deux etageS , qui contribuoient à
ringénieufe & fiche décoration do’rtt cette faite fut
Orneé. Polir là rendre pliis magnifique & plus brillante
par la variété des couieUrs, toute l’àrchiteaiire
fut peinte èti iharBrè de différèhtes efpeees ; on y
préféra ccns doVit les couleurs étbient les plus vives,
les mieux aflbrtieS ', & les plus éorivenables à la
clarté des lumières & aux divers ornemens de relief
rehaufles d’or, qui repréfentoient les fujets tes plus
agréables de la fable, embellis encore par des pofi-
tions 8c des attributs relatifs à l’objet de la fête.
• Au fond de cette cour changée en faite de b al, on
avoit conftruit un magnifique balcon en amphithéâtre
, qui étoit rempli d’un grand nombre de fymphoniftes.
L’intérieur de toutes ces arcades étoit en gradins,
couverts de tapis en forme de loges, d’tine
très-belle difpofxtion, & d’une grande commodité
pour, les mafques, auxquels on pou voit fervir des
rafraîchifîemenspar les derrières. Elle étoit couverte
d’un plafond de niveau, & éclairée d’un très-grand
nombre de luftres , de girandoles & de bras à plufieurs
branches, dont l’ordonnance déceloit le goût
exquis qui ordonnoit tous ces arrangemens.
La grande falle de l’hôtel-de-ville, qui s’étend fur
toute la façade, fervoit de féconde falle ; elle étoit
décorée de damas jaune, enrichi.de fleurs en argent :
on y avoit éle vé un grand amphithéâtre pour là fÿm-
phonie. Les embrafures & les croifées étoient difpo-*
fées en eftradés & en gradins ; & la falle étoit éclairée
par un grand nombre dè bougies.
La troifieme falle étoit difpofee dans celle qu’on
nomme des gouverneurs ; on l’avoit décorée d’étôffè
bleue, ornée de galons & gaze d’oir, ainfi que l’am-
phithéatre pour la fymphortie : elle étoit éclairéé
par une infinité de lumières placées avec art.
On voyoit par les croifées de ces deux faites ;
tout ce qui fe paflbit dans la première : c’étoit une
perfpeftive ingénieufe qu’on avoit ménagée pôüf
multiplier tes plaifirs. On cOmmuniquoit d’une faite
à l’autre par un grand appartement éclairé avec un
art extrême.
Auprès de Ces trois faites on àvoit drefle des buffets
décorés avec beaucotip d’art , & munis de
toutes fortes de rafraîchiftemens, qui furent offerts
& diftribüés aVec autant d’ordre & d’abondance que
de politeïié.
On compte qüé le concbiif's dès mafques a monté
à plus dé- ï zcfoo depuis les huit heîires du foir, que
1e bal commença, jufqii’à hfiit heures du matin. Tou-
te cette fête fe pâfl'a avec tout l’amufement, l’ordre
& la tranqüillité qu’on poûvoit defirer, & avec une
fatisfaftion ôC-un applaudiflement général.
Les ordres avoient été fi bien donnés, que rien de
ce qu’on auroit pu defirer n’y avoit été oublié. Les
précautions avoient été portées jufqu’à l’extrèmè ,
, & tous tes accidens quelconques avoient dans dés
endroits feefets, tes remedès, lès fecours, les expé-
diens qui peuvent les prévenir ou tes réparer. La
place de Greve & toutes les avenues furent toujours
libres, enforte qu’on abordoit à l’hôtel-de-ville commodément,
fans accidens & fans tumulte. Des fal-
lots fur dés poteaux, éclaifoient la place & 1e port
de la G reve ; jufque vers 1e Pont-Marie , oti l’on
avoit foin de faire défiler & ranger les carrofles ; il y
avoit des barrières fur le rivage , pour prévenir les
accidens.
Toutes tes difpofitions de cette, grande fête ont
été confervées dans leur état parfait pendant huit
jours ; pour donner au peuple la liberté de les voir.
Les grands effets que produifit cette-merveilleufe
fête, fur plus dé 600000 fpeôateurs-, font reftés gra-
vés pouf jàmais dans 1e fonvenir de toiis lesFrançois.
. Aufli 1e nom desTurgots fera-t-il toujours cher à une
nation fenfible à la gloire; 8c qui mérite plus qu’une
' autre de vbif éclore dans fon fein tes grandes idées
! des hommes, Il l u m in a t io n , Fe u d’A r t i f
i c e ; ÔCC: ' ^ ' JV*:, , • t '
Il y a eü depuis des oecafions: multipliées, ou la
ville de Paris a fait éclater fon- zèle & fa magnificence
; ainfi la convalefcenee du plus chéri de nos
Rois,fon retour de Metz {vOfe( Fe s t in s R o y a u x )^