
848 F L E guère plus heureufe dans les moyens imaginés juf-
qu’à ce jour pour conferver aux fleurs une partie
de leur beauté. Elles fe gâtent tellement par la maniéré
ordinaire de les lécher, qu’elles quittent non-
feulement leurs premières couleurs , mais les changent
même, & fe flétriffent au point de perdre' leur
Forme & leur état naturel : la prime-rofe 8c la primevère
ne quittent pas feulement leur jaune, mais
acquièrent un verd foncé. Toutes les violettes perdent
leur beau bleu, 8c deviennent d’un blanc pale ;
de forte que dans les herbiers fecs, il n’y a point de
différence entre les violettes à fleurs bleues 8f les violettes
à fleurs blanches.
Le chevalier Robert Southwell a bien voulu communiquer
au public la meilleure méthode que je con-
noiffe pour conferver les fleurs dans leur état natu-
tel & dans leurs propres couleurs : voici cette méthode.
On préparera deux plaques de fer longues de
huit à dix pouces, ou davantage, larges à proportion
, 8c d’une épaiffeur fuffifante pour n’être pas
pliées : on percera ces plaques de fer à chaque coin ,
pour y mettre des écrous ou vis qui puiffent les tenir
ferrées l’une contre l’autre à volonté. L’on cueillera
fur le midi d’un jour bien fec la fleur qu’on voudra
conferver ; l’on couchera cette fleur fur une feuille
de papier pliée par la moitié, en étendant délicatement
toutes les feuilles 8c les pétales : fi la queue
de la fleur eft trop épaiffe, on l’amincira, afin qu’elle
puiffe être applatie ; enfuite on poferaquelques
feuilles de papier deffus & deffous la fleur. On mettra
par-deffus le tout l’une des deux plaques de fer,
fans rien déranger ; on en ferrera les écrous ; l’on
portera les plaques ainfi ferrées dans un four qui
ne foit pas trop chaud, & on les y laiffera pendant
deux heures. Quand les fleurs font groffes 8c épaif-
fe s , il faut couper adroitement les derrières inutiles
, 8c difpofer les pétales dans leur ordre naturel.
Après avoir retiré vos plaques du four, faites un
mélange de parties égales d’eau-forte 8c d’eau-de-
vie ; ôtez vos fleurs de la preffe des plaques, 8c fro-
tez-les legerement avec un pinceau de poil de chameau
trempé dans la liqueur dont on vient de par^
1er : enfuite preffez délicatement vos fleurs avec un
linge, pour en boire toute l’humidité : après cela ,
ayez en main une eau gommeufe compofee d’un gros
de fang-de-dragon diffous dans une pinte d’eau ;
trempez un fin pinceau dans cette eau gommeufe ;
frotez-en toute vo tre fleur, 8c couvrez-la de papier:
enfin mettez-la de nouveaufous preffe entre vos deux
plaques, pour fixer votre eau gommeufe. Au bout de
quelque tcms, tirez votre fleur de la preffe, 8c toute
l’opération eft finie.
tuteurs. On peut confulter fur la ftru&ure des
fleur s, le Difcours de Vaillant, imprimé àLeyden en
1718 in-40.
Morlandi obfervationes de uflu partibufque florum ,
dont j’ai lû l’extrait dans le Journal de Leipfic, année
iyo5. Janv.pag. z j 5 . Voye£ aulïi Grew, Malpighi,
& Ray. Mais ceux qui par curiofité & par amour
pour la Botanique, les Arts, & leDeffein, veulent
fe former une belle bibliothèque en ce genre, doivent
connoître ou fe procurer les livres fuivans,
que je vais ranger par ordre alphabétique.
Boym (Michaël) , jéfuite, Florafinenfis; Vienna-
A u flr ia , / 656, in-fol.
Bry (Joh. Théod. de) , Florilegium renovatum ,
pars I . Francof. anno 1612. I I . anno 1614. I I I . anno
r5 1 8 , fo l. avec figures. Le même ouvrage a paru
fous le nomdeAnthologia magna; Francof 16 26 &
1 6 4 1 , quatre tom. ordinairement reliés en un vol.
Befleri ( Bafilii ) Hortus Eyftettenfis ; Norimbergæ ,
1613 , deux vol. in-fol. char ta imp. fig.
Dillenii (Joh. Jac.) Hortus Elthamenfis ; Lond.
1 72 2 . fo l, mag% tab. anea 3 2 4 .
F L E Ferrari (Giô. Batt.) Flora overo ctdtüra di fiàri ;
R om a ,i6 g jjin -4 ° . & 16 38. Ceft le même ouvrage
\\\t\t\Ai y FerrariuSydeflorum culturâ, imprimé à Amft.
en 16468c 1664. 02-4°. avec fig*
Hortus Malabaricus ; Amjlelod. ab anno i6 y 8 ad
annum.i603 »douze tomes in-fol. avec fig.
Laurembergius (Petrus) de plantis bulbqjis & tube-
refis ; Francof. 16 54 . in-40. avec figures.
Lihncei (Car o h ) Hortus Clijfortianus ; Amflelodami,
<7 3 7 , in-fol''H - • . . . a
Munting (Abraham) Phytographia curiofa ; Amft.
iy i 1 , in-fol. avec fig.
Paflaus (Grifpian), Hortus floridus ; Arhhemii ■,
1614 f in-4°. oblong ; & à Utrecht, fous le' titre de
Jardin de fleurs, par Crifpian de la Paffe.
Parkinfon (John. ) , A choice garden o f a il forts ô f
rareflflowers, 8cc. Lond. r6 5 6 . in f o l . avec fig.
Pontedera (Julii) Anthologia ; Pdtavii, t j 2 o , iri-
4°.cumfig. r
Recueil de plantes orientales, occidentales, v autres,
au nombre de zyo planches gravées par Robert,
Châtillon, 8c Boffe ; ce recueil de fleurs eft très-rare
8c d’un très- grand prix.
Roffi ( Giovanus Domenicus ) , Nuova ricoltd di
fiori cavati di naturale; in Roma, 1 6 4 6 , f o l .
Sloane (Hans). Voye^fon Voyage à la Jamaïque ,
en anglois; London, ly o y & 1 y 26 , fig.
Swertius (Emmanuel), Florilegium ; Francof 1612.
Amjlelod. 1647. in f o l . imp. Antuerp. i 6 5 i & i 6 5 y ,
f o l . avec figures qui font d’une grande beauté.
Theatrum Flora , in quo ex toto orbe venufliores f lo res
ari incifi proferuntur; Paris 1622 , che{ de Ma-
thonniere , in f o l . On attribue ce recueil à Robert.
ToulouJ'e (Guillaume), maître brodeur de Montpellier
, .Livre de fleurs , feuilles, & oifeaux, inventé &
deflinéd'apres le naturel ; à Montpellier, 16 5 6 , fo l. fig.
Anonymes. Flower-garden difplayd' in above 400
curious reprefentations o f the mofl beautifulflowers, cd-
lo u rd to the life ; London , i y j 5 , fo l.
J . H . Recueil de diverfes fleurs mifes au jo u r ; Paris,
i 6 5 g , in fo l. Ar t. deM. lt Chevalier d e J a u COURT.
F l e u r , (Agricult.) Les Jardiniers-FIeuriftes ref-
traignent le mot de fleur à quelques plantes qu’ils
cultivent à caufe de la beauté de leurs fleur s, & qui
fervent d’ornement 8c de décoration aux jardins ; tels
font les oeillets,les tulipes,les renoncules, les anémones
, les tubéreufes, &c. ce qu’il y a de fingulier,
c’eft que nous n’avons point de belles fleurs , excepté
les oeillets, qui originairement ne viennent du
Levant. Les renoncules, les anémones,les tubéreufes,
plufieurs efpeces d’hyacinthes, de narciffes, de
lys, en font auiîî venues ; mais on les a reftifiées en
Europe par le fecours d’un art éclairé. Il ne faut
plus aller à Conftantinople pour admirer ces fleurs ;
c’eft dans les jardins de nos curieux qu’il faut voir
leur étalage fucceffif, & en apprendre la culture.
Les fleurs ont des graines qui produifent des tiges ;
& ces tiges fortent ou de racines ou d’oignons : aim
ft on peut diftinguer de deux fortes de fleurs ; celles
qui viennent de racines, & celles qui viennent d’oignons
: mais toutes ces fleurs peuvent fe multiplier
par des cayeux, par des boutures, par des tailles, 8c
par des marcottes. Il feroit trop long de faire venir
de toutes les fleurs par le moyen de leurs graines ; il
eft d’autres moyens dont nous parlerons : cependant
comme il y a quelques fleurs qu’il faut élever de graines
, nous commencerons par en indiquer la maniéré.
De toutes les graines qui paffent l’hyver, il y eh
a qu’on peut femer fur des couches, pour être replanté
es en d’autres lieux, 8c les autres ne fe replantent
que difficilement, ou point-du-tout. Les Jardiniers
ordinaires fement toutes les graines des fleurs
en quatre tems ; favoir, en Février , en Mars, en
F L E
Avril, & en Mai ; mais on en peut femer pendant
toute l’année.
On fait une couche dé bon fumier ; on met deffus
un demi-pié de vieux terreau bien pourri : au bout de
huit ou dix jours que la couche fera faite, lorfque la
plus grande chaleur en fera paffée, on femera toiù
tes les graines, chaque forte dans fon rayon ; on les
couvrira de terreau, dé l’epaiffeur de deux travers
de doigt; ôn les arrofera avec un petit arrofoif, &
une fqis tous les jours, s’il fait fec'. Quand elles feront
grandes , on peut prendre un grand àrr'ôfoir ;
& li elles fe découvrent, on doit les recouvrir avec
un peu de terreau. Il né faut pas manquer de les couvrir
tous les foirs, de crainte de la gelée blanche.
Les couvertures ne doivent pas poferfur la couche ;
on les élevera, ou on les mettra en dos d’âne fur des
cerceaux ; & toïit le tour de la couche fera bien bouché,
pour que la gelée n’y entre point. On découvre
.cesfleursfemées de graines, quand le foleil eft fur la
couche, & on les recouvre le foir, quand le folèil eft
retiré. S’il ne geloit point , on pourroit les laiffer à
l ’air;ma'is On y doit prendre garde, parce qué deux
heures de gelée peuvent tout perdre.
Quand ces fleursfont de la hauteur néceffaire pour
les replanter, on les replante dans les parterres, partout
où on le juge à propos, pourvû que la terre foit
bonne & bien labourée. On leur redonnera de l’eau
iitôt qu’elles feront replantées, & on continuera toujours
, fi la terre eft feche, & qu’il ne pleuve point ;
mais il ne faut rien arracher dans les rayons des couches,
que les plantes ne foient grandes , de peur de
les arracher pour de l’herbe ; car elles viennent de
même.
On plante les oignons des fleurs depuis le commencement
de Septembre jufqu’à la fin d’Avril, c’eft-à-
dire deux fois l’année, en automne & au printems :
foit qu’on plante en pots ou en planche , il faut la
même terre & la même façon à l’un qu’à l’autre. On
prend un quart de bonne terre neuve, un quart de
.vieux terreau, & un quart de bonne terre de jardin ;
on paffe le tout à la claie : on fait enforte qu’il y ait
«n pié de cette terré fur la planche ; on y planté les
oignons, ou on en remplit les pots. Les oignons fe
plantent à la profondeur d’un demi-pié en terre. Les
pots ,qui doivent être creux & grands, font mis en
pleine terre jufqu’aux bords ; & on ne les en retire
que quand ils font prêts à fleurir. S’il rie gèle point,
& que la terre foit feche, on leur donne un peu
d’eau : s’il geloit bien fort, on mettroit quatre doigts :
d’épaiffeur de bon terreau fur les planches, &otï les
couvriroit ; on mettroit des cerceaux deffus pour
foûtenir les paillaffons, qu’on ôteroit quand le foleil
feroit fur les planches , & qu’on reméttroit quand
il n’y feroit plus. S’il fait fec au printems, il faut ar-
rofer les oigrions de fleurs.
Pour faire croître extrêmement une f le u r , on l’ar-
rofe quelquefois de lexive faite avec des cendres de
plantesfemblables,que l’on a brûlées: lesfelsquife
trouvent dans cette lexive , contribuent merveilieu-
fement à donner abondamment ce qui eft néceffaire
à la végétation des plantes, fur-tout à celles avec
lefquelles ces fels ont de l’analogie.
L es fleurs qui ne viennent qu’au printems & dans
l ’été paroîtront dès l’hyver, dans des ferres, ou en
les excitant doucement par des alimens gras, chauds,
& fubtils, tels que font le marc de railins, dont on
aura retranché toutes les petites peaux, le marc d’olives,
& le fumier de cheval. Les eaux de baffe-cour
contribuent auffi beaucoup à hâter la floraifon : mais
nous en dirons davantage au mot O i g n o n d e
F l e u r s ou P l a n t e b u l b e u s e .
L’intérêt & la curiofité ont fait trouver les moyens
de panacher & de chamarrer de diverfes couleurs I
les fleurs des jardins, comme de faire des rofes ver- J
F L E 849
tes, jaunes, bleues •,& de donner en très-peu detems
deux ou trois coloris à un oeilier, outre ion teint naturel.
On pulvérife , par exemple , pour cela de la
terre graffe cuite au foleil ; on l’arrole enfuite l’efpa-
ce dé vingt jours d’une eau rouge, jaune, ou d’une
autre teinture, après qu’on a femé dans cette terre
graffe la graine dé la f l e u r , d’une couleur contraire à
cet arrofement artificiel.
Il y en a qui ont femé & greffé des oeillets dans le
coeur d’uriè ancienne racine de chicorée fauvage ,
qui l’ont relie etroitement , & qui l’ont environné
d’itn fumier bien pourri ; & par les grands foins du
fléurifie, on a vû fortir un oeillet bleu , auffi beau
qu’il ét'oit rare. D ’autreS ont enfermé dans une petite
canne, bien déliée & frêle, trois ou quatre graines
d’une autre f l e u r , & c Font recouverte de terre 8c
de bon fumier. Ges femences de diverfes tiges ne
faifant qu’une feule racine, ont enfuite produit des
branches admirables pour la diverfité 8c la variété
des f l e u r s . Enfin quelques fleuriftes ont appliqué fur
une tige divers écuflons d’oeillets différens, qui ont
pouffé des f l e u r s de leur couleur naturelle, 8c qui ont
charmé par la diverfité de leurs couleurs.
Il ÿ a beaucoup d’autres fecrets pour donner de
nouvelles couleurs aux f l e u r s , que les Fleuriftes
j garderit pour eux.
Ge font les plantes des f l e u r s les plus vigoureufes ,
que l’on réferve pour la graine , 8c l’on coupe les
autres. Quand cette graine qu’on conferve eft mûre,
on la recueille foigneufement, 8c on la garde pour
la p l a n t e r e n a u t o m n e : o n excepte de cette réglé les
graines de giroflées 8c d’anémones, qu’il faut femer
prefque auffitôt qu’on les a cueillies. Pour connoître
les graines, on les met dans l’eau ; celles qui vont
a^ f ° nd font les meilleures ; 8c pour les empêcher
d’être mangées par les animaux qui vivent en terre,
on les trempe dans une infüfion de joubarbe ; 6c
après cette infüfion, on les femedans de bonne terre
, comme on l’a dit ci-deffus.
Pour les oignons qui viennent de graines , ils ne
fe tranfplantent qu’après deux années, au bout desquelles
on les inet dans une terre neuve 8c iegere,
pour leur faire avoir dés f l e u r s à la troifieme année.
Il nous refte à dire que pour garantir l e s f l e u r s dit
froid pendant l’hy v e r , il faut lés mettre à couvert,
mais dans un endroit aifé ; 8c dans l^été, il faut les
défendre de la chaleur, en les retirant dans un endroit
où le foleil ne foit pas ardent.
Pendant l’hyver, les f l e u r s ne demandent pas d’être
hume&ées d’une grande quantité d’eau ;il les faut
arrofer médiocrement, zo u 3 heures après le lever
du foleil, 8c jamais le foir, parce que la fraîcheur de
la terre 8c la g e l é e l é s feroient infailliblement mourir
; & quand on lesarrolè dans cette faifon ,on doit
prendre garde de ne les pas mouiller ; il faut feulement
mettre de l’eau tout-à-l’entour. Au contraire
dans l’été , il les faut arrofer le foir, après le foleil
couché, 8c jamais le matin, parce que la chaleur du
jour échaufferoit l’eau ; 8c cette eau échauffée brût
Ieroit tellement la terre, que les f l e u r s tomberoien-
dans une langueur qui les feroit flétrir 8 c fécher.
Les f le u r s qui viennent au printems, 8c qui ornent
les jardins dans le mois de Mars, d’Avril, 8c Mai ,
font les tulipes hâtives de toute forte, les anémones
fimples 8c doubles à peluches, les renoncules de
Tripoli, les jonquilles fimples 8c doubles , les jacinthes
de toutes fortes, les baffinets ou boutons
d’o r , l’iris , les narciffes , la couronne impériale ,
l’oreille d’ours, les giroflées, les violettes de Mars,
le muguet, les marguerites ou paquettes, les primevères
ou paralyfes, les penfées, & c .
Celles qui viennent en été;, c’eft-à-dire en Juin ,
Juillet , 8c Août, font les tulipes tardives, les lis
blancs, Iis orangés pu Iis-flammes, les tubereufes,