
654 FEU bans les plus voifins ; une médiocre attention fuffit,
pour découvrir à l’oeil cette communication ; elle
forme fur les deux côtés de la feuille, une efpece
de réfeau qu’on ne fe laffe point d’admirer , lorj-
qu’ii eft devenu plus fenlible par une longue tnace-
ration, ou que de petits infeftes ont confume la fub-
flance délicate qui en rempliffoit les moelles ;
mais cette correfpondance réciproque jufqu où s e-
tend-elle ? Les feuilles fe tranfinettent-elles mutuellement
lesfucs qü’èlles ont pompés ?
Il eft bien prouvé que les plantes tirent leur humidité
par leurs feuilles ; il ne l’eft pas moins , qu il
y a une étroite communication entre ces feuilles,
6c que cette communication s’étend à tout le eoips
de la plante. Ainfi on peut dire que les végétaux
font plantés dans l’air , a peu près comme ils le font
dans la terre. Les feuilles font aux branches , ce que
le chevelu eft aux racinés. L’air eft un terrain fertile
, où les feuilles puifent abondamment des nourritures
de toute efpece. La nature a donné beaucoup
de furface à ces racines aeriennes, afin de les
mettre en état de raffembler plus de vapeurs & d’ex-
halaifons : les poils dont elle lésa pourvues, arrêtent
ces fucs ; de petits tuyaux , toujours ouverts , les
reçoivent ,6c les tranfmettent à l’intérieur. On peut
même douter fi les poils ne font pas eux-mêmes des
efpeees de fuçeirs.
Dansles feuilles des herbes-, les deux furfaces ont
une difpofition à-peu-près égale à pomper 1 humidité
1 au lieu que dans les feuilles des arbres , la fur-
face inférieure eft ordinairement plus propre à çette
fonttion que la furface fupérieure : la raifon de ces
différences vient vraiflemblablement de la nature
^ Les bulles qui s’élèvent en fi grand nombre fur
les feuilles qu’on tient plongées dans 1 eau, prouvent
que l’air adhéré fortement à ces parties de la plante
; on peut eh inférer que les feuilles ne fervent pas
feulement à pomper l’humidite , mais qu elles font
encore deftinées à introduire dans le corps des v égétaux
beaucoup d’air frais & élaftique.
Les expériences de M. Haies démontrent que les
feuilles font le principal agent de l’afeenfion de la
fève , & de fa tranfpiration hors de la plante. Mais
la furface fupérieure étant la plus expofée à taftion
du foleil 6c de l’air ( caufes premières de ces deux
effets ) , on pourroit inférer que cette furface eft
celle, qui doit avoir ici le plus-d’influence : elle eft
d’ailleurs très-propre par fon extrême poli ,à faciliter
le départ du fuc ; il ne fe trouve ordinairement
ni poils , ni afpérités qui puiffent le retenir & l’empêcher
de céder à l’impreflion de. l’air qui tend à 1e détacher. Ainfi le principal ufagè de la furface fupérieure
des feuilles confifte peut-être à fervir de;
défenfe ou d’abri à la furface inférieure , à ’ fournir
unfiltre plus fin, qui ne laiffepaffer que les matières ,
les pliislmbtiles.
Dès- que les feuilles fervent à là fois à élever le fuc
nourricier & à en augmenter la maffe, nous avons-
un moyen très-fimple d’augmenter oit de diminuer'
la force d’une branche dans un. arbre fruitier S
nous l'augmenterons en làiffant à cette branché
toutês'fes feuilles ; nous le diminuerons par le pro*
cédé contraire'. Nous comprendrons par le mêmé^
moyen , que lé vrai tems. d’effeuiller n’eft pasl-ée-
lui où le fruit eft dans fon plein accroiffément ; il a
befoin alors de toutes fës; racines : les jeuilles qui
Fenvirohrientimmédiatement j font fes racines.;i-
Si l ’o n d é p o u i l l e u n e p l a n t e d e t o u t e s f e s feuilles1
à m e f u r e q u ’ é l f è s p a r o i f l e n t , c e t t e p l a n t e p é r i r a . 1
L ’h e r b é c ô ï n m u n e d e n o s p r a i r i e s & c e l l e d é h ô s p â turâmes
, ' f e m b l e d ’ a b o r d u n e e x c e p t i o n à c e t t e r é g l é
g é n é r a l e ' ; ;m a ’i s i l - f a u t c o n f i d é r e r , q u e q u o iq u e nOS-
b è f t i a ù x , m a n g e n t l é s feuilles 'à m e f u r e q u ’ e l le s erôifi
F E U
fent , néanmoins ils n’emportent qu’une très - petite
partie de la feuille qui s’élève pour lors en tige.
D ’ailleurs il y a une fucceflion confiante de nouvelles
feuilles, qui pouffent à la place des vieilles,
& comme elles font enfoncées en terre , & très-
courtes , elles fuppléent à celles qui ont été dévorées.
D e plus, il eft certain que l’on fait tort au fain-
foin , aux luzernes , aux trèfles , quand on les fait
paître de trop près par les beftiaux. Quoique la racine
v ivace du fainfoin, le faffe pouffer plufieurs années
, la récolte de cette denrée, qui eft un objet de
conféquence, eft fouvent détruite de bonne heure,
lorfqu’on fouffre que le bétail s’en nourriffe à dif-
crétion. On ne peut donc approuver la pratique des
fermiers, qui mettent leurs troupeaux fur leurs blés
quand ils les trouvent trop forts.
Perfonne n’ignore que plufieurs efpeees de plantes
ont pour leur confervation des feuilles printan-
nieres , 6c des feuilles automnales. Ces dernietes
rendent un fervice infini à quelques arbres, par
exemple, au mûrier, & lui fauvent la v ie quand toutes
les feuilles printannieres ont été mangées par les
vers à foie.
Il eft des fe u ille s dont les principales fondions
font moins de pomper l’humidité, 6c d’aider à l’évaporation
des humeurs fuperflues , que de préparer
le fuc nourricier, 6c de fournir peut-être de leur
propre fubftance , une nourriture convenable à la
petite tige qu’elles renferment ; la pomme du chou
en eft un exemple extrêmement remarquable : concluons
que 1 qs f e u i l le s , de quelque façon qu’on les
confidere , fourniffent aux plantes de tels avantages
, que leur vie dépend de leurs fe u ille s , de maniéré
ou d’autre. Ainfi l’étroite, communication qui
eft entre les parties d’un aébre, & fur-tout entre les
fe u ille s 6c les branches , doit rendre très-attentif à
l’état des fe u ille s ; 6c s’il leur furvient quelquefois
des maladies qu’elles communiquent aux branches,
on en préviendra l’effet en retranchant les f e u ille s
altérées ou mal-faines.
On ne peut douter de la vérité des expériences
d’Agricola fur la multiplication des plantes par leurs
fe u ille s ; M. Bonnet a répété ces expériences avec
un fuccès égal, fur-tout dans les plantes herbacées.-
Voye^ fon excellent ouvrage cité ci-deffus.
La dire&ion des feuilles, zü. un autre objet qui mérite
notre confidération. M. Linnæus parle d e là direction
des feuilles comme d’un, cara&ere, mais elle,
n’eft qu’umpur accident. On a beaucoup admiré le
; retournement de la radicule dans les graines femées:
! à- contre-fens ; on n’a.pas moins admiré le mouvement
des racines qui fuit-c.eux •d’une éponge im->
, bibée d’eau. Les feuilles fi. femblables aux racines
dans une de leurs principales fondions, leur reffem-
i bleroient-elles encore par la finguliere propriété de;
. fe retourner, ou de changer de direction ? M. Bonnet
s’eft affûré de la vérité de cette conjeûure par di-
verfes expériences très-curieufes. Toutes chofes éga;
; les , les jeunes feuilles te retournent plus prompte-
. meiit que; les vieilles, celles des herbes, que celles.
; dès arbres ; & ce retournement eft plus prompt-dans
; im-tems chaud &c- ferain, que dans un tems froid 6c
: pluvieux.
Les feqilles qui ont fûbi'plufieurs inverfions, pa-
roiffent s’amincir ; leurfurfaçe inférieure fe deffe-r
; che , 6c femble s’écailler. Le Soleil par fon adion
fur la furface fiipérieure des,, feuilles, change-fi>u-
. vent leur diredion, &C les détermine à;fe tourner de
: fon côté ; il fêhd’ encore la, furface fupérieure des
I; feuilles concave en maniéré d>’entonnoir ou de goût-
: tiere, dont là'profondeur varie fiiivant l’efpece ou.
le degré de chaleur; la.- rofée produit un effet con-i
• traire.
Quoique le retournement des feuilles s’exécute fur.
F E U
le pédicule, ce retournement s’opère encore fou-
vent fans que le pédicule y ait aucune part. Enfin
les feuilles ont la propriété de fe retourner, quoiqu’elles
foient féparées de la plante ; cette même
propriété fe manifefte aufli dans des portions de
feuilles coupées à volonté ; eft-ce la lumière , la chaleur,
la communication de l’air extérieur qui opéré
ce retournement ? on ne peut encore offrir là-deffus
que des conjedures , 6c d’autant mieux quelles
feuilles fe retournent dans l’eau comme dans l’air.
L ’infpedion des feuilles au microfcope nous offre
le fpedacle de mille autres beautés frappantes que
l’oeil nud ne peut appercevoir : vous en ferez convaincu
par la ledure des obfervations microfcopi-
ques de Bakker. La feuille de rofe, par exemple, en
particulier de certaines rofes, eft toute diaprée d’argent
fur fa furface externe. Celle de fauge offre une
étoffe raboteufe, mais entièrement formée de touffes
& de noeuds aufli brillans que le cryftal. La fur-
face fupérieure de la mercurielle eft un vrai parquetage
argentin, 6c fes côtes un tiffu de perles rondes
6c transparentes, attachées en maniéré de grappes,
par des queues très-fines & très-déliées. Les feuilles
de rue font criblées de trous femblables à ceux d’un
rayon de miel ;: d’autres feuilles préfentent comme
autant d’étoffes ou de velours raz de diverfes couleurs.
Mais que dirai-je de la quantité prefque innombrable
de pores de certaines feuilles ? Leuwen-
koek en a compté plus de i6 z mille fur un feul côté
d’une feuille de buis. Quant aux fingularités de la
feuille d’ortie piquante dont.nous devons la connoif-
fance au microfcope, voye^ O r t i e .
L’induftrie des hommes eft parvenue à difféquer
les feuilles fupérieurement. L ’on fait aujourd’hui par
art des fquelettes de feuilles beaucoup plus parfaits
que ceux que nous fourniffent les infefres, fi vantés
dans ce travail par quelques naturaliftes. Severinus
eft un des premiers qui ait montré l’exemple , quoique
feulement fur un petit nombre de feuilles. Mais
de nos jours Muffchenbroek, Kundman, 6c autres,
ont pouffé le fuccès jufqu’à faire des fquelettes de
toutes fortes defeuilles. Voye[ aufli les obfervations
6c expériences de Thummingius fur l'anatomie des
'feuilles dans le journal de Leipjîck , ann. iy22. pa-
8e 24- I H ,
Enfin Boyle, car il faut finir, a indique un moyen
de prendre l’empreinte grofliere de la figure des
feuilles de toutes fortes de plantes. Noirciffez une
feuille quelconque à la fumée de quelque réfine, du
camphre, d’une chandelle, &c. Enfuite après avoir
noirci cette feuille fuffifamment, mettez-la en preffe
entre deux papiers brouillards, par exemple deux
papiers de la C hine, 6c vous aurez l’exafte étendue,
figure, 6c ramifications des fibres de votre feuille.
Voye[ Boyle’s Works Abridg’d , vol. I. page 132.
Cette méthode néanmoins ne peut guere être d’u-
fage qu’à ceux qui ne favent pas defliner, 6c l ’empreinte
s’efface très-aifément en tout ou en partie.
Au refte, on s’appercevra par les détails qu’on
vient de lire, qu’un lujet de Phyfique, quelque fté-
rile qu’il paroiffe, devient fécond en découvertes à
mefure qu’on l’approfondit ; mais ce n’eft pas à moi
qu’appartient cet honneur ; il eft dû fur cette matière
aux Grew, aux Malpighi, aux Haies, aux Bonnet
, & à ceux qui les imiteront. Article de M. le Chevalier
D E J A U C O V R T .
F e u i l l e s , ( Econom. rufiique. ) On tire dans l’économie
ruftique d’affez grands avantages feuilles
d’arbres ou d’arbriffeaux ; par exemple, les feuilles
d’ormes 6c de vignes cueillies vertes, fe donnent
en nourriture aux bêtes à cornes dans-les pays où
les pâturages manquent. Les feuilles de mûrier fervent
à nourrir les vers à foie , mais il faut prendre
garde de ne pas trop effeuiller cet arbre ; car fi l’on
Tome VI%
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dépouilloit fa tige par le. b as, on rifqueroit de le
faire périr. Les feuilles tombées & raffemblées en
monceaux, fourniffent un excellent fumier pour fer-
tilifer les terres. Enfin on pourra dans la fuite tourner
les feuilles d’arbres, du moins celles de certains
arbres étrangers, à plufieurs ufages qui nous font
encore inconnus, 6c dont on devra la découverte
au tems, au hafard, à la néceflité, ou fi l’on veut à
l’induftrie. Article de M. le Chevalier DE J A U -
COURT.
F e u i l l e a m b u l a n t e , ( Hiß. des Infectes. ) nom
d’un inferie allé des Indes, fur lequel par malheur
les obfervations fideles nous manquent encore. Les
aîles de cet infeûe reffemblent affez bien par leur
forme, leurs nervûres, 6c leur: couleur, à des feuilles
d’arbres. Quelques-uns ont les aîles d’un verd
naiffant, d’autres d’un verd foncé, & d’autres les
ont feuille morte. Mais on affûre de plus, que leurs
aîles font de la première couleur au printems , de la
fécondé en é té, 6c de la troifieme vers la fin de l’au-
tonne ; qu’enfuite elles tombent, que l’infefte refte
fans aîles pendant tout l’h y v e r , & qu’elles repouffent
au printems fuivant.. Si tous ces faits étoient
véritables,.cet inferie feroit bien fingulier, & peut-
être unique en fon genre, car on n’en connoît point
dont les aîles foient fujettes à de pareilles viciflitu-
des ; mais il eft très-permis de fe défier d’un rapport
fi fingulierement marqué , 6c vraiflemblablement
imaginé , entre les aîles d’un inferie étranger & les
feuilles de la plûpart de nos arbres. Article de M. U
Chevalier d e J a u c o u r t .
F e u i l l e s s é m i n a l e s , ( Botan. ) en latin folia
feminalia. On entend par feuillesféminales, deuxfeuilles
Amples, douces, non partagées, qui fortent les
premières de la plus grande partie de toutes les graines
qu’on a femées..
En effet, quand le germe de la plante a percé l’àir
de fa pointe, les deux bouts de la fine pellicule qui
couvre la pulpe de la graine , étant d’un tiffu moins
nourri que la tig e, s’abaiffent peu-à-peu de côté 6c
d’autre, fous la forme de deux petites feuilles vertes,
nommées feuilles féminales , ou fauffes feuilles y
qui font différentes en groffeur, figure, furface, &
pofition, de celles de la plante qui leur fuccéderont.
Il faut donc les bien diftinguer du feuillage que la
plante produira par la fuite ; car l’épiderme des deux
lobes venant à fe fécher, fes deux premières feuilles
qui ne font que les deux bouts de l’épiderme, fe fe-
chent de même par une fuite néceffaire, tpmbent,
6c difparoiffent. Article de M. le Chevalier de Jau-
I C O U R T .
F e u i l l e - I n d i e n n e , ( Mat.med, & Pharmacie.')
Voye^ M a l a b a t r e .
F e u i l l e d e M y r t e , inflrumentde Chirurgie, e f pece
de fpatule, dont l’extrémité terminée en pointe
, le fait reffembler à là feuille de l’arbriffeau dont
il porte le nom. L’ufage de cet inflrument eft de nettoyer
les bords des plaies & des ulcérés, 6c d’en ôter
les ordures que le pus, les onguens, les emplâtres ou
autres topiques peuvent y laiffer. Cet inftrument eft
ordinairement double ; parce qu’on fait de l’extrémité
qui fert de manche, une pince propre à difféquer
& à panfer les plaies & les ulcères ; ou une petite
cuillère pour tirer les balles 6c autres petits corps
étrangers ; ou elle eft creufée en gouttière, 6c forme
une fonde cannelée. Comme la feuille de myrte dont le
manche eft terminé par une pincette, eft la plus difficile
à conftruire 6c la plus recherchée, c’eft celle
dont je vais faire la defeription d’après M. de Garen-,
geot, dans fon traité des inßrumens de Chirurgie.
Pour fabriquer cet inftrument, les ouvriers prennent
deux morceaux de fer plat, longs d’environ fix
pouces, 6c larges d’un travers de doigt; ils les fa-
I çonnent un peu, & les ayant ajuftés l’un fur l’autre,1
* O O o o i j