
<l’après Tirfage., c’eft, i°. opefietive-ne s’employe ;
que pour les grandes rivières; z°. que le mot riviere
n’eft pas noble en poéfie ; 30. que quand on parle
H’une riviere de l’antiquité, on fe fert du motjleuve,
de forte-qu’on dit le fleuve Araxe, le fleuve Indus, le
fleuve tiw Gange ; 40. que le nom de riviere, fe donne
tant aux grandes qu’aux.petites., puifqu’on dit également
la riviere de Loire , & la riviere des G.ôhehns
qui n’eft qu’un ruiffeau. Article de M. le Chevalier d e
J a u c o v r t ,
Fleuve,, f. m. XflhyJ, "& Geogr.) fiumen, fe dit
d’un amas, confidérable d’eau qui partant de quelque
fourcé ?VçQulè dans ■ -un lit vaîte & profond, pour
aller ordinairement fe jetter dans la mer.
Si une eau courante n’eft pas affez forte pour porter
de petits bateaux, on l’appelle en latin rivus, en
françois. ordinairement ruijjéàu; fi elle eft aflez fortè
pour porter bateau, on l’appelle riviere, en latin am-
J enfin fi elle peut porter de grands bateaux, on
l ’appelle en latin flumen, en françois fleuve. La différence
de; ces dénominations n’eft, comme l’on voit,
que du plus au moins. Quelques auteurs prétendent
que l’on ne doit donner le nom de fleuves qu’aux rivières
qiu fe déchargent immédiatement dans la
mer ; .& en effet l’ufage femble avoir aflez généra-
lement établi cétte dénomination. D’autres , mais
en plus petit nombre, prétendent qu’il n’y a de vrais
fleuv esque ceux qui ont le même nom depuis leur
fourcejufqiv’à leur embouchure. Voy. l'article précéd.
Nous traiterons dans cet article , de l ’origine des
fleuves, de leur direftion, de leurs variations, de
leur débordement, de leur cours, &c.
Origine des fleuves. Lès ruifléaux ou petites rivières
viennent quelquefois d’une grande quantité de
pluies ou de neiges fondues, principalement dans
les lieux remplis de montagnes , comme on en voit
dans l’Afrique, les Indes, l’île de Sumatra, &c. mais
Æn.général les fleuves 8c les rivières viennent de four-
ces. Voy e { Source. L’origine des fources elles-mêmes
vient aufli, foit des vapeurs qui retombent fur
1e fommet des montagnes, foit des eaux de'pluie ou
de neige fondue, qui fe filtrént à-travers les entrailles
de la terre , julqu’a ce qu’elles trouvent une ef-
'pece de baffin où elles s’amaffent.
jVL Halley a fait yoir, n .1 9 2 . desTranfact. philo-
fophiq. que les vapeurs élevées de la furface de la
mer, &. transportées par le vent fur la terre , font
plus, que ïuffilântes pour former toutes les rivières,
&c entretenir-les eaux qui font à la furface de la terre.
On fait en effet par différentes expériences (yoyei
•Muflchenbr. ejf. deP/iyf. §. >49$.) qu’il s’évapore
par an environ 29 pouces d’eau ; or cette évaporation
eft plus que luffifante pour produire la quantité
d’eau que les fleuves portent à la mer. M. de Buffon,
dans lupremitrvolumede fo n hifloire naturelle, p . J JC .
trouve par un calcul aflez plaufible, d’après Jean
Ke ill, que dans l’efpace de 812 ans toutes les rivières
enfemble jempliroient l’Océan : d’où i^ conclut
que la quantité d’eau qui s’évapore de la mer, 8c
que les vents tranfportent fur la terre pour produire
les ruifléaux & lesfleuves, eft d’environ les deux tiers
d’une ligne par jour, ou 21 pouces par an ; ce qui eft
encore au-deffous des 29 pouces dont on vient de
parler, & confirme ce que nous avançons ici, que
les vapeurs de la mer font plus que fuffifantes pour
produire les fleuves. Voyez aux fir.t. Pluie & Fontaine
, un plus grand détail/ur ce fujet.
L e s fleuves font formés par la réunion de plufieurs
Eiviétes, ou viennent de lacs. Parmi tous les grands
fleuves connus , comme le Rhin, l’Elbe , &c. il n’y
en a pas un qui vienne d’une feule & unique fource.
Le Volga, par exemple, eft,formé de 200 rivières,
dont^i à 33 confiderables., qui s’y jettent avant
«n’ji aille jfe jetter lui-même dans.la mer Cafpienne.;
le Danube en-reçoit à-peu-près auflî 2 0 0 dont 30
confidérab.les, en ne comptant que ces dernieres. Le
Don en reçoit cinq ou fix, le Nieper 19 ou. 20,,:la
Duine 11 ou 12 : 8c de .même en Afie , le Hoaiffio
reçoit 3 4 ou 35 rivières ; le Jenifca en reçoit plus de
6,0, l’Ôby autant ; le fleuve Amour environ 40 ; le
Kian , ou le fie « v« d e Nan qu i n-,, e n reçoit environ 3,0.,
le Gange plus de 20 , l’Euphrate 10 ou 11, &£• Eu
Afrique, le Sénégal reçoit plus, de 20 rivières. Le Nil
ne reçoit aucune riviere, qu’à plus de 500 lieues de
fon embouchure ; la. dernière qui y tombe eft le Pyîo-
raba, & de cet endroit jufqu’à fa fource il reçoit ,epr
viron 12 ou 13 rivières. En Amérique, le fleuve des
Amazones en reçoit .plus de, 6.0, 8c toutes tort conft-
dérables ; le fleuve S. Laurent environ 40 , etreomp-
tant celles qui tombent .dans les lacs ; le fleuve Miffif-
fipi plus de 40, le fleuve de la Plata plus de 50,, &c.
Il y a fur la furface de la terre des .contrées élevées
, qui paroiffent être des points de partages marqués
par la nature pour la diftribution des eaux. Les
environs du mont Saint-Gothard font un de ces points
en Europe. Un autre point eft le pays entre les provinces
de Belozera 8c de Vologda en Mofcovie, d’où
defeendent des fleuves dont les uns vont à la mec
Blanche, d’autres à la mer Noire, 8c d’autres à la
mer Cafpienne ; en Afie, le pays desTartares-Mo-
gols, d’où il coule des fleuves dont .les uns .vont fe
rendre dans la mer Tranquille , ou mer de la nouvelle
Zemble ; d’autres au golfe Linchidolin , d’autres
à la mer de Corée, d’autres à celle de la Chine ;
& de même le petit Thibet, dont les eaux coulent
vers la mer de la Chine , vers le golfe de Bengale >
vers le golfe dé Cambaye, 8c vers le lac.Aral ; en
Amérique , la province çle Quito , qui fournit des
eaux à la mer du Sud ,. à la mer;çlaNord, 8c au golfe
du Mexique. Hifl. naît, de M . de Buffon, tom. I . &,
Varen. Géogr.
Direction des fleuves. On a remarqué que généra-
lement parlant, les plus grandes montagnes, occupent
le milieu des continens ; 8c que dans l’ancien
continent, les plus grandes chaînes de montagnes
font dirigées d’occident en orient. On verra de même
que les plus grands fleuves font dirigés .comme
les plus grandes montagnes. On trouvera.qu’à commencer
parl’Bfpagne , le V ig o le Douro, leTage
& ia Guadiana, vont d’orient en occident, & i’Ebre
d’occident en orient ; 8c qu’il n’y a pas une riviere
remarquable qui aille du fud aù nord, ou du nord
au fui.
On verra aufli, en jettant.lèà yeux fur la cafte
de la France, qu’il n’y a que le Rhône qui fo.it.dirigé
du nord au midi ; & encore dans près de la moitié,
de fon cours , depuis les montagnes jufqu’à Lyon
eft-il dirigé de l’orient vers l’occident. : mais qu’au
contraire tous les autres, grands fleuves, comme la
Loire, la Charente, la Garonne, & même.laSeine,
ont leur direélion d’orient en occident.
On verra de même qu’en Allemagne il n’y a que
le Rhin qui, comme le Rhône, a la plus grande partie
de fon cours du midi au nord ; mais que les autres
grand s fleuves, comme le Danube, la Drave, 8c toutes
les grandes rivières qui tombent dans ces fleuves,
vont d’occident en orient fe rendre dans la mer.
Noire. ,.
On trouvera aufli que l’Euphrate eft dirigé d’occident
en orient, & que prefque tous les fleuves de
Chine vont de même d’occident en orient. II en
eft ainfi de tous les fleuves de l’intérieur de l’Afrique
au-delà de la Barbarie ; ils coulent tous d’orient
en occident ou d’occident en orient : il n’y a qu.é les
rivières de Barbarie 8c le Nil qui coulent du midi au
nord. A là vérité il y a de grands fleuves en Afie qui
coulent en partie du nord au midi, comme le Don
le Volga 9 &c, mais en prenant la longueur entier e de
leur cours,' on verra qu’ils ne fe tournent du côté du
midi, que pour fe rendre dans la mer Noire 8c dans
la mer Cafpienne, qui font des lacs dans l’intérieur
des terres.
Dans l’Amérique, les:principaux fleuves coulent
de même d’orient en occident, ou d’occident en
-orient : les montagnes font au contraire dirigées
;nord 8c fud'dans ce continent long 8c étroit ; mais,
félon M. de Buffon, c’eft proprement une fuite de
montagnes parallèles , difpofées d’orient en occident.
Hiflinat: génér. & partie, t. I . p . j j 4. & fu iv .
Phénomènes & variations des fleuves. Les fleuves {ont
fujets à de grands changemens dans une même année,
fuivant les différentes faifons , & quelquefois
dans un même jour.. Ces changemens font occafion-
nés pour l’ordinaire par les pluies 8c les neiges fondues.
Par exemple, dans le Pérou & le Chili i| y a
des fleuves qui ne font prefque rien pendant la nuit,
: 8c qui ne coulent que de jour, parce qu’ils font alors
augmentés par la fonte des neiges qui couvrent les
montagnes. De même le Volga groflxt confidérable-
ment pendant les mois de Mai 8c de Juin , de forte
qu’il couvre alors entièrement des fables qui font à
fec tout le refte de l’année.;Le Nil, le Gange, l’Inde,
&c. groffiffent fouvèni jufqu’à déborder ; 8c cela arrive
tantôt dans l’hyver ,,à caufe des pluies ; tantôt
en été, par la fonte des neiges.
11 y a des fleuves,qui s’enfoncent brufquement fous
terre au milieu de leur_cours, & qui reparoiffent en-
fuite dans d’autres lieux, comme fi c’étoit de nouveaux
fleuves : ainfi quelques auteurs prétendent que
le Niger vient du Nil par-deflous terre, parce que ce
fleuve groflit en même tems que le Nil , fans qu’on
puifle trouver d’autre raifonque la communication
mutuelle de ces fleuves, pour expliquer pourquoi ils
groffiffent en même tems. On remarque encore que
le Niger, quand il vient au pié des montagnes de Nubie
, s’enfonce & fe cache fous ces montagnes, pour
reparoître de l’autre côté vers l’occident. Le Tigre
fe perd de même fous le mont Taurus.
Ariftote 8c les Poètes anciens font mention de
différens fleuves, à qui la même chofe arrive. Parmi
ces fleuves, le fleuve Alphée eft principalement célébré.
Les auteurs grecs prétendent que ce fleuve, après
s’être enfoncé en terre 8c avoir difparu, contiriuoit
à couler fous la terre 8c la mer, pour aller jufqu’en
Sicile ; que là il reparoifloit auprès de Syracufe,
pour former la fontaine d’Aréthufe. La raifon de
cette opinion des anciens étoit que tous les cinq ans
pendant l ’été la fontaine d’Aréthufe étoit couverte
de fumier, dans le tems même qu’on célébroit en
Grece les jeux olympiques, 8c qu’on jettoit dans
TAlphée le fumier des viftimes.
Le Guadalquivir en Efpagne, la riviere de Got-
îemburg en Suede , & le Rhin même, fe perdent
dans la terre. On aflïire que dans la partie occidentale
de l’île de Saint-Domingue il y a une montagne
d’une hauteur confidérable, au pié de laquelle font
plufieurs cavernes où les rivières 8c les ruifléaux fe
précipiteht avec tant de bruit, qu’on les entend de
îept ou huit lieues. Voye{ Varenii geograph. gtner.
P * g - 43 •
Au refte, le nombre de ces fleuves qui fe perdent
dans lé fein de la terre eft fort petit, & il n’y a pas
d’apparence que ces eaux defeendent bien bas dans
4’intérieur du globe ; il eft plus vraiffemblable qu’elles
fe perdent, comme celles du Rhin, en fe divifant
dans les fables, ce qui eft fort ordinaire aux petites
rivières qui arrofent les terreins fecs 8c fablonneux :
on en a plufieurs exemples en Afrique, en Perfe, en
Arabie, &c. Hifl. nat. ibid.
Quelques fleuves fe déchargent dans la mer par
une feule embouchure, quelques autres par plufieurs
à-la-fois. Le Danube fe jette dans la mer Noire par
Tome V U
fept embouchures ; le Nil s’y jettoit autrefois par
fept, dont il n’y en a plus aujourd’hui que deux qui
foient navigables ; & le Volga par 70 au moins. La
caufe de cette quantité d’embouchures vient, félon
Varenius , des bancs de fable qui font en ces endroits
; 8c qui s’augmentant peu à-peu, forment des
îles qui divifent le f le u v e en différens bras. L e s anciens
nous affûrent que le Nil n’avoit d’abord qu’une
feule embouchure naturelle par laquelle il fe déchar-
geoit dans la mer, 8c que fes fix autres embouchures
étoient artificielles.
II y a dans l’ancien continent environ 430 fleuves,
qui tombent immédiatement dans l’Océan, ou dans
la Méditerranée 8c la mer Noire ; 8c dans le nouveau
continent on ne connoît guere que 180 fleuv es qui
tombent immédiatement dans la mer. Au refte on n’a
compris dans ce nombre que des rivières grandes au
moins comme l’eft la Somme en Picardie.
Les fleuv es font plus larges à leur embouchure ,
comme tout le monde fait ; mais ce qui eft fingulier,
c’eft que les finuofités de leur cours augmentent à
mefure qu’ils s’approchent de la mer. On prétend
qu’en Amérique les Sauvages jugent par ce moyen
à quelle diftance ils font de la mer.
S u r l e r em o u s d e s f le u v e s , voyc{ R e m o u s ; fut;
le u r s c a t a r a â e s , voye^ C a t a r a c t e .
Varenius prétend & tâche de prouver que tous les
lits des f le u v e s , fi on en excepte ceux qui ont exif-
té dès la création, font artificiels , 8c creufés par
les hommes. La raifon qu’il en donne, eft que quand
une n o u v e l le fo u r c e fo r t de terre, l’eau qui en coule
ne fe fait point un lit, niais inonde le s te r r e s adjacentes
; de forte que les hommes, pour conferver leurs
terres, ont vraiflémblabîement été obligés de creu-
fer im lit aux fleuv es . Cet auteur ajoûte qu’il y a
d’ailleurs un grand nombre de fleuv es dont les lits ont
-été certainement creufés par les hommes , comme
l’hiftoire ne permet pas d’en douter. A l’égard de la
queftion, fi les rivières qnide jettent dans d’autres y
ont été portées par, leur cours & leur mouvement
naturel, ou ont été forcées de s’y jetter étant détournées
dans des canaux creufés pour cela, Varé-
nius croit ce dernier fentiment plus probable ; il pen-
fe aufli la même chofe des différens bras desfleuv es &
des contours par lefquels le Tanais, le Volga, & c.
forment des îles.
Il examine enfuite pourquoi il n’y a point à e f le u ves
dont l’eau foit falée, tandis qu’il y a tant de lour-
ces qui le font. Cela vient, félon lui, de ce que les
hommes n’ont point creufé de lit pour les eaux des
fources falées , pouvant fe procurer le fel à moins
de frais 8c avec moins de peine. Voyc^ S e l .
Plufieurs fle u v e s o n t leu r s eaux imprégnées de particules
métalliques , minérales, de corps gras 8c huileux
, &c. Il y en a qui roulent du fable mêlé avec
des grains d’or : de ce nombre font i°. un f leu v e du
Japon : 20. un autre fleu v e dans l’île Lequeo, proche
le Japon : 30. une riviere d’Afrique appellée Ar ro e ,
qui fort du pié des montagnes de la Lune o ù i l y a
des mines d’or : 40. un f le u v e de Guinée, dont les
Negres féparent le fable d’avec l’or qu’il renferme ,
8c le vendent enfuite aux Européens qui vont en
Guinée pour faire ce trafic : 5^. quelques rivières
proche la ville de Mexique, dans lefquelles on trouve
des grains d’or , principalement après la pluie ;
ce qui eft général pour tous les autres f leuv es qui roulent
de l’o r , car on n’y en trouve une quantité un
peu confidérable que dans les faifons pluvieufes :
6°. plufieurs rivières du Pérou, de Sumatra, de Cuba
, de la Nouvelle-Efpagne, 8c de Guiana. Enfin
dans les pays voifins des Alpes, principalement dans
le Tirol, il y a quelques rivières des eaux defquelles
on tire de l’o r, quoique les grains d’or qu'elles roulent
ne paroiffent point aux yeux. Le Rhin, dans
S S s s s