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à tous ceux qui Tentent 8c quipenfent ; mot qui fait
profiter de leurs talens & ménager leurs travaux ;
mot précieux, qui rappelle ou qui devr-oit rappeller
fans cefîe à l’efprit ainfi qu’au fentiment., cette belle
-maxlm’e de Térence , que l’on ne fauroit trop profondément
graver dans fa mémoire & dans fon coeur :
-horno juin , nihil humant à me alienum puto : « je fuis
» homme, rien de ce qui-touche l’humanité, ne fau-
»roit métré étranger ».Voilà le code du genre humain
: voilà le plus doux lien de la fociété : voilà le
germe des vues les plus grandes, 8c des meilleures
vûes ; idées que le vrai lage n’a jamais féparées.
•Les hommes ne doivent, ne peuvent donc jamais
être oubliés ; on ne fait rien que pour eux, 8c c’eft
par eux que tout fe fait. Le premier de ces deux
points mérite toute l’attention du gouvernement, le
fécond toute fa reconnoilfance & toute fon affeâion.
A chaque inftant, dans chaque opération , les hommes
fe repréfentent fous différentes formes ou fous
diverfes dénominations ; mais le principe n’éehappe
point au philofophe qui gouverne, il le faifit au milieu
de toutes les modifications qui le déguifent aux
yeux du vulgaire. Que l’homme foit poffeffeur ou
cultivateur, fabriquant ou commerçant ; qu’il foit
confommateur oifir, ou que fon aûivité fourniffe à
la confommation ; qu’il gouverne ou qu’il foit gouverné,
c’eft ùn homme : ce mot feul donne l’idée
de tous les befoins, 8c de tous les moyens d’y fatis-
faire.
Les finances font donc originairement produites
par les hommes , que l’on fuppofe en nombre fuffi-
lànt pour l’état qui les renferme, 8c fuffifamment
bien employés , relativement aux différens talens
qu’ils poffedent ; double avantage que tous les écrits
modernes faits fur cette matière, nous rappellent'&
nous recommandent : avantages que l’on ne fauroit
trop foigneufement conferver quand on les poffede,
ni trop tôt fe procurer quand ils manquent.
Néceffité d’encourager la population pour avoir
un grand nombre d’hommes ; néceffité pour les employer
utilement, de favorifer les différentes profef-
nons proportionnément à leurs différens degrés de
néceffité, d’utilité, de commodité.
L’agriculture fe place d’elle-même au premier
rang, puifqu’en nourriffant les hommes , elle peut
feule les mettre en état d’avoir tout le ’refte. Sans
l’agriculture, point de matières premières pou^ les
autres profeffions.
C’eu par elle que l’on fait valoir, i°. les terres de
toute efpece, quels qu’en foient l’ufage 8c les productions
; 2°. les fruits, les bois, les plantes, & tous
les autres végétaux qui couvrent la furface de la
terre ; 30. les animaux de tout genre & de toute efpece
qui rampent fur la terre 8c qui volent dans les
airs, qui fervent à la fertilifer, & qu’elle nourrit à
fon tour ; 4°. les métaux, les fiels, les pierres, 8c les
autres minéraux que la terre cache dans fon fein ,
& dont nous la forçons à nous faire part; ç°. les
poiffons , & généralement tout ce que renferment
les eaux dont la terre eft coupée ou environnée..
I Voilà l’origine de ces matières premières fi variées,
fi multipliées, que l’agriculture fournit à l’in-
duftrie qüi' les employé ; il n’en eft aucune que l’on
ne trouve dans les airs, fur la terre ou dans les eaux.
Voilà le fondement du commerce , dans lequel on
ne peut jamais faire entrer que les productions de l’agriculture
8c de l’induftrie, confidérées enfemble ou
féparément ; & le commerce ne peut que les faire
circuler aü-dedans, ou les porter à l’étranger.
Le commerce intérieur n’en eft point un proprement
dit, du moins pour le corps de la nation, c’eft
une fimple circulation. L’état & le gouvernement ne
^onnoiffent de commerce véritable que celui par
F I N lequel on fe procure le néceffaire & on fe débar-
rafle du fuperflu, relativement à l’univerfalité des
citoyens.
Mais cette exportation, mais cette importation
ont des lois différentes , fuivant leurs différens objets.
Le commerce qui fe fait au-dehors n’eft pas.
toûjours le même; s’il intéreffe les colopies, lesré-
glemens ont pour objet la dépendance raifonnable
où l’on doit retenir cette portion de la nation; s’il
regarde l’étranger, on ne s’occupe plus que des intérêts
du royaume 8c de ceux des colonies, qui forment
une efpece de corps intermédiaire entre le
royaume & l’étranger. C’eft ainfi que le commerce
bien adminiftré vivifie tout, foutient tout : s’il eft
extérieur, 8c que la balance foit favorable ; s’il eft
intérieur, 8c que la circulation n’ait point d’entrave,
il doit néceffairement procurer l’abondance univer-
felle & durable de la nation.
Confidérées comme richeffes', les finances peuvent
confifter en richeffes naturelles ou acquifes, en
richeffes réelles ou d’opinion.
Parmi les richeffes naturelles on doit compter le
génie des habitans, développé par la néceflité, augmenté
par l’émulation, porte plus loin encore par le
luxe 8c par l’oftentation.
Les propriétés, l’excellence & la fécondité du
fol , qui bien connu, bien cultivé, procure d’abondantes
récoltes de toutes les choies qui peuvent être
néceffaires, utiles, agréables à la vie.
L’heureufe température du climat-, qui attire,
qui multiplie, qui conferve, qui fortifie ceux qui
l’habitent.
Les avantages de la fituation, par les remparts que
la nature a fournis contre les ennemis, & par la facilité
de la communication avec les autres nations.
Jufque-là nous devons tout à la nature 8c rien à
l’art ; mais lui feul peut ajouter aux richeffes naturelles
un nouveau degré d’agrément 8c d’utilité.
Les richeffes acquifes , que l’on doit à l’induftrie
corporelle ou intelle&uelle, confiftent
Dans les Métiers, les Fabriques, les Manufa&ures,
les Sciences 8c les Arts perfectionnés par des inventions
nouvelles, telles que celles du célébré Vaucan-
fon, 8c raifonnablement multipliés par les encoura-
gemens. On dit raifonnablement, parce que les grâces
8c les faveurs que l’on accorde , doivent être proportionnées
au degré d’utilité de ce qui en eft l’objet.
Dans les lumières acquifes fur ce qui concerne l’agriculture
en général, & chacune de fes branches en
particulier ; les engrais, les haras, la confervation .
des grains, la plantation des bois, leur confervation,'
leur amélioration, leur adminiftration, leur exploit
tation ; la pêche des étangs, des rivières 8c des mers ;
8c généralement dans tout ce qui nous donne le talent
de mettre à profit les dons de la nature, de les
recueillir 8c de les multiplier. Un gouvernement aufîi
fageque le nôtre, envifagera donc toûjours comme
de vraies richeffes 8c comme des acquifitions d’un
grand prix, les excellons ouvrages que nous ont
donnés Tur ces différentes matières MM. de Buffon
8c Daubenton, M. Duhamel du Monceau, l’auteur
de la police des grains, 8c les autres écrivains eftima-
blés dont la plume s’eft exercée fur des fujets fi inté-
reffans pour la nation & pour le monde entier.
Qn accordera la même eftime aux connoiffances,
aux vûes, aux opérations raffemblées dans le royaume
pour la population des citoyens, pour leur confervation
, pour l’amélioration poffible 8c relative
de toutes les conditions..
On doit encore envifager comme richeffes acquifes,
les progrès de la navigation intérieure, par l’é-
tabliffement des canaux ; de l’extérieure, par l’augmentation
du commerce maritime ; celui de terre
accrû, facilité, rendu plus,fûr par la conftrufrion,.
F I N
le rétabliffement, l’entretien & la perfection des
ponts, chauffées 8c grands chemins.
La matière eft par elle-même d’une fi grande étendue
, qu’il faut malgré foi paffer rapidement fur les
objets, 8c réfifter au defir que l’on auroit de s’arrêter
fur les plus intéreffans : contentons-nous de les pré-
fenter au lefreur intelligent, 8c laiffons-lui le foin de
les approfondir.
Les richeffes de l’état, que l’on a d’abord envifa-
gées comme naturelles , enfuite comme acquifes ,
peuvent l’être aulfi comme richeffes réelles ou d’opinion.
Les réelles ne font autre chofe que les fonds ou
biens immeubles, les revenus & les effets mobiliers.
Les immeubles (on ne parle ici que des réels, 8c
non de ceux qui le font par fifrion de droit) ; les immeubles
font les terres labourables , les prés, les
vignes, les maifons & autres édifices, les bois & les
eaux, & généralement tous les autres fonds , de
quelque nature qu’ils foient, qui compofent le domaine
foncier du fouverain 8c celui de* particuliers.
Du fouverain, comme feigneur 8c propriétaire
particulier de certains fonds qui n’ont point encore
é t é incorporés au domaine du roi.
Comme roi, 8c poffédant à ce titre feulement les
héritages 8c les biens qui forment le domaine foncier
de la couronne.
Des particuliers, comme citoyens , dont les domaines
font la bafe des richeffes réelles de l’état de
deux maniérés ; par les produ&ions de toute efpece
qu’ils font entrer dans le commerce 8c dans la circulation
; par les impofitions , auxquelles ces mêmes
produâions mettent les particuliers en état de fatis-
îaire.
Confidérées comme revenus, les richeffes réelles'
font fixes ou cafuelles ; 8c dans l’un 8c l’autre cas,
«lies appartiennent, comme les fonds, au fouverain
ou aux particuliers.
Appartiennent-elles aux particuliers ? ce font les
fruits, les produits, les revenus des fonds qu’ils poffedent.;
ce font aulfi les droits feigneuriaux utiles ou
honorifiques qui y font attachés.
Si ces revenus appartiennent au fouverain, ils
font à lui à titre de leigneur particulier, ou bien à
caulc de la couronne ; diftinûion effentielle, & qu’il
ne faut pas perdre de vue, fi l’on veut avoir la folu-
tion de bien des difficultés. Le roi poffede les uns par
lui-même , abftraûion faite de la fouveraineté : à
titre de fouverain, il compte parmi fes revenus, i°.
le produit du domaine foncier 8c des droits domaniaux
: 20. les impofitions qu’il met, comme roi,
fur ce que les autres poffedent ; revenu toûjours à
charge à la bonté du monarque, qu’il n’augmente
jamais qu’à regret, & toûjours en obfervant que l’e-
tabliffement des impofitions fe faffe relativement aux
facultés de la nation, mefurées fur ce dont elle eft
déjà chargée, 8c fur ce qu’elle peut fupporter encore ;
la répartition avec une proportion qui détruife les
taxes arbitraires, 8c qui ne charge le citoyen que de
ce qu’il peut naturellement & doit équitablement
fupporter ; le recouvrement 8c la perception avec
autant d’exaûitude que de modération 8c d’humanité.
Paffons de fuite & fans rien détailler, aux richeffes
réelles confidérées dans les effets mobiliers, tels que
l ’or & l’argent, les pierreries, les marchandifes de
toute efpece, 8c les meubles meublans, quels qu’ils
foient.
Obfervons feulement, comme autant de cireonf-
tances qui n’échappent point à ceux qui (ont chargés
de cette grande partie de l’adminiftration,
Que l’or 8c l’argent, qui font tour-à-tour marchandifes
8c lignes repréfentaîifs de tout ce qui peut
£tre échangé, ne peuvent provenir que des mines,
Tome F I ,
F I N 813 pour ceux qui en ont ; que du commerce, pour ceux
qui n’ont point de mines.
Que l’or 8c l’argent, ainfi que les pierreries, peuvent
être confidérés comme matières premières ou
comme ouvrages fabriqués : comme matières, lorf-
que , par rapport aux pierreries, elles font encore
brutes ; 8c qu’à l’égard des métaux, ils font encore
en lingots, en barres, &c. comme ouvrages, lorsque
les pierres précieufes font mifes en oeuvre ; 8c
qu’à l’égard des métaux, ils font employés en moiv*
noie, en vaiffelle, en bijoux, en étoffes, &c.
Que les marchandifes & les meubles peuvent être
l’objet d’une circulation intérieure , ou d’un commerce
avec l’étranger ; 8c qu’à cet égard , 8c fur-
tout dans le dernier cas, il eft important d’examiner
fi la matière première 8c la main-d’oeuvre à-la-fois ,
ou l’une des deux feulement, proviennent de la
nation.
Les finances confidérées, comme on vient de le
voir, dans les richeffes 8c les poffeflions réelles 8c
lenfibles, frappent tout le monde, & par cette raifon
obtiennent fans peine le degré d’attention qu’elles
méritent. En voici d’une efpece fi métaphyfique, que
plufieurs feroient tentés de ne point les regarder
comme richeffes, fi des titres palpables ne les ren-
doient réelles pour ceux qui conçoivent le moins les
effets que ces titres produifent dans le commerce ôc
dans la circulation.
Les richeffes d’opinion, qui multiplient fi prodi-
gieufement les réelles , font fondées fur le crédit,
c’eft-à-dire fur l’idée que l’on s’eft formée de l’exactitude
8c de la folvabilité.
Mais ce crédit peut être celui de la natipn, qui fe
manifefte dans les banques 8c dans la circulation des
effets publics accrédités par une hpnne adminiftration
; ou celui des particuliers confidérés féparément
ou comme réunis.
Séparément, ils peuvent devenir par leur bonne
conduite 8c leurs grandes vûes, les banquiers de
l’état & du monde entier. On fera fans peine à Paris
l’application de cet article.
Confidérés enfemble, ils peuvent être réunis en
corps, comme le clergé, les pays d’états , &c. en
compagnies de commerce, comme la compagnie des
Indes, les chambres d’affurances, &c. d’affaires, telles
que les fermes générales, les recettes générales ,
les munitionnaires généraux, &c. dont le crédit per»
fonnel augmente le crédit général de la nation.
Mais les avantages des richeffes naturelles ou acquifes
, réelles ou d’opinion , ne fe bornent pas au
moment préfent; ils s’étendent jufque dans l’avenir,
en préparant les reffources qui forment le troifieme
afpeét fous lequel les finances doivent être envifa-
gées.
Trois fortes de reffources fe préfentent naturellement
pour latisfaire aux befoins que les revenus ordinaires
ne rempliffent pas ; l’aliénation, l’emprunt,
l’impofition. Les deux premières font en la difpofi-
tion des fujets comme du fouverain. Tout le monde
peut aliéner ce qu’il a , emprunter ce qui lui manque
; le fouverain feul peut impofer fur ce que les
autres ont. Parcourons ces trois fortes de reffources
avec la même rapidité que les autres objets.
Les aliénations fe font à perpétuité, de ce qui
peut être aliéné fans retour ; à tems, de ce qui eft
inaliénable de fa nature.
On aliéné les fonds ou les revenus ; les fonds de
deux maniérés à l’égard du fouverain, en engageant
ceux qui ne font point encore lortis de fes mains, en
mettant en revente ceux qui n’avoient été vendus
qu’à faculté de rachat ; les revenus provenant de
l’établifl'ement de nouveaux droits, ou de la perception
des droits anciennement établis.
Quant aux emprunts, qui fuppofent toujours la
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