
convives. V, hifi. de France de Daniel, & Mezeray, &c.
Les fefiins, dégoûtans pour les fiecles où la poli-
teffe & le goût nous ont enfin liés par les moeurs aimables
d’une fociété douce, n’offrent rien qui mérite
qu’on les rappelle au fouvenir des hommes ; il
fuffit de leur faire appereevoir en partant q ue, c’eft
le charme & le progrès des arts qui feul en a fuccef-
livement délivré l’humanité
Par le titre de cet article nous défignons ces banquets
extraordinaires que nos Rois daignent quelquefois
accepter dans le fein de leur capitale ou en d’autres
lieux, à la fuite des grandes cérémonies, telle
que fut celle du facre à Reims en 172 2 , le mariage
de S. M. en 1725, &c.
C ’eft un doux fpe&aole pour un peuple auffi tendrement
attaché à fon R o i, de le voir au milieu de
fes magiftrats s’entretenir avec bonté dans le fein de
la capitale, avec les perfonnages établis pour repré-
fenter le monarque & pour gouverner les fujets.
Ces occafions font toûjours l’objet d’une réjoiiif-
fance générale, & l’hôtel-de-ville de Paris y déployé,
pour lignaler fon zele, fa joie & fa reconnoiffance,
le goût le plus exquis, les foins les plus élégans, les
dépenfes les mieux ordonnées.
Tels furent les arrangemens magnifiques qui fe déployèrent
le 15 Novembre 1744, jour folennd où
le R o i, à fon retour de Metz , vint jouir des transports
d’amour & de joie d’un peuple qui venoit de
trembler pour fes jours.
Nous donnons le détail de ces fefiins, i° . parce
qu’ils ont été occafionnés par les évenemens les plus
intéreffans ; 20. parce que les décorations qui les ont
accompagnés appartiennent à l’hiftoire des Arts ; 30.
enfin parce qu’il eft bon de conferver le cérémonial
obfervé dans ces fortes d’occafions.
Décoration générait pour le ftfiin royal du 16 Novembre
' 744-
La décoration de la place devantd’hôtel-de-viile ,
étoit
Un arc de triomphe placé entre la maifon appellée
lt coin du-roi , & la maifon qui fait encoignure fur la
place du côté du quai*
Cet arc de triomphe avoit 70 piés de face fur 87
piés d’élévation, & d’un ordre d’architeûure régulier,
repréfentanrun grand portique. Il étoit orné
de quatre colonnes grouppées, d’ordre ionique, fur
la principale face : & de quatre colonnes ifcilées fur
les deux retours ; un grand attique au-deffus de l’entablement,
fur lequel étoit un grouppê de relief de
48 piés de face fur 18 piés de haut, repréfentoit le
Roi côuronné de laurier par une renommée placée
debout dans un char tiré par quatre chevaux , dont
le Roi tenoit les rênes d’une main , & un bâton de
commandant de l’autre. Plufieurs trophées de guerre
6 de viftoire ornoient la face & le retour de cet at-
tique.-
Quatre figures allégoriques étoient placées fur les
pié-d’eftaux, entre lès colonnes. MH H
7 Les deux fur la face principale, repréfèntôient la'
paix & la vi&oire ayant- ces mots écrits aü-deffous ,
aut luze , aut ilia; ' ' ’i ' ■. y. jM .v\>'
Le grand édifice'étoit COnftruit en Vèlief, & peint
dè'difterêftS'marbres; f: ;T
- ‘ A it-devant de 1-attique & àu-deflbùs du Roi ■
étoient écrits fcfi lettres d7ôr fur unfforid "de marbré *
éit detix- lignés, Ludovico redivivo, laid&ÿièà triutn-*
phatori. ■ ■
c Lé pourtour de la placé de l’hôtel-de-villë étoit dé-'
eOré parune colonnade -diviféé en; quinze grOuppes
d’ordre ionique & de- relief montés'iùr deSfoélës 8é
pié-d’eftaux, & couronnés de leur entablement : au-
deffus' -de ces ‘gro.uppes 'étoient dreffés-dés trophées
dorés, repréfêntant- différèns attributs de-gUerre Sc
de vi&oire.- U
Cette colonnade étoit peinte de différèns marbres
dont les bafes & chapiteaux étoient dorés. Les fûts
des colonnes étoient ornés de guirlandes de lauriers.
D ’un grouppe à l’autre de cette colonnade partoient
des guirlandes pareilles, quiformoient un entablement
à l’autre.
Les fonds des pié-d’eftaux étoient ornés de trophées
peints en bronze doré, & repréfentoient dif-
férens attributs de viâoire.
La face extérieure de l’hôtel-de-ville avôit été nettoyée
& reblanchie en toute fa hauteur, y compris
les pavillons & les cheminées ; le cadran peint à neuf
& redoré, ainfi que les inferiptions ; la ftatue équef-
tre d’Henri IV . rebronzée, & la porte principale
peinte & redorée.
Au-deffus & au-dehors de la croifée du milieu
étoit placée une grande couronne royale en verre
tranfparent & de couleur, ornée de pentes de gaze
d’or & de taffetas cramoifi, qui defeendoient jufque
fur l ’appui de cette croifée.
Au milieu de la place ordinaire aux canons, au
bas du quai Pelletier, étoit repréfenté par des décorations
un corps de fontaine dont l’architeâure étoit
traitée en pierre, & d’une conftruétion ruftique.
t La calote & le deffus de l’entablement étoient ornés
de trophées & attributs convenables à la fontaine
& à l ’objet de la fête.
Dans ^intérieur de cette fontaine étoit placée une
grande cuve qui avoit été remplie de douze muids
de v in , qui fut diftribué au peuple par trois faces de
cette fontaine : elle commença à couler au moment
de l’arrivée du Roi à l’hôtel-de-ville, & ne ceffa qu’a*
près fon départ.
A côté de cette fontaine, & adofle au mur du
quai, étoit dreffé un amphithéâtre par gradins, orné
de décorations , fur lequel étoient placés des mufi-
êiens qui joiierent de toutes efpeces d’inftrumens toute
la journée & bien avant dans la nuit.
! Aux deux côtés de cet amphithéâtre étoient dif-
pofes deux efpeces de balcons ornés de décorations ;
& c’étoit par-là que fe faifoit la diftribution au peuple
, du pain & dès viandes.
La place au centre de laquelle étoit cette fontaine,
étoit entourée de plufieurs poteaux quiformoient un
parc de toute l’étendue de la place, fur lefquels
étoient des girandoles dorées, garnies de forts lampions..,
1 Ces poteaux étoient ornés & entourés de laurier
dont Feffet formoit un coup-d’oeil agréable, pour représenter
des arbres lumineux.
D ’une tête de poteau à une autre étoient fufpendus
èn feftons à double rang, une quantité confidérable
de lampes de Surene * , qui fe eontinuoient au pourtour
de la place.
Le pourtour de la barrière de l’hôtel-de-ville étoit
fermé de cloifons de planches peintes en pierres,pour
empêcher le peuple d’entrer dans l’intérieur du perron
» r -
Les murs de face de la cour, les inferiptions & armoiries
ont été blanchis , ainfi que le pourtour dû
périftile, les murs, .voûtes, efcaliers, corridors &
partages de dégagement.
- Sur le pallier du milieu du grand efcalier étoient
deux’luftres de cryftal, & plufieursgirandoles en çirè
le-lorig des murs des deux rampes. ,
1 La grande falle n’avqit point de pieçe qui 1^ précédât
: on conftruifit une antichambre bïi falle des
gardes , de plàin-pié à la grande falle: ; on la prit fur
là cour, & le dëflbüs forma par cet pfdré un périfé-
te âu rez de chauffée de la cour. •
* c.: Cètté falle des gardes.étoif coriftru'ite d’unq folidè
- -ùf.'Cq AoaJear à été icfçnoé du lieu où elles furent .iniçeiitêes
pendant le côiirs dès fêtesque lélè&éûr de Bavieredon-
na à Surene. Voye{ LAWfes 6* Surene. j
charpente & maçonnerie, elleprocuroitune entrée
à la grande falle par fon milieu.; .& loin de gâter la
fymmétrie & l’ordonnance de laeour, elle larendoit
plus régulière.
. Les fept fenêtres de la grande falle furent garnies
de grandes croifées neuves à grands carreaux & à
deux battans, avec des efpagnolettes bronzées.
, ' Le pourtour de la falle étoit décoré d’un lambris
d’appui : les cadres & les panneaux en étoient dorés.
Les murs., trumeaux , embrafemens & plafonds
des croifées de cette falle, ainfi que le pourtour des
tableaux , étoient recouverts de damas cramoili en
toute la hauteur , bordé d’un double galon d’or.
Le deffus de la nouvelle porte d’entrée étoit orné
d’un grand panneau d’étoffe cramoifi , enrichi d’un
grand cartouche qui renfermoit le chiffre du Roi.
. Toutes les croifées étoient garnies de rideaux de
taffetas cramoifi, bordé d’un galon d’o r , avec frange
au pourtour.
Les portières ouvertes & feintes étoient de damas
cramoifi, & garnies d’un double galon d’or.
La peinture & dorure de ces portes avoient été
renouvellées, & toutes les ferrures des portes & des
croifées étoient bronzées.
La falle étoit garnie de banquettes cramoifi : fur
la cheminée, du côté de la chambre qui étoit defti-
née au R o i, étoit placé un rich^idais, fur la queue
duquel étoit le portrait de S. M. '
Ce dais étoit de damas cramoifi, chargé de galons
d’o r , & des aigrettes de plumes blanches au-deffus.
Le bufte du R o i, en marbre blanc, étoit placé au-
deffous de ce tableau, fur une confole dorée.
Les trumeaux des fenêtres étoient garnis chacun
de trois girandoles de c ryftal, pofées fur des confo-
les richement fculptées & dorées.
Le mur oppofé aux trumeaux étoit pareillement
garni de girandoles difpofées avec fymmétrie.
Dans la longueur de la grande falle pendoient
quatorze beaux luftres de forts cryftaux difpofés en
rangs en des difpofitions variées, mais relatives en-
tr’eu x , & d’une fymmétrie fort élégante.
' Dans cette grande falle étoit dreffé, dans l’angle
à côté de la cheminée, un amphithéâtre en gradins,
fur lequel étoient placés foixante muficiens qui dévoient
exécuter des morceaux de mufique pendant
le fejlin du Roi.
Cet amphithéâtre étoit couvert tout-autour de damas
cramoifi galonné d’or.
Le grand buffet de vermeil de la v ille étoit dreffé
dans l’angle de l’autre cheminée, vis-à-vis de l’am-
phithéatre où étoit la fymphoriie.
Les deux cheminées étoient garnies de grandes
grilles neuves, ornées de belles & grandes figures
de bronze doré.
Le plancher de la falle étoit couvert de tapis de
Turquie, & d’un double tapis de Perfe à l’endroit où
le Roi1 de voit fe mettre à table.
La table pour le ftfiin du R o i, que S. M, avoit
permis que l’on drefsât avant fon arrivée, étoit placée
dans cette grande falle. Elle avoit trente piés de
longueur fur huit piés de large; elle étoit compofée de
neuf parties, fur quatre piés brifés en forme de piés
de biche : elle avoit été faite pour trente^deux- couverts.
Les appartemens deftinés pour le R o i, pour la
Reine, pour monfeigneur le Dauphin, pour Mefda-
mes, étoient décorés avec la plus grande magnificence
; mais la Reine & Mefdames ne vinrent point
à l’hôtel-de-ville.
Décoration de la cour de V'Hôtel-de-Ville,
Aux deux côtés de la ftatue de^Louis XIV. étoient
deux grands lis de fer-blanc, garnis d’un grand nombre
de forts lampions.
Au - devant de chaque colonne du premier ordre
étoient des torches dorées, portant chacune des girandoles
dorées à neuf branches, garnies de bougies.
Le fuiplus de ces colonnes, jufqu’à leurs chapiteaux
, étoit garni de deux panneaux de lampions ,
dont le fupérieur formoit un coeur.
Au centre de chaque arcade étoit fufpendu un
luftre de cryftal, au-deffus duquel étoit une agraffe
dorée, d’où fortoient des feftons & chûtes de fleurs
d’Italie.
Les embrafemens de chaque arcade étoient garnis
•de girandoles dorées à cinq branches. L’architefture
de ce premier ordre étoit garnie d’un fil de lampions
au pourtour.
Le deffus de l’entablement étoit garni de falots.
Les colonnes du fécond ordre étoient décorées &
garrnies chacune d’un génie de ronde boffe d’o r, portant
d’une main une girandole dorée à fept branches,
& de l’autre main tenant une branche de laurier qui
montoit en tournant autour du fût de la colonne
jufqu’au chapiteau : cette branche de laurier étoit
dorée.
Dans lafrife de l’entablement, au-deffus des colonnes
, étoient des médaillons d’or à fond d’azur ,
avec fleurs-de-lis & chiffres alternativement rehauf-
fés d’or.
Au centre de chacune des croifées ceintrées étoit
placé un luftre de c ry ftal, fufpendu par un noeud
doré.
Au-deffus de chaque luftre étoitune grande agraffe
dorée, d’où fortoient des feftons auffi dorés.
Au-deffus de l’entablement du fécond ordre étoient
placées des lanternes de verre, formant pavillons
au - deffus des colonnes, & feftons au - deffus des
croifées ceintrées.
Au-devant de la lucarne, au-deffus de la ftatue du
ro i, étoit un tableau tranfparent, avec une inferip-
tion portant ces mots : Rtcepto Cæfare felix. Le
nouveau périftile étoit orné de luftres de cryftal ,
& de girandoles dorées fur les colonnes & les era*
brafemens des arcades.
L’ancien périftile étoit orné de cinq luftres de
■ cryftal, dont celui du milieu en face du premier efcalier
, étoit à vingt-quatre branches, avec feftons
& chûtes de fleurs d’Italie qui formoient un pavillon.
Sur le pallier du milieu du grand efoâlier étoit un
luftre, auffi bien que dans le veftibule & dans tous
les corridors.
Marche du Roi.
Sur les deux heures le Roi partit du château des
Tuileries, ayant devant & derrière fes carroffes les
gendarmes cheyaux-Jegers, les deux compagnies
des moufquetaires, & fes gàrdes-du-corps.
Comme la route de fa Màjéfté étoit par la rue
S. Honoré, celle du R oule, & celle de la Monnoie,
la ville avoit fait élever pour fon paffage une fontaine
de vin à la croix du Trahoir, & on y diftri-
buoit au peuple du vin & de la viande. Sa Majefté
étant au commencement du quai de Gefvres, les boites
& lés canons de la ville firent une décharge, & le
conduifirent à ce bruit jufque dans l’hôtel-de-ville.
Sa Majefté étant arrivée dans la place, y trouva
les gardes françoifes & fuiffes ; les gendarmes & les
chevaux-legers filèrent du côté de la rue du Mouton
, & les moufquetaires allèrent par-deffus le port
pour fe porter à la place aux Veaux.
Lorfque le Roi fut arrivé près la barrière de I’hô*
tel-de-Ville avec fes gardes-du-côrps, il fut reçu à
la defeente de fon carroffe par le prévôt des marchands
& fes échevins, qui mirent un genoü à terfé :
ils furent préfentés par M. le duc de Gefvres comme»