
faites en la. chambre eccléjiajlique des états tenus à Blois
en 1676, drejfé par M. Guillaume d e T a ix , doyen de
Vcglife de Troyes. Cet ouvrage fait partie d’un recueil
en plulieurs cahiers imprimés, &c donnés en 1619
fous le titre de Mélange hijlorique , ou recueil de p lufieurs
actes, traités, lettres mijjives, & autres mémoires
qui .peuvent fervir à la déduction de Vhijloire depuis l an
•3S ° jafqu'en i58o. On trouve auffi dans le recueil
de l'affemblée des états de i 6'i5> rédigépar Florimond
Rapine, & imprimé en iS 5i avec privilège du R o i,
page 4G6. que le préfident Miron , en préfentant à
genoux les cahiers du tiers-état, dit au roi que la conduite
qu’avoit tenue le clergé & la nobleffe, de
n’avoir pas préfenté fes cahiers à genoux, étoit une
entreprife contre la refpe&ueufe coûtume de toute
ancienneté pratiquée par les plus grands du royaume
, voire par les princes & par les évêques, de ne
fe préfenter devant le roi qu’en mettant un genou
en terre ; foit parce qu’en général le peuple n’eft
point retenu, comme la nobleffe & le clergé, par
l ’appas des honneurs & des récompenfes ; foit parce
qu’alors le menu peuple étoit'moins policé qu’il ne
l ’eft aujourd’hui.
Tels furent les objets que l’on traita dans ces premiers
états; par où l’on voit que ces fortes d’affem-
blées n’étoient point une fuite des champs de Mars
8c de Mai ; qu’ils ne furent point établis fur le même
modèle ni fur les mêmes principes. Ils n’avoient pas
non plus les mêmes droits ni la même autorité,
n’ayant jamais eu droit de fuffrage en matière de lé-
giflation , ni aucune jurifdiâion, même fur leurs
égaux : auffi eft-il bien confiant que c’eft le parlement
de Paris qui tire fon origine de ces anciens par-
lemens, & non pas les états, dont l’établiffement ne
remonte qu’à Philippe-le-Bel, & n’avoit d’autre objet
que d’obtenir le confentement de la nation par
l’organe de fes députés , lorfqu’on vouloit mettre
quelques impôts.
On n’entreprendra pas de donner ici une chronologie
exafte de tous les états généraux & particuliers
qui ont été tenus depuis Philippe-le-Bel jufqu’à pré-
fent ; outre que ce détail meneroit trop lo in , les
hiftoriens ne font fouvent pas d’accord fur les tems
de la tenue de plufieurs de ces états, ni fur la durée
de leurs féances : quelques-uns ont pris des états particuliers
pour des états généraux.: d’autres ont confondu
avec les états , de Amples affemblées de notables,
des lits de juftice, des parlemens, des confeils
nombreux tenus par le roi.
On fe contentera donc de parler des états généraux
les plus connus, de rapporter ce qui s’y eft
paffé de plus mémorable, de marquer comment ces
états s’arrogèrent peu-à-peu une certaine autorité,
& de quelle maniéré elle fut enfuite réduite.
Une obfervation qui eft commune à tous ces états >
c’ eft que dans l’ordre de la nobleffe étoient compris
alors tous les nobles d’extraâion, foit qu’ils fuffent
de robe ou d’épée, pourvu qu’ils ne fuffent pas ma-
giftrats députés du peuple : le tiers-état n’étoit autre
chofe que le peuple, repréfenté par ces magiftrats
députés.
Depuis les premiers états de 1301, Philippe-le-
Bel en convoqua encore plufieurs autres : les plus
connus font ceux de 1313, que quelques-uns placent
en 1314. Le miniftre ne trouva d’autre reffource
pour fournir aux dépenfes du ro i, que de continuer
J’impôt du cinquième des revenus & du centième
des meubles , même d’étendre ces impôts fur la nobleffe
& le clergé ; & pour y réuflir on crut qu’il
falloit tâcher d’obtenir le confentement des états.
L’affemblée fut convoquée le 29 Juin : elle ne commença
pourtant que le premier Août. Mezeraÿ dit
que ce fut dans la falle du palais, d’autres difent
dans la cour. On avoit dreffé un échafaud pour le
ro i, la nobleffe & le clergé ; le tiers-état devoit ref-
ter debout au pié de l’échafaud.
Après une harangue véhémente du miniftre, le
roi fe leva de fon throne & s’approcha du bord de
Féchafaud, pour voir ceux qui lui accorderoient
l’aide qui étoit demandée. Etienne Barbette prévôt
des marchands, fuivi de plufieurs bourgeois de Paris,
promit de donner une aide fuffifante, ou de fuivre le
roi en perfonne à la guerre. Les députés des autres
communautés firent les mêmes offres ; & là-deffus
l’affemblée s’étant féparée fans qu’il y eût de délibération
formée en'regle, il parut une ordonnance
pour la levée de fix deniers pour livre de toutes
marchandifes qui feroient vendues dans le royaume*
Il en fut à-peu-près de même de toutes les autres
affemblées d'états ; lés principaux députés, dont on
avoit gagné les fuffrages, décidoient ordinairement,
fans que l’on eût pris l’avis de chacun en particulier
; ce qui fait voir combien ces affemblées étoient
illufoires.
On y arrêta cependant, prefque dans le moment
où elles furent établies, un point extrêmement important;
fa voir, qu’on ne leveroit point de tailles
fans le confentement des trois états. Savaron & Mezeray
placent ce réglement en 1314 , fous Louis Hu-
tin; Boulainvilliers dans fon Hijloire de France, tome
I I . p. 468. prétend que ce réglement ne fut fait que
fous Philippe de Valois : du refte ces auteurs font
d’accord entr’eux fur le point de fait.
Quoi qu’il en foit de cette époque, il paroît que
Louis Hutin n’ofant hafarder une affemblée générale
, en fit tenir en 1315 de provinciales par bailliages
& fénéchauffées, où il fit demander par fes com-
miffaires un fecours d’argent. Cette négociation eut
peu de fuccès ; deforte que la cour mécontente des
communes, effaya de gagner la nobleffe, en convoquant
un parlement de barons & de prélats à Pon-
toife pour le mois d’Avril fuivant, ce qui ne produi-
fit cependant aucune reffource pour la finance.
Philippe V . dit le Long, ayant mis, fans confulter
les états, une imposition générale du cinquième des
revenus & du centième des meubles fur toutes fortes
«le perfonnes fans exception, dès que cette ordonnance
parut, tous les ordres s’émurent ; il y eut même
quelques particuliers qui en interjetterent appel
au jugement des états généraux , qu’ils fuppofoient
avoir feuls le pouvoir de mettre des impofitions.
Le roi convoqua les états, dans l’efpérance d’y
lever facilement ces oppofitions, & que le Suffrage
de la ville de Paris entraîneroit les autres. L’affemblée
fe tint au mois de Juin 1321 ; mais le clergé ,
mécontent à caufe des décimes que le roi levoit déjà
fur lu i, éluda la décifion de l’affaire, en représentant
qu’elle Se traiteroit mieux dans des affemblées
provinciales ; ce qui ne fut pas exécuté, Philippe V .
étant mort peu de tems après.
Charles IV. fon fucceffeur, ayant donné une dé*
daration pour la rédu&ion des monnoies, des poids
& des mefures, le clergé & la nobleffe lui remontrèrent
qu’il ne pouvoit faire ces réglemens que pour
les terres de fon domaine, & non dans celles des barons.
Le roi permit de tenir à ce Sujet de nouvelles
affemblées provinciales ; mais on ne voit pas quelle
en fut la Suite.
Les états de Normandie députèrent vers le roi
Philippe de Valois, & obtinrent de lui la confirmation
de la charte de Louis Hutin, appellée la charte
aux Normands, avec déclaration expreffe qu’il ne
feroit jamais rien impofé fur la province, fans le
confentement des états ; mais on a foin dans tous les
édits qui concernent la Normandie, dé déroger ex-
preffément à cette charte.
Le privilège que leur accorda Philippe de Valois,
n’étoit même pas particulier à cette province; car
les hiftoriens difent qu’en 1338 & 1339 il fut arrêté
dans l’affemblée des états généraux, enpréfence du
ï o i , que l’on ne pourroit împofer ni lever tailles en
France fur le peuple, même en cas de néceffité ou
Utilité, que de l’oôroi des états.
Ceux qui furent affemblés en 1343 , accordèrent
à Philippe-de-Valois un droit fur les boiffons & fur
le fel pendant le tems de la guerre. Il y avoit eu dès
avant 1338 une gabelle impofée fur le fel ; mais ces
impofitions ne duroient que pendant la guerre, &
l’on ne voit point fi les premières furent faites en
conféquence d’un confentement des états. Pour ce
qui eft de l’impofition faite en 1343 , on étoit alors
fi agité qu’on ne parla point de l’emploi qui devoit
être fait ; ce que les états n’avoient point encore
omis.
Aucun prince n’affembla fi fouvent les états que
le roi Jean ; car fous fon régné il y en eut prefque
tous les ans, foit de généraux ou de particuliers, jufqu’à
la bataille de Poitiers.
L ’objet de toutes ces affemblées étoit toujours de
la part du prince de demander quelque aide ou autre
îiibfide pour la guerre ; & de la part des états, de
prendre les arrangemens convenables à ce fujet. Ils
prenoient aufli fouvent de-là occafion de faire di-
.verfes reprèfentations pour la réformation de la juft
ic e , des finances, & autres parties du gouvernement;
après la féance des états il paroiffoit communément
une ordoimance pour régler l’aide qui avoit
é té accordée, & les autres objets fur lefquels les
états avoient délibéré, fuppofé que le roi jugeât à-
propos d’y faire droit.
Il y eut à Paris le 13 Février 1350 une affemblée
générale des états tant de la Languedoii que de la Languedoc,
c’eft-à-dire des deux parties qui faifoient alors
la divifion du royaume : on croit neanmoins que les
députés de chaque partie s’affemblerent féparement.
Les prélats accordèrent fur le champ le fubfide qui
étoit demandé \ mais les nobles & la plûpart des députés
des villes qui n’avoient pas de pouvoir fuffifant,
furent renvoyés dans leur province pour y délibérer.
Le roi y indiqua des affemblées provinciales, & y
envoya des commiffaires qui accordèrent quelques-
unes des demandes ; & fur les autres, il fi<Wputé
pardevers le roi. Quelques provinces accordèrent
un fubfide de fix deniers ; d’autres feulement de
quatre. .
Il paroît que fous le régné du roi Jean on n’affembla
plus en même tems & dans un même lieu les états
de la Languedoii & ceux de la Languedoc, & que
l’on tint feulement des affemblées provinciales d'états,
Il y eut entre autres ceux du Limoufin en 1355,
où l’on trouve l’origine des cahiers que les étçts pré-
fentent au roi pour expôfer leurs demandes. Ceux
de Limofin en préfenterent un , qui eft qualifié en
plufieurs endroits de cédule.
Suivant les pièces qui nous relient de ces differentes
affemblées, on v o it que le roi nommoit d’abord
des commiffaires qui étoient ordinairement choifis
parmi les magiftrats, auxquels il donnoit pouvoir
de convoquer ces affemblées, & d’y affilier en fon
nom ; qii’il leur accordoit même quelquefois la faculté
de fubftituer quelqu’un à la place de l’un d’eux.
Ces commiffaires avoient la liberté d’affembler les
trois états dans un même lieu, ou chaque ordre fépa-
rémênt, & dé les convoquer tous enlemble, ou en
des jours différens.
Les trois ordres, quoique convoqués dans un même
lieu, s’affembloient en plufieurs chambres ; ils
formoient auffi leurs délibérations, & prèfentoient
leurs requêtes féparément ; c’eft pourquoi le roi à la
fin de ces affemblées confirmoit par les lettres tout
ce qui avoit été conclu par chaque ordre, ou même
par quelques députés d’un des ordres çn parti*
jçulier.
J yrt appelloit états généraux du royaume ceux qui
etoient compofés des députés de toutes les provinces «
on donnoit auffi le titre d'états généraux, à l’affemblée
des députés des trois ordres de la Languedoii ou de
la Languedoc ; parce que ces affemblées étoient comp
o se s des députés de toutes les provinces que com-
prenoient chacune de ces deux parties du royaume ;
de forte que les états particuliers ou provinciaux
étoient feulement ceux d’une feule province , &
quelquefois d’un feul bailliage ou fénéchauffée.
Les états généraux de la Languedoii ou pays coutumier
, furent affemblés en la chambre du parlement
en 1355. Le chancelier leur ayant demandé
une a ide, ils eurent permiffion de fe confulter entre
eux ; enfuite ils fe préfenterent devant le roi en la
même chambre, &c offrirent d’entretenir 30000 hommes
d’armes à leurs frais. Cette dépenfe fut eftimée
50000 liv. & pour y fubvenir, les états accordèrent
la levée d’une impofition.
L’ordonnance qui fut rendue à cette occafion le
28 Décembre 1355» ^ it connoître quel étoit alors
le pouvoir que les états s’étoient attribué. Ils commencèrent
, par la permiffion du ro i, à délibérer
fur le nombre des troupes néceffaires pour la guer* -
re ; 20. fur les fommes néceffaires pour foudoyer.
l’armée; 30. fur les moyens de lever cette fomme ,
& fur la régie & emploi des deniers ; ils furent même
autorifés à nommer des généraux des aides pour
en avoir la fur-intendance, & des élûs dans chaque
diocèfe pour faire l’impofition & levée des deniers ,
ufages qui ont fubfifté jufqu’à ce que le roi fe réferva
la nomination des généraux, & qu’il érigea les élûs
en titre-d’office ; il fut auffi arrête que le compte de
la levée & emploi des deniers feroit rendu en pré-i
fence des états, qui fe raffembleroient pour cet effet
dans le tems marqué.
Les états avoient auffi demandé que l’on réformât
plufieurs abus qui s’étoient gliffés dans le gouvernement
; & le roi confidérant la clameur de fon peuple
, fit plufieurs réglemens fur les monnoies, fur les
prifes de vivres & provifions qui fe faifoient pour
le roi & pour fa maifbn-furfes prêts forcés d'argent,
fer. la jurifJi&ion dëS’jïïges ordinaires, enfin fui’ plusieurs
chofes qui concernoient la difeipline des troupes.
Lorfque le roi Jean fut pris par les Anglois, le dauphin
encore jeune croyant devoir ménager tous les
différens ordres du royaume dans une conjoncture fi
fâcheufe, affembla les états à Paris au mois de Mai
13 5 6 , dans la falle du parlement,pour lui donner aide
8c confeil, tant pour procurer la prompte délivrance
du roi, que pour gouverner le royaume & conduire
la guerre pendant fon abfence. Il fe crut d’autant plus
obligé d’en ufer ainfi, qu’il ne prenoit encore d’autre
qualité que celle de lieutenant général du royaume >
dont la régence ne lui fut formellement déférée qu’un
an après par le parlement.
Les députés ayant obtenu un délai pour délibérer
entre e u x , tinrent des affemblées particulières dans
le couvent des Cordeliers ; s’étant plaints au dauphin
que la préfence des commiffaires du roi gênoit
la liberté des délibérations, ces commiffaires furent
rappelles. On convint de cinquante députés des trois
ordres pour dreffer un projet de réformation ; on délibéra
auffi fur ce qui touchoit la guerre & la finance.
Le dauphin étant venu à leur affemblée, ils lui demandèrent
le fecret, à quoi il ne voulut pas s’obliger.
Les députés au lieu de s’occuper à chercher les
moyens de délivrer le roi qui étoit-prifonnier à Londres
, firent des plaintes fur le gouvernement & voulurent
profiter des circonftances, pour abaifler injuf-
tement l’autorité royale. Ils firent des demandes ex-
ceffives qui choquèrent.tellement le dauphin, qu’il
éluda long- tems de leur rendre réponde: mais eafin