
fujets dans un état d’infirmité habituelle ne fe plain-
droient pas des brufques fermentations qu’éprouvent
les gouvernemens d’une conftitution vigoureufe.
i ° . Que fi vous préfériez les périls inféparables
de la liberté, à l’oppreflion continuelle , lèroit - il
mieux de mettre votre fouverain à l ’abri de toute domination
étrangère, & qu’il n’y eût qu’un l'eul chef
dans l’état ? Mais s'il n'y a point de barrière au.pouvoir
du fouverain, . . . ; Hé quoi I ne nous refte-t-il pas
des lois fondamentales. 8c des corps intermédiaires ?
IL s'enfuivroit donc une réforme générale dans le corps
dévoué au culte religieux. Maisferoit-ce un malheur
qu’un corps trop puilfant perdît quelque chofe, li
tant d’autres dévoient y gagner? Tandis,qu’il refte-
roit une extrême confidération pour les richeffes, le
commerce tiendroit les autres états en équilibre; la
noblefle ne prévaudroitpas ; les tribunaux fe rempli-
roient d’excellens fujets, qui ne font pas toujours tels
dans l’ordre eccléfiaftique : au lieu de ces difcuflions
théologiques, qui tourmentent les efprits-fans affermir
la religion, l’application fe tournerait yers les
matières de droit public ; on s’éclaireroit fur les véritables
intérêts de la nation : cette fourmilière , qui fe
jette dans les bas emplois de laMagiftrature & d e l’E-
glife, peupleroit les campagnes & les atteliers ; on
s’occuperoit du travail des mains, beaucoup plus naturel
à l’homme que .les travaux de l’efprit. Il ne
faudroit qu’adoucir la condition du peuple, pour
l’accoûtumer infenfiblement à cette amélioration.
3°. Les rois ont tant d’intérêt à arrêter les progrès
dufanatifmej s’il leur fut quelquefois utile, ils Ont
eu tant de raifons de s’en plaindre , qu’on ne peut
alfez demander comment ils ofent traiter avec un
ennemi fi dangereux. Tous ceux qui s’occupent àde
détruire, de quelque nom odieux qu’on les appelle,
font les vrais citoyens qui travaillent pour l’intérêt
du prince & la tranquillité du peuple. L’efprit phi-
lofophique eft le grand pacificateur des états ; c’eft
peut-être dommage qu’on ne lui donne pas de tems-
en-tems un plein pouvoir. Les Sintoïftes, feéle du
Naturalifme au Japon, regardent le fang comme la
plus grande de toutes les fouillures ; cependant les
prêtres du pays les déteftent & les décrient, parce
qu’ils ne prêchent que la raifon 8c la vertu, fans cér>
rémonies.
Un peu de tolérance & de modération ; fur-tout
ne confondez jamais un malheur (tel que l’incrédulité)
avec un crime qui eft toujours volontaire. Toute
l’amertume du zele devroit fe tourner contre ceux
qui croyent, & n’agiffent pas; les incrédules refte-
roient dans l’oubli qu’ils méritent, 8c qu’ils doivent
fouhaiter. Puniffezà la bonne heure ces libertins qui
ne fecouent la religion, que parce qu’ils font révoltés
contre toute efpece de joug , qui attaquent les
moeurs 8c les lois en fecret & en public : puniflez-les,
parce qu’ils deshonorent & la religion où ils font
nés, & la philofophie dont ils font profeflion : pour-
fuivez-les comme les ennemis de l’ordre & de la fo-
ciété ; mais plaignez ceux qui regrettent de n’être pas
perfuadés. Eh, n’eft-ce pas une affez grande perte
pour eux que celle de la fo i, fans qu’on y ajoute la
calomnie & les tribulations ? Qu’il ne foit donc pas
permis à la canaille d’infulter la maifon d’un honnête
homme à coups de pierre, parce qu’il eft excommunié
: qu’il joiiiffe encore de l’eau & du feu, quand on
lui a interdit le pain des fideles : qu’on ne prive pas
fon corps de la fépulture, fous prétexte qu’il n’eft
point mort dans le fein des élus ; en un mot, que les
tribunaux de la juftice puiflent fervir d’afyle au défaut
des autels . . . . Quelle indigne licence, dites-vous, j
va faire tomber la religion dans le mépris ? . . . . .
Eft-ce qu’elle fe foûtient fur des bras de chair ? Voudriez
vous la faire regarder comme un inftrument
de politique ? N’en appeliez 4p»Ç plus des decrets
de$ homfiies à l’autorité divine, & foûmettez-vous
le premier, à. une puifijanoe de qui vous tenez la vôtre
;.mais plutôt faites, aimer la religion, en laiflant
à chacun la, liberté de la fuivre. Prouyez la vérité
par vos oeuvres,- 8c non par un étalage de-faits étran-
gers à la Morale, & moins çpnféqiiens que vos exemples;
foyez doux& pacifiques ; v.oilà le triomphe af-
lûré. à la religion, & le, chemin coupé,au fanatifme.
Ajouterons-nous ; d’après, un auteur anglois, que
« \<ç fanatifme eft trèsTqqiitrajte, à l’autqrÿé duiaçer-
» doce ? En effçt portés dans leurs extafes a la fource
» même de la lumière, loin de reconnaître les lois
» de l’Eglil'e ; les fanatiques s’érigent eux-mêmes en
»: légifiateurs ,-&; publient tout haut les fecrets de la
»Divinité , au mépris,des traditions & des formes
» reçues ». Comme un: favori du princp, qui n’attend
ni fon rang ni l’expérience pour cpmmander,
8ç qui ne pouvant être à la tête.des affairés, faute
d’habileté, l'e plaît à renyerfer par fon crédit les
difpofitions du minifter©,; «,1e fanatique, fans rece-
» voir l’on&ion, fe confacre lui-même ; 8c n’ayant
» pas befoin de médiateur pour aller à D ieu , il fub-
» ftitue fes vifions à la révélation & fes grimaces aux
» cérémonies.
» En général nous .ayons, vu en Angleterre nos
» enthoufiaftes en fait de religion, paffionpés pour le
» gouvernement .républicain ., tandis que les plus fu-
» perftitieux étoientlespartilans de la préf.qgative. De
» meme, continue lew même .auteur , nous voyons
» ailleurs deux pa rtisdont l’un efclavé & tyran de
» la cour eft dévoilé à l’autorité, & l’aptre pçu foû-
».misxonferye quelques étincelles de l’amour pour
» la liberté,».
Si la fupèrftition fubjugye & dégrade les hom-
mçs î le fanatifme les releve: l’une 8c l’autre font de
mauvais politiques ; mais celui - ci fait.le.s. fions fol—
dats. Mahomet n’eut prefque jamais qu’un croyant
contre dix infidèles dans la plupart de fes Combats :
avec trois cents hommes, il étoit en. état d’én vaincre
dix mille, tant la confiance en des légions célel>
tes &c l’ëfpérance d’une couronne immortelle dôn-
noient de force à fa petite troupe. Un général d’armée,
un miniftre d’état, peuvent tirer grand, parti de
ces amçs de feu. Mais aufli. quels dangereux inftfu-
mens, en de tnauvaifesmains ! Un enthoufiafte eft fou-
vent plus redoutable avec fes armes invifibles, qu’un
prince avec toute fon artillerie. Que'faire à des
gens qui mettent leur falut dans la mort; qui fe
multiplient à mefure qu’on les moiffonnè, 8c dont
un feul fuffit pour réparer les plus nombreufes pertes
? Semblables au p olype, partagez tout lé: corps
en mille pièces, chaque membre coupé forme un
nouveau corps. Exilez ces efprits ardens au fond
des provinces , ils mettront toutes les villes en feu-'
Il ne refteroit donc qu’à lès enfermer çà & là dans
les prifons, où ils fe confumeroient comme des ti-
fons embrafés , jufqu’à ce qu’ils fuffent réduits en
cendres.
On ne fait guere quel parti prendre avec un corps
de fanatiques ; ménagez-les , ils vous foulent aux
piés ; fi vous les perfécutez, ils fe foûlevent. Le meilleur
moyen de leur imppfer filênce, eft de détourner
adroitement l’attention publique fur d ’autres objets
; mais ne forcez jamais. Il n’y a que le mépris 8c
le ridicule qui puiflent les décréditer & les affaiblir.'
On dit qu’un chef de police, pour faire ceffer les
preftiges du fanatifme, avoit réfolu, de concert avec
un chimifte célébré, de les faire parodier à la foire
par des charlatans. Le remede étoit fpécifique, fi
l’on pouvoit defabufer les hommes fans de grands
rifques ; mais pour peu qu’on leve le voile , il eft
bien-tôt déchiré. Ménagez la religion & le peuple,
parce qu’ils font redoutables l’un par l’autre.
Le fanatifme a fait beaucoup plus de mal au mondê
que Pirtipiété. Que prétendent les impies rife délivrer
d’un joug , au lieu que les fanatiques veulent
étendre leurs fers fitï toute la terre. Zélotypie infer-*
nale ! A-t-ôn vu dès feéfes d’incrédules s’attrouper,
& marcher en armes contré la divinité ? Ce font des
âmes trop foibles pour prodiguer le fang humain :
cependant il faut quelque force pour pratiquer le
bien fans motif, fans efpoir, & fans intérêt. Il y a de
la jaloufie 8c de la méchanceté à- troubler des ames
én pofleflion d’elles-mêmes , parce qu’elles n’ont ni
les prétentions , ni les moyens que vous avez . . . . .
On fe gârde bien au refte d’adopter de femblables
raifonnemens,qui ont faitle tourment de tant d’hommes
âuflî télebres par- leurs difgracesç que par les
écrits qtif lés leur ont attirées. 1 Mniss’il étoit permis d’emprunter un moment, en
faveur de-l’humaiiité,' le ftyle enthoufiafte, tant de
fôiirèm'ployé contr’elle, ;vôici l’unique priere qu’on
oppbferoit aux fanatiques •'
*- « T o i quf veux lei bien de tous les hommes , 8c
» dù’à'itciih'ne périffe ; puifque tu ne prens aucun plai-
»V-fir à la mort du méchant; délivre nous , non pas des
»-ravages, de la guerre :8c des tremblemens.-de terre,
» cfe'fônt des maux paffagers1, limités , :& d’ailleurs
» inévitables, mais de la fureur des perfécuteurs qui-
» invoquent ton faint nom; Enfeigne-leuf que tu hais»
» le fang, que l’odeur des viandes immolées ne mont
r e point jufqu’à to i, & qu’elle n’a point la vertu de
» diflipèr la foudre dans les airs, ni de faire ;defcendre
» la rofée du ciel. Éclaire tes: zélateurs, afin qu’ils fe
» gardent au-moins^de confondre l’holocàufte avec
» l’homicide. Remplis-les tellement de l’amour d’eux-
» mêmes, qu’ils puiflent oublier leur prochain, puif-
» que leur pitié n’eft qu’une vertu deftru&ive. Hé !
>> quel eft l’homme que tu as chargé du foin de tes
»■ vengeances, qui ne les mérite cent fois plus que les
». viétimes qu’il t’immole ? Fais entendre que ce n’eft
>> ni'la raifon ni la 'fô rcem a is ta lumière 8c ta bon-
» t é , qui conduifent les âmes dans tes voiés ,& que
» c’éft infulter à ton pouvoir, que d’y mêler le bras
» deT’homme. Quand tu voulus former l’Univers,
» l’appellas-tu à ton fécours ? & s’il te plaît de m’in-
» trôduire à ton banquet, n’es-tu pas infini dans tes
» mérveilles ? mais tu ne veux pas nous fauver mal-
» gré nous. Pourquoi n’imite-t-on pas la douceur de
» ta grâce, & prétend-t-on m’inviter par la crainte à
» t’aimer ? Répands l’efprit d’humanité fur la terre,&
» cette bienveillance univerfelle , qui nous remplit
» de vénération pour tous les êtres avec qui nous
» partageons le don précieux du fentiment, 8c qui
» fait que l’or & les émeraudes fondus enfemble
» ne fauroient jamais égaler devant toi le voeu d’un
» coeur tendre 8c compatiflant, encore moins expier
» l’horreur d’un homicide ».
Fanatifme du patriote. Il y a une forte de fanatifme
dans l’amôur de la patrie, qu’on peut appeller
le culte des foyers. II tient aux moeurs , aux lois , à
la religion , 8c c’eft par-là fur-tout qu’il mérite davantage
ce nom. On ne peut rien produire de grand
fans ce zele outré, qui groflïflant les objets , enfle
aufli les efpérances , & met au jour des prodiges incroyables
de valeur & de confiance. Tel étoit le
patriotifme des Romains. Ce fut ce principe d’héroïf-
me qui donna à tous les fiecles le Ipeêlacle unique
d’un peuple conquérant & vertueux. On peut regarder
le vieux Brutus, Caton, les Dècius pere & fils,
& les trois cents Fabius dans l’hiftoire civile, comme
les lions & les baleines dans l’hiftoire naturell
e , 8c leurs a&ions prodigieufes, comme ces volcans
inattendus, qui defolant en partie la furface du
globe, affermiflent fes fondemens, & caufent l’admiration
après l’effroi. Mais ne mettez pas au même
rang les vains déclamateurs, qui s’enthoufiafment
indifféremment de tous les préjugés d’état, & qui préferent
toujours leur.pays, uniquement parce qu’ils y
font nés. 11 eft fans doute beau de mourir pour fa patrie
; & quelle eft la chofe pour laquelle on ne meurt
pas ? Donc la nature n’a pas mis de bornes à ees maximes
. . . . . . Ecoutez les plus beaux v ers, ou l’idée
la plus neuve & la plus fublime d’un de nos grands
poètes dans ces derniers, jours. Voyez comme, line
mere.parle.à fon époux , qui veut lui arracher fort
fils, pour le l'acrifier au fils de fes rois.
V i 3le nom de fujetn'eft pas plus grand pour nous *
Que ces n om s Ji facfés & de pere & d 'é p o u x .
La nature & V h ym e n f V o i la le s l o i s p r em iè r e s >
Les devoirs , Us lieris des nations entières :
Ces lois viennent'dés dieux , le rejle ejl des humains i
Cet article ejl de. Mi DELEYRE auteur de Canalyfl
de la philofophie du chancelier Bacon.
F AN AT IS M E, ( m a la d ie ) v o y e [ DÉMONOMANIE,
M é l a n c o l ie y & l 'a r t ic le p r é c é d e n t .
FANEGOS, f. m. ( Commerce. ) mefure des grains
dont on fe fert en Portugal ; quinze fanegos font le
muid ; quatre alquiers font le fanegos ; quatre muids
de Lisbonne font lelaft d’Amfterdam. Voye^ Mu i d ,
A l q u ie r , L a s t . Dictionn. de Commode Trév. & de
Chamb. (C?)
F A N E Q U E , f . m. ( Comin.) mefure des grains
dont on fe fert dans quelques villes d’Efpagne, comme
à Cadix, S. Sébaftien, 8c Bilbao. Il faut vingt-,
trois à vingt - quatre faneqües de S. Sébaftien , pour
le tonneau de Nantes , de la Rochelle & d’A v ra y ,
c’eft-àrdire pour neuf feptiers & demi de Paris. La
mefure de Bilbao étant un peu plus grahde, vingt à
vingt-lin faneqües fufïifent pour un tonneau de Nan-»
tés, A v ra y , 8c la Rochelle. Cinquante faneqües de
Cadix 8c de Séville, font le laft d’Amfterdam ; cha».
que faneque pefe 93 \ livres de Marfeille ; quatre
ehays 'font la faneque , & douze anegras le catus*
Voye^ Mu id , L a s t , A n e g r a s , Oc. Diclionn. de
Comm.de Trév. & de Chamb. (G')
* FANER, v; aéh ( E c o n . r u f t iq . ') c’eft,‘lorfquele
foin a été fauché, qu’il a repol’é fur le pré, & que le
deffus én eft fec, le retourner avec des fourches 8c
l’agiter un peu en l’air : cette façon fe réitéré plu-
fieurs fois, & elle rend le foin meilleur. V o y e f l e s art
i c le s F o in & P r é .
FANFARE, f. f. forte d’air militaire, pour l’ordi-'
naire court 8c brillant, qui s’exécute par des trompettes
, & qu’on imite liir d’autres inftrumens. La
fanfare eft communément à deux deflùs de trompettes
, accompagnées de tymballes ; 8c bien exécutée,
elle à quelque chofe de martial 8c de g a i, qui convient
fort à fon ufage. De toutes les troupes de l’Europe
, les allemandes font celles qui ont les meilleurs
inftrumens militaires ; aufli leurs marches & fanfares
font - elles un effet admirable. C ’eft une chofe k
remarquer, que dans tout le royaume de France , il
n’y a pas un feul trompette qui fonne jufte, 8c que
les meilleures troupes de l’Europe , font celles qui
ont le moins d’inftrumens militaires & les plus dif-
cordans ; ce qui n’eft pas fans inconvénient. Durant
les dernieres guerres , les payfans de Bavière &
d’Autriche , tous muficiens nés , ne pouvant croire
que des troupes réglées euffent des inftrumens fi faux
8c fi déteftables , prirent tous ces vieux corps pour
de nouvelles levées, qu’ils commencèrent à mepri-
fer, 8c l’on ne fauroit dire à combien de braves gens
des tons taux ont coûté la vie. Tant il vrai que dans
l ’appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce
qui frappe les fens. (•£)
* FANFARON, f. m. celui qui affeéle une bravoure
qu’il n’a point : un vrai fanfaron fait qu’il n’efl:
qu’un lâche. L’ufage a un peu étendu l’acception de ce
mot ; on l’applique à celui même qui exagere ou qui
montre avec trop d’affeftatjion & de confiance la
il
If!