
6 Mai 17 5 5, qui vient de paroître, nous engage, pour
le rendre plus complet, à y ajouter la formation de
deux colonnes dont elle tait mention, c’eft-à-dire
de la colonne efattaque, & de celle de retraite.
De la colonne d'attaque. Avant d’expliquer cette
évolution, il faut obfervere
i°. Que lés bataillons , depuis la réforme faite
après la paix d’Aix-la-Chapelle en 1748, font de
douze compagnies de quarante hommes chacune,
en y comprenant deux fergens & un tambour, &
qu’ils ont de plus une compagnie de grenadiers de
quarante-cinq hommes.
2°. Que les douze premières compagnies qui forment
le bataillon font réunies deux à deux ; enforte
qu’elles d'ivifent le bataillon en fix parties, ou divisons
de deux compagnies chacune, non compris les
grenadiers.
Deux compagnies réunies font appellées compagnies
couplées, & le corps qui en réfulte fe nomme
peloton.
Il fuit de-là que le bataillon eft compofé de fix
pelotons, & d’une compagnie de grenadiers ; elle
doit être immédiatement à la droite du bataillon
quand il eft formé par la droite, & à la gauche lorf-
qu’il eft formé par la gauche.
Le piquet du bataillon eft toûjours, lorfque le bataillon
eft en bataille, au côté ou au fianc oppofé à
celui qu’occupent les grenadiers. Voye^ Piquet.
Les bataillons auxquels on veut faire former la
colonne dont il s’agit i c i , ou qu’on veut exercer aux
autres évolutions , doivent être à fix de hauteur, fui-
vant l’ordonnance du 6 Mai 175 5 , qui confirme en
cela la difpofition de l’inftruûion du 14 Mai 1754.
Cette colonne doit être de deux bataillons.
Formation de la colonne d'attaque. Soient les deux
bataillons A B &c C D (Jig. ( f i . ) rangés en bataille
fur la même ligne, & éloignés l’un de l’autre de l’intervalle
que les piquets, qu’on a fupprimés dans
cette figure, devroient occuper.
Ces deux bataillons font divifés en pelotons, dans
Fordre prefcrit par les reglemens qu’on vient de citer
; favoir le premier peloton à la droite du bataillon
A B , formé par la droite ; le fécond à la gauche,
&c. & les grenadiers G à la droite du i er peloton.
Le fécond bataillon formé par la gauche, a fon
premier peloton à la gauche, le fécond à l’aile droite
, & la compagnie de grenadiers à la gauche.
Le piquet du premier bataillon devroit être à la
gauche de ce bataillon, & celui du fécond à la droite
du fien ; ils ne s’y trouvent point, parce que lorsqu’on
veut former la colonne, on le fait rentrer dans
le bataillon.
Pour cet effet, le major ayant fait le calcul de la
force des deux bataillons , en y comprenant les piquets
, fait avertir les comniandans des pelotons de les
égalifer , en les mettant a un même nombre de files, lequel
il fixera; & chaque commandant de peloton doit
en faire informer les officiers de ferre-file.
« Auffi-tôt après cet avertiffement, les capitaines
» des piquets leur feront faire demi-tour à droite,
» marcher huit pas en-arriere de deux piés chacun,
» & faire enfuite à-droite & à-gauche, pour aller fe
» difperfer dérriere leur bataillon, chaque foldat à
» portée de fa compagnie.
» Les commandans des pelotons dont le nombre
» des files excédera celui que le major aura fixé, fe-
» ront paffer cet excédent derrière le fixieme rang;&
^ dans les pelotons qui auront moins de files qu’il
» n’aura été ordonné, les officiers de ferre-file feront
» entrer le nombre de foldats néceffaire pour les
» compléter, prenant de préférence ceux de leur pe-
» loton qui étoient de piquet, & après eux ceux des
» compagnies les plus voifines qui ne feront point
» employés.
Pendant cette opération, le major fait ouvrir les
bataillons à droite & à gauche, autant qu’il eft né-
ce flaire pour y introduire les files qui doivent fervir
à égalifer les pelotons.
A l’égard des foldats furnuméraires qui ne font
point admis dans les pelotons, dès que le major fait
les commandemens néceffaires pour former la colonne
, ils font à-droite & à-gauche pour aller fe former
fur trois rangs au centre de l’intervalle des bataillons
, c’eft-à-dire vers F , « Ils doivent être com-
» mandés par un lieutenant , s’ils ne font pas plus
» de trente hommes ; & par un capitaine avec un
» lieutenant, s’ils font en plus grand nombre ; &
» ces officiers feront de ceux qui etoient auparavant
» de piquet, les autres fe trouvant à leurs compa-
» gnies ».
Après cette préparation le major commandera.
1. Prené{ garde a vous pour former la colonne d'attaque.
2. Je parle aux premiers pelotons,
3. Marche.
Au dernier commandement, les premiers pelotons
de chacun des deux bataillons A B & C D ,
marcheront en-avant, en F 6 c en H , par huit pas
redoublés (a ) , qui font feize piés, ou environ cinq
pas de trois piés.
Le premier F fera enfuite à gauche, & le fécond
H à droite , & ils marcheront après cela pour fe
réunir en X Y , v is -à -v is le centre de leur intervalle
; oii s’étant joints, ils feront face en tête, &
ils marcheront en-avant vers T , T , pour former la
tête de la colonne.
Les troifiemes pelotons de chaque bataillon feront
de même que les deux précédens, huit pas redoublés
en-avant , auffi-tôt que ces pelotons auront
paffé devant eu x, & ils marcheront; favoir, celui
du bataillon de la droite par fon flanc gauche, &
celui de la gauche par le flanc droit, pour fuivre les
deux premiers pelotons, & fe réunir derrière e u x ,
après avoir fait face en tête étant arrivés en X&c Y.
Cette manoeuvre fe fera de même fucceffivement
par les cinquièmes pelotons de chaque bataillon,
puis par les fixiemes, les quatrièmes, & les deuxiemes.
Comme ces derniers doivent fermer la colonne
, ils ne marchent point d’abord en - avant ; mais
auffi-tôt que les quatrièmes pelotons les ont dépaf-
fés, le premier A avance en Z par le flanc gauche ,
le fécond B par le flanc droit ; & lorsqu’ils fe font
ainfi réunis, ils font face en tête, & ils marchent à
la fuite des quatrièmes pelotons.
R e m a r q u e s .
I. Il eft évident qu’au lieu de faire paffer ainfi
fucceffivement les pefotons devant le front du bataillon
, on peut les faire paffer à la queue, c’eft-
à-dire derrière le fixième rang : pour cet effet il fuffit
de commander aux deux bataillons de faire demi-
tour à droite, avant de leur ordonner de marcher.
« Les officiers & fergens des premiers pelotons
» qui font en ferre-file , iront joindre au premier
» commandement ceux qui font à la tête de leur
» premier rang ; ceux des deuxiemes pelotons paf-
» feront en ferre-file : dans les autres pelotons, ils
» ne quitteront leur place ordinaire que lorfque leur
» peloton ayant longé le front du bataillon, la file
» de la gauche ou dé la droite arrivera dérriere le
» peloton qui le précédé ; alors ils s’arrêteront pour
» fe trouver tous en colonne lorfqu’elle fera for-
» mée, obfervant de s’y partager également, afin
» d’occuper les flancs de tous les pelotons. A l’égard
» des commandans des bataillons, ils fe placeront
» à la tête de la colonne ». Ordonn. du 6 Mai ryS5.
{a) On appelle pas redoublés ,• des pas de deux piés, qu’on
doit faire dans le teins qu’on feroit un pas ordinaire, c’cll-à-
dire pendant la durée d’une fécondé. Voye[ Pas.
III. Le peloton compofé des foldats furnumérai-
rés , fe placera en S derrière la colonne, à quatre
pas de deux piés en-arriere de fon dernier rang :
•ce peloton fera fur trois rangs. _ .
IV. La compagnie G de grenadiers dû bataillon
A B de la droite, ayant fait à-gauche au commandement
de marche, occupera fucceffivement le vuide
que le départ des pelotons laiffera à fa gauche, &
elle arrivera ainfi fur le flanc droit de la queue de la
colonne, au dernier rang de laquelle elle appuiera
la file gauche de fon premier rang à deux pas de
deux piés, en-dehors de l’éloignement du flanc droit
de la colonne ; comme on le voit en G. A l’égard des
grenadiers du bataillon de la gauthe C D , ils viendront
fe placer de même en G fur le front gauche, à
la queue de la colonne. Ces deux compagnies on t,
dans la figure, lè même front que les pelotons des
bataillons ; parce qu’ils font à trois de hauteur, &
que ces' pelotons le font à fix.
V. Les tambours, à l’exception de deux qui fe
tiendront aux deux côtés de la colonne, fe placeront
à droite & à gauche du peloton furnuméraire S .
VI. La colonne ainfi formée, aura deux pelotons
de front & fix de profondeur ; c’eft-à-dire environ
vingt-quatre foldats de front -, & trente-fix de profondeur.
VII. La colonne fe divife en trois ferions ; la
première , compofée des premiers & troifiemes pelotons
; la fécondé, des cinquièmes & fixiemes ; &
la derniere, des quatrièmes & deuxiemes. Ces fec-
tions, foit en marchant ou lorfque la colonne eft
arrêtée, doivent toûjours confier ver quatre pas de
deux piés, de diftance entr’elles.
On peut voir dans l’ordonnance du <? Mai 1755,
que nous avons prefque copiée jufqu’ic i, quels font
les fignaux preferits pour la faire marcher de diffé-
rens fens, &: la manière de la rompre pour la remettre
en bataille.
Ceux qui connoiffent le traité de la colonne de M.
le chevalier de Folard, s’appercevront aifément que
la précédente a beaucoup de rapport à celle que
propofe cet habile officier. Elle n’en différé guère.
i° . Qu’en ce que M. de Folard compofé la fienne
depuis un bataillon jufqu’à fix , & que celle dont il
s’agit n’en doit avoir que deux:
Et 20. En ce que cet auteur veut qu’on introduife
des armes de longueur dans les corps qui compofent
fa colonne, comme des efpeces de piques ou de per-
tuifanes de onze piés de long. Ces armes doivent
être difperfées, de manière qu’au premier rang de
chaque fe&ion , & aux deux premières files des
flancs, ou (comme l’auteur les appelle) des faces de
la colonne, il y ait un piquier entre deux fufiliers,
afin de fraifer ainfi d’armes de longueur les côtés extérieurs
de la colonne, pour en rendre l’approche
plus refpeâable à la cavalerie.
Il eft certain qu’un corps d’infanterie comme la
colonne, armé & difpofé de même, ne pourra être
entamé que très - difficilement par de la cavalerie,
qu’il pourra percer, & culbuter les autres corps qui
lui feront oppofés, rangés à la méthode ordinaire
fur un grand front & peu de profondeur : c’eft principalement
dans ces fortes de cas, c’eft-à-dire lorf-
qu’on peut approcher de l’ennemi & le charger, que
l’on peut tirer de grands avantages de la colonne :
car s’il s’agit d’aftion de feu, elle y eft moins propre
que le bataillon ordinaire, à caufe de l’épaiffeur
de fes files, & du peu d’étendue de fon front. « Auffi
» M. de Folard dit-il, que le propre de la colonne ejl
■ »dans C action; qu'il ne s’agit pas de tirailler , mais
» d’en venir d'abord aux coups d?armes blanches , & de
» joindre l ennemi ; parce qu’alors le feu ria plus lieu 6*
» qu'il n’y en a aucun à effuyer ». Traité de la colonne ,
pag. iS.
’ Tome VI,
Pour former la colonne, fuivant M. le chevalier
de Folard, il ne s ’agit que de doubler, tripler, quadrupler
, & quintupler les files ; c’eft -à - dire les hauffer ou
les baiffer, félon la force & lafoibleffe des corps.
La méthode qui lui paroît la plus fimple pour cet
effet, confifte à divifer le bataillon en autant de fec-
lions & fur autant de files ou de rangs defront, qu’on
en veut mener à la charge.
M. de Folard fuppofe le bataillon de 5 <fo fufiliers,
les grenadiers compris. Ce nombre lui paroît
le plus parfait pour former le bataillon. Il fuppofe
auffi qu’il eft à cinq de hauteur ; ce qui eft là moindre
que le bataillon puiffe avoir pour le choc.
Cela pofé, l’armée étant en bataille fur deux lignes
& une referve, « la cavalerie fur les ailes, 8c
» l’infanterie au centre ; la diftribution,l’ordonnance
» des troupes, & le choix des corps qui doivent
» former les colonnes fur le front étant-fait, on fé-
» parera les grenadiers de chacun de ces corps ; on
» commencera par ce commandement :
» A vous bataillons,
» Attention.
» A droite par manches (<i) triple£ vos files.
» Au commandement, premièrement la manche
» du centre du bataillon rentre dans celle de la droi-
» t e , le premier rang derrière le premier, le fécond
» derrière le fécond, & ainfi des autres.
» En même tems la manche de la gauche entre
» dans les deux premières manches jointes enfem-
» ble ; le premier rang derrière le premier de la man-
» che du centre, le deuxieme derrière le deuxieme,
» & ainfi du refte : de forte que chaque bataillon fe
» trouve à quinze de hauteur, étant rare qu’il y ait
» des furnuméraires ».
M. de Folard fuppofe que le bataillon ainfi mis
en colonne, aura trente files de front. Il eft évident
qu’il en auroit trente-trois au lieu de trente :
mais ce favant officier prend ici un nombre rond,
qui approche très-fenfiblement de la force du bataillon.
« Au commandement précédent, les deux ou les
».trois compagnies de grenadiers , fuppofé que. la
» colonne foit de plus de deux bataillons, fe porte-
» ront à la queue de la derniere fe&ion, chacune à
» cinq ou fix de hauteur ». Veye^ çette colonne, figure
66. des évolutions y divifée en trois ferions avec
les grenadiers à la queue.
Si les grenadiers ne font pas corps avec la colonne,
c’eft qu’il faut toûjours, dit M. de Folard ,•
féparer un corps d’élite 8c de réputation ; que d’ailleurs
comme les bataillons ordinaires ne peuvent
réfifter au choc de la colonne, quand même leur
épaiffeur feroit triple de celle qu’on leur donne communément,
lorfqu’elle les ^rompus, on peut faire
partir les grenadiers après les fuyards, les jetter
dans les intervalles des bataillons ou des efeadrons,
ou pour tout autre ufage que les commandans des
colonnes jugeront à-propos.
« Si l’on .veut former deux colonnes d’une feule,
» ou la couper en deux de tête à queue, on fait ce
» commandement :
» A droite & à gauche forme£ deux colonnes4
» Marche,
» Halte.
» Ce commandement fe fait lorfqu’après avoir
» percé une ligne, on veut profiter de cet avantage
» pour tomber à droite & à gauche fur les flancs des.
» bataillons qui font à côté, & qui foûriennent en-
» core contre ceux qui leur font oppofés. Ce mou-
» vement ne doit fie faire que lorfque la première li-
» gne tient ferme encore aux endroits où il n’y a
(a) M. dé Folard appelle manche, le tiers du frotit du
bataillon: ainfi le bataillon a trois manches ; favoir celle de la
droite, celle du centre > & celle de la gauche. Bbi j