
corps étendu en largeur,fans autre épaiffeur que celle
de chacun de ces vaifleaux ; on a l’idée de la première
membrane vafculeufe , la moins compofée de cette
efpece, que l’on puiffe imaginer ; cette même membrane
repliée fur elle-même , pour former un canal
cylindrique ou conique, fait le premier vaiffeau
dont la tunique Ibit vafculeufe : plufieurs vaifleaux
de cette efpece-, unis entr’eu x, pour former des
membranes toujours plus compofées , font les matériaux
des tuniques de vaifleaux toujours plus con-
fidérables ; &c ainfi en remontant de ceux-ci à de
plus grands encore, jufqu’aux principales ramifications
& aux troncs des vaifleaux fanguins qui tiennent
au centre commun de tous les canaux du corps
humain, qui en eft formé dans fon tout & dans fes
différentes parties , & d’où réfulte la fabrique de ce
chef-d’oeuvre de la nature.
Mais cette conftrultion ^ telle qu’elle vient d’être
repréfentée, par rapport à la formation des fibre s ,
des membranes , qui ne font qu’un aflemblage àtfibres
, des vaifleaux formés de ces membranes , Amples
& compofées ; & de tous les organes conftruits
de l’union de ces vaifleaux différens entr’eux & différemment
aflociés ; cette conftrultion ne peut être
rendue, que par parties & par opérations fuccefli-
ves ; mais la nature travaille différemment, elle
jette, pour ainfi dire , fon ouvrage au moule ; tout
fe forme en même tems, fibres, tuniques, vaifleaux,
organes de toute efpece ; tout fort achevé de les
mains , conformément à fon archétype ; l’embryon
eft auffi parfait dans fon état que l’adulte ; l ’accroif-
fement n’eft qu’une perfeltion refpeâive , en tant
qu’elle eft une tendance au terme que fe propofe la
nature , qui eft de donner une confidence à l’union
des parties qui forment cet embryon ; confidence
qui puiffe en conferver & faire durer l’édifice, juf-
qu’à ce que cette caufe confervatrice devienne elle-
même , par une fuite néceflaire de fes effets, la caufe
deftrultive de ce même édifice par le mécha-
nifme qui commence la vie & qui la maintient ;
méchanifme dont l’expofition ne fera pas déplacée
ici.
Le corps humain, quelque grand & quelque volumineux
qu’il puifle être ; quelque fermes & compa
re s que foient la plupart des organes dont il eft
compofé , lorfqu’il a atteint le dernier degré d’in-
crement, a été formé d’un aflemblage de parties de
la matière infiniment plus petit que le plus petit
grain de fable, qui n’a commencé à tomber fous les
lens que fous la forme d’une goutte de liquide ;
cet aflemblage renfermoit cependant proportioné-
ment le même nombre d’organes, la même diftribu-
tionde vaifleaux & d’humeurs diverfement élaborés
que l’on trouve enfuite dans l’adulte : ce n’eft pas
par une addition extérieure de nouvelles parties ,
ue ces rudimens de l’homme ainfi conçus s’étenent
& grofliffent, mais par une intus - fufception
des fluides , dont les parties intégrantes font propres
à produire cet effet ; fluides qui ne peuvent être
ainfi préparés que dans le petit individu , tel qu’il
vient d’être repréfenté, tout impuiflant qu’il paroît
pour cela , tout informe qu’il fe préfente à nosfens :
ces changemens admirables font produits par une
double caufe , qui ne ceffe d’agir tant que la vie
fubfifte, c’eft-à-dire par le méchanifme de l’accroif-
fement & par celui de la folidefcence.
Les effets du premier confiftent en ce que quelques
particules des fluides qui ont été élaborées, affinées
, & rendues homogènes au point de pouvoir
pénétrer dans les vaifleaux les plus Amples, s’appliquent
aux parois de ces vaifleaux, s’infinuent dans
l ’intervalle des élémens de la fibre dont ils font com-
pofés, à mefure que les élémens font écartés les uns
des autres par la caufe de la diftenfion, de l’alongement
des folides,de l’accroiffement, & laiffent entr’eux
des vuides, des fcrebicules à remplir ; enforte
que l’embryon acquiert ainfi toûjours plus d’étendue.
Voye^ A c c r o i s s e m e n t , N u t r i t i o n .
Quant à la force & à la fermeté de la fibre, c’eft
la folidefcence qui les lui donne par le méchanifme
qui va être expofé : il confifte dans la force de pref-
fion des vaifleaux les uns fur les autres, dans le tems
de leur diaftole : il eft fur , d’après les principes
d’Hydroftatique , que les liquides qui font mus dans
des canaux, agiffent, font effort contre les parois :
or une pareille impulfion fe faifant de l’axe vers les
parties latérales dans chacun des vaifleaux qui font
tous flexibles dans les premiers tems de la v ie , il
doit s’enfuivre qu’ils fe dilatent tous. Et plufieurs
vaifleaux qui fe trouvent contigus, qui forment une
raaffe entr’eux , étant conçus agir ainfi les uns fur
les autres, par la dilatation fyncrone qu’ils éprouvent
tous ; mais cette dilatation ne fe failant pas dans
tous avec une égale force , parce qu’ils n’ont pas
tous le même diamètre , parce qu’ils font plus ou
moins grands, parce qu’il y en a de compofés &de
fimples ; ceux qui font les plus petits , dont les fluides
contenus fe meuvent par conféquent avec plus
de lenteur , non-feulement ne peuvent pas fe dilater
comme les grands , mais encore ils ne peuvent
pas conferver la cavité qui leur eft propre ; ils font
preffés, comprimés de tous côtés par les vaifleaux
qui les environnent, dont la dilatation fe fait avec
une force fupérieure ; ils cedent à ces forces réunies
contr’eux , jufqu’à ce que les parois de ces petits
vaifleaux étant de plus en plus portées les unes contre
les autres, leur cavité fe perd, s’oblitère peu-à-
peu ; elles viennent à fe toucher à l’oppofite, à être
fortement appliquées les unes contre les autres , &c
ceffent de former un vaiffeau pour n’être plus
qu’un aggrégé ou un fafcicule de fibres intimement
unies entr’elles , & par le contait réciproque ,
peut-être aufli par la concrétion du peu de fluides
propres qui reftent dans leurs cavités, qui a par conféquent
beaucoup plus de force qu’il n’y en avoit
auparavant dans ces mêmes fibres , lorfqu’elles fe
touchoient entr’elles par moins de côtés : la cohé-
fion ainfi augmentée, les rend plus fermes, plus compares
, & par conféquent plus propres à conferver
leur continuité, à réfifter à tout effort, qui tend à
en opérer la folution.
Si l’on connoît qu’un femblable effet foit produit
dans un grand nombre de vaifleaux fimples des différentes
parties du corps , on doit en conclure que
la fermeté , la folidité doit augmenter dans toutes
fes parties : or comme , par le méchanifme général
du corps humain, cette force de preflion des vaif-
feaux les uns fur les autres, qui tend ainfi à convertir
les vaifleaux fimples en fibres compofées, produit
fes effets par degrés pendant tout le cours de la vie ,
en les augmentant continuellement à mefure qu’elle
augmente elle - même ; il s’enfuit que toutes les
parties du corps tendent continuellement à devenir
plus folides,- plus dures jufqu’à perdre leur flexibilité
, être deflechées prefqu’entierement ; c’eft cette
confidération qui a fait dire aux anciens que viverc
efi continuo rigefcere, que l’aâion de vie eft une tendance
continuelle à priver de leur flexibilité toutes
les parties folides de l’animal, à détruire par conféquent
la qualité la plus néceflaire pour l’exercice de
cette altion : enforte que ce qui conftitue la caufe
effentielle de la vie & l’entretient, tend de plus en
plus à devenir la caufe de la ceffation de la vie : c’eft
une loi1 commune, non - feulement à tout ce qui eft
animé, mais même à ce qui végété ; un chêne naif-
fant eft aufli mou, aufli flexible que l’herbe fraîche :
quelle dureté , quelle roideur n’acquiert - il pas par
ion accroiffement 6c par la durée de fa végétation !
Les parties de l’embryon, qui ne font que puïpeufés
dans les premiers tems de la v ie , prennent peu-à-
peu & de plus en plus une confiftence qui augmente
fenfiblement d’âge en âge dans l’adulte, & qui parvenue
à fon dernier degré de rigidité, conftitue la caufe
de la vieilleffe & de la fin des a étions de la v ie , parce
qu’elles dépendent de la flexibilité des organes, qui
ne fubfifte plus dans le cas dont il s’agit * les fibres
étant dures & deflechées par le long exercice de ces
allions mêmes.
L’expérience démontre ces effets , puifque non-
feulement ils ont lieu d’une maniéré bien fenfible dans
la peau, les mufcles, les tendons , mais encore dans
des fubftances des plus molles refpeltivement (telles
que les membranes, comme la plevre, ladure-mere,
les tuniques des vaifleaux, le tronc de l’aorte même,
des portions du fpie, de la rate), qui ont été trouvées
dans des vieillards véritablement ofîifiées ; ce
qui arrive en général, principalement dans les parties
expofées à des fortes preflions.
Quoique dans l’embryon les parties paroiffent toutes
également molles & pulpeuies, & ne femblent pas
avoir plus de confiftence les unes que les autres ; les
progrès de la folidité ne fe font pas en même proportion
dans toutes ; elle parvient à une très-grande
fermeté dans les os ; elle eft toûjours moindre
dans les cartilages , & beaucoup moindre encore
dans les membranes , les chairs , que dans ces dernières
: elle acquiert même des degrés différens dans
les différentes parties molles, félon que le fage auteur
de l’édifice l’a jugé néceflaire pour les ufages
auxquels elles font deftinées, pour le rapport qu’elles
ont entr’elles, en un mot pour la direction & la
confervation de l’économie animale. Cette différence
remarquable, il faut l’attribuer toûjours à la caufe
générale, ci-devant aflignée , c’eft-à-dire à l’inégalité
de preflion entre les vaifleaux des uns fur les
autres, des plus forts fur les plus foibles : cette caufe
agit par conféquent plus ou moins, félon la différence
des parties ; ainfi dans celles .où il fe trouve
un très - grand nombre de petits vaifleaux contigus ,
expofés tout-à-la-fois à la compreflion d’un nombre
fuffifant de grands vaifleaux ambians ; ceux - là font
également changés en fibres ^roflieres, c’eft-à-dire
formées de vaifleaux oblitérés , qui unis les uns
aux autres, forment des maffes de fibres toûjours
plus épaiffes, fans cavité ; d’oii réfulte la dureté des
îubftances offeufes, cartilagineufes, ce qui ne fe fait
que peu-à-peu, èc à proportion que les petits vaifleaux
font ainfi convertis en fibres compofées : car,
comme nous l’enfeigne la formation des o s , l’os dur
a été d’abord un compofé de plufieurs membranes
vafculeufes très-fines, difpofées en lames appliquées
les unes aux autres, qui ayant perdu peu-à-peu de fa
flexibilité , a acquis la confiftence d’un cartilage
avant que de parvenir à l’état de dureté, propre à la
fubftance offeufe : il s’enfuit donc que les parties de
l’embryon , deftinées à former les os , font compofées
de maniéré qu’elles on t, fous un volume donné
, un plus grand nombre de petits vaifleaux que
les autres parties , lefquelles foient fufceptibles de
fe laiffer comprimer librement par les vaifleaux qui
les environnent : conféquemment, la folidité ne dif-
continuant d’augmenter dans toutes les parties pendant
toute la v ie , eft cependant différente quant aux
effets ; parla différence de proportion qui exifte dans
les différentes parties entre les vaifleaux qui compriment
& ceux qui font comprimés au point d’en perdre
leur cavité ; enforte que cette folidefcence , qui s’opère
par le changement des petits vaifleaux en fibres
compofées, ne peut être attribuée qu’à l’inégalité
de preflion des vaifleaux entr’eux.
C ’eft pourquoi, puifque le cerveau eft toûjours
qne partie fi molle, même dans l’âge avancé, il y a
Tome V I ,
lieu de croire que cette égalité de confiftence dans
toutes les parties de ce v ifeere, fubfifte ainfi la mê^
me à-peu-près , parce qu’il n’y a point Ou prefque
point d’inégalité de preflion dans les vaifleaux dont
il eft compofé, qu’ils fe dilatent avec une égale for-
ce, & qu’aucun ne cede affez à d’autres pour être
comprimé, perdre fa cavité, & être changé enƒ -
bre compofée. Cette égalité de confiftence étôit ab~
folument néceflaire à un organe, dont les fondions
exigent une flexibilité confiante, & refpeltivement
égale dans les parties auxquelles il appartient de les
opérer.
Différences des cômpofes de la. fibre. Après avoir vit
en quoi confifte la différence entre la fibre Ample & la
fibre compofée, il refte à défigner les différentes ef-
peces de celle-ci : on la divife ordinairement en offeufe
j en charnue, & en nerveufe.
La première efpece eft Celle qui concourt à former
les parties les plus dures, les plus compa&es du corps
humain, c’eft-à-dire les os : les fibres offeufes font
difpofées en long dans les ôs figurés félon cette di-
menfion , & du centre à la circonférence dans'les os
plats ; elles forment dans les uns & les autres des lames,
dès couches appliquées les unes aux autres,
& différemment graduées, contournées félon la def-
tination des os ( voye^ O s ) ; elles font unies entr’elles
en beaucoup plus grand nombre , 'fous un volume
donné,que celles des autres efpeces ; elles fe touchent
par conféquent par un plus grand nombre de
points ; d’où réfulte dans les fubftances offeufes plus
de denfité, de force, de cohéfion, de folidité, de dureté,
que dans toutes les autresparties du corps; cependant
ces qualités varient encore du plus au moins
par rapport aux os compofés entr’eux : on peut comprendre
fous cette efpece les fubftances cornées
comme les ongles , dont les qualités approchent
beaucoup de celles des os. Voye[ O n g l e , C o r n e .
La fibre charnue eft un aflemblage de plufieurs faf-
cicules ou petits paquets de fibres fimples, ou de
vaifleaux fimples dégénérés en fibres compofées, qui
ne font pas unis entr’eux d’une maniéré bien intime
; ils forment une maffe très-peu compalte, aifé-
ment comprefîible, molle ; ils contiennent dans leurs
interftices des vaifleaux de différens genres,fanguins,
lymphatiques , nerveux ; ils font aufli féparés par de
fines membranes qui forment comme des cloifons : ces
fafcicules de fibres charnues font de différentes longueurs
& de différentes pofitions;ils s’étendent d’un os
à un autre os, ou d’un os à un autre point fixe quelconq
u e ^ ils font repliés fur eux-mêmes,&foudés parles
extrémités de maniéré à former une fibre circulaire, un
anneau charnu comme dans les mufcles fphincter; ou
ils font difpofés en fpirale différemment combinée ,
comme dans la ftruéhire du coeur. Les fibres charnues
font rouges, lorfqu’il y a du fang dans les interftices
des fafcicules fibreux , qui étant lavés ou
confidérés féparément, font blancs comme dans les
tendons qui ne font qu’une extenfîon des fibres charnues
dont font formes les mufcles , mais plus reffer-
rées dans ceux-là que dans ceux-ci ; de maniéré qu’elles
ne reçoivent point entr’elles de vaifleaux fanguins
: il en eft de même des aponévrofes & des membranes
qui font comme des lames, des toiles plus ou
moins approchantes de la nature du tendon.
La fibre nerveufe eft un compofé de filets pulpeux
blancs , qui entrent dans la eompofition du
cerveau, du cervelet, de la moelle alongée & épinière,
des ganglions Sc des produirions de toutes cet,
parties : ces produirions font appellées nerfs, lorfqu’elles
font difpofées en forme de cordons étendus
en ligne droite ou approchant, & qu’elles font revêtues
d’une gaîne membraneufe, prolongement
de la dure-mere qui accompagne leurs diftributions
dans toutes les parties du corps.
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