
même, en qui l’intérêt étouffe quelquefois le fen-
timent de la juftice ; enforte que ces pratiques demeurent
fouvent impunies , malgré les cris de l’opprimé,
le zèle des minières , & toute la prote&ion
qu’ils accordent aux loix.
La connoiffance & Je jugement des conteftations
pour raifon d’engagements militaires , appartient
aux intendants des provinces du royaume. C’eft à
eux qu’eft Spécialement confié , par cette attribution
, le foin important & glorieux de défendre la
liberté des Sujets contre les artifices & les violences
des gens de guerre , fur le fait des engagements ;
& l’on auroit bien lieu de gémir , que dans un gouvernement
auffi jufte que celui fous lequel nous
avons le bonheur de vivre , ces magistrats, par
leur vigilance & l’autorité dont ils font dépofi-
taircs, ne puffent enfin parvenir à détruire des
abus auflï condamnables.
Nous efpérons qu’on nous pardonnera d’avoir
ofé élever ici une foible voix dans la caufe de l'humanité.
Milices.
Elles Souffrent beaucoup , Sans- doute , des
moyens forcés qu’on eft obligé d’employer pour
recruter & entretenir les corps des milices ; mais
ces moyens font néceffinres : le législateur doit
feulement s’occuper du foin d’en tempérer la rigueur
, par touts les adouciffements poffibles , & |
de les faire tourner au profit de ta Société.
Les milices font la puiffance naturelle des états ;
elles en étoient même autrefois toute la force;mais
depuis que les Souverains ont à leur Solde des corps
de troupes toujours fubfiftants , le ptincipal eft devenu
l’acceffoire.
Le corps des milices de France eft entretenu en
paix comme en guerre, plus ou moins nombreux,
Suivant les conjonctures & les befoins, & forme,
en tout temps, un des plus fermes appuis de notre
monarchie , environnée de nations puiffantes , ja-
loufes & toujours armées.
Le ro i, pour concilier l’intérêt de Son Service
avec l’économie intérieure des provinces , par rapport
à la culture des terres , ordonne en temps de
paix , la Séparation des bataillons de milice , lef-
quels, en ce cas , ne font affemblés qu’une fois par •
an pour paffer en revue , & être exercés pendant
quelques jours.
C ’eft ainfi que Sans nuire aux travaux champêtres,
on prépare ces corps à une difcipline plus
parfaite; & qu’on y cultive, dans le loifir de la
paix , les qualités militaires qui doivent opérer leur
utilité pendant la guerre.
Les intendants -des provinces font chargés de
faire la levée des augmentations & des remplacements
qui y font ordonnés ; ils fixent par des états
de répartition , le nombre d’hommes que chaque
paroiffe doit fournir relativement à fa force , &
procèdent à la levée, chacun dans leurs départe- I
ments, foit par eux-mêmes, foit par leurs fubdélé- |
gués. Cette levée Se fait, comme nous l’avons déjà
dit, par voie de tirage au Sort entre les fnjets miliciables;
il en faut au moins quatre pour tirer un
milicien.
Les garçons fujets à la milice, de lagc de Seize
ans au moins, de quarante au plus, 8c les jeunes
gens mariés au-défions de,1 âge de vingt ans, de
la taille de cinq pieds au moins, Sains, robuÜes,
& c état de bien fervir , doivent, fous peine d’être
déclarés fuyards , fe présenter au jour indiqué par-
devant le commiffaire chargé de la levée, à l’effet
de tirer au fort pour les communautés de lenr réfi-
dence aétuelle; ils en fubiffent deux chacun : le
premier règle les rangs par ordre numérique, le
Second décide ceux qui doivent Servir.
Dans les paroiffes où il ne Se trouve pas dans la
claffe des garçons St celle des mariés au-deffous de
vingt ans, le nombre de quatre miliciables pour
chacun des miliciens demandés , on a recours aux
hommes mariés au-deffùs de l’âge de vingt ans &
au deffous de quarante. Us tirent d’abord au fort
pour fournir entre eux les hommes néceffaires' à
joindre aux autres çlaffes, & complet ter le nombre
de quatre miliciables pour chaque milicien , 8c ceux
que le Sort a choifis, tirent enfuite concurremment
avec les garçons 8c les jeunes mariés., Ceux des
miliciables, garçons ou mariés auxquels le fort eft
échu , Sont fur le champ enregiftrés 8c fignalès dans
le procès-verbal, 8c dès ce moment acquis au Service
delà milice.. L’intérêt de la population Semblé-»
roit exiger que l’on n’y affujettît pas les hommes
mariés ; auffi quelques intendants, pénétrés de la
néceffité de protéger les mariages, s'élevant au.-
deffus delà lo i , préfèrent de tirer un milicien entre
deux ou trois garçons ,. à l’inconvénient de faire
tirer les hommes mariés ; d’autres les en difpenfent
à l’âge de trente ans ; mais ne feroit-il pas plus
avantageux de les. en difpenfer tout-à-fait, 8c. en
même temps d’affujettir dé nouveau au fort , les .
Soldats des milices congédiés q ui, après un intervalle
d’années déterminé , depuis leur premier Service
, fe trouveraient encore célibataires au-deffous
de l’âge de quarante ans ? Cette nouvelle reffource
mettroit en état d’accorder l’exemption abfolue de
milice aux hommes mariés , fans opérer un vuide
fenfible dans le nombre des fujets miliciables. Nous
hafardons cette idée fur l’exemple à peu-près Semblable
de ce qui Se pratique dans le Service des milices
gardes-côtes du royaume.
Tout Sujet miliciable convaincu d’avoir ufé d’artifices
pour Se fouftraire au Sort dans le tirage , eft
cenfé milicien de droit, 8c comme tel condamné
de Servir à la décharge de fa paroiffe, .ou de celui
auquel le Sort eft échu..
Le temps du Service de la milice étoit de fix années
pendant la dernière guerre; il a été réduit à
cinq depuis la paix. Les Soldats de milice reçoivent
exactement leurs congés abfolus à l’expiration de ce
terme, à moins que les circonftances n’obligent à
en fufpendre la délivrance, Ce font les intendant«
«,«1 les expédient , & il eft défendu aux office»
d’en donner aucun, à peine d’etre caftes. royt{
L ic en c iem en t . - ,
Le Service volontaire rendu dans les troupes réglées
, ne difpenfe pas de celui de la milice.
Il ne doit y être admis aucun paffager ni vagabond.
Il eft défendu à tout milicien d en fubltituer un
autre à fa place, hors un frère qui fe préfente pour
Son frère, à peine contre le milicien de fix mois de
prifon & de dix années de Service au-delà du temps
qu’il fe trouvera avoir Servi, de trois années de galères
contre l’homme fubftitué, 8c de cinq cents
livres d’amende contre les paroiffes qui auroient
toléré la fubftitution. Cette difpofition rigoureufe
eft ordonnée pour favorifer le travail des recrues
.des troupes réglées ; on s’en écarte dans quelques
, provinces par une facilité peut-être louable dans
<on motif, mais très contraire par Son effet au véritable
intérêt du Service.
Les fuyards de la milice , ceux qui fe font fonf-
traitsau tirage par des engagements Simulés, ou
qui, après avoir joint un régiment, reftent plus de
fix mois dans la province , font condamnes à dix
années de Service de milice.
Il eft libre à un milicien quia arrêté 8c fait confti-
tuer un fuyard en fon lieu 6c place, de prendre parti
dans les troupes réglées. jij
Les fuyards conftitués n’ont pas le droit d en
faire conftituer d’autres en leur place. V , FuyARD.
Les miliciens quijnanquentaux affemblées indiquées
de leurs bataillons , doivent être contraints
d’y Servir pendant dix années au-delà du terme de
leur engagement.
Cenx qui défertent des quartiers d’affemblée, ou
qui s’enrôlent dans d’autres troupes , font condamnés
aux galères, perpétuelles,
Il eft défendu de donner retraite à aucun garçon
fujet à la milice, à peine de cinq cents livres'd’a-
niende ; de faire ou tolérer aucune contribution ou
cotifation en faveur des miliciens fous la même 1
peine ; 8c aux miliciens de faire d attroupement oii j
exaftion fous prétexte du Service de la milice , à j
peine d’être pourfuivis comme perturbateurs du re- |
pos publie.
Les Soldats de milice font affujettis comme ceux
des autres troupes , aux peines portées par les ordonnances
touchant les crimes & délits militaires.^
Si dans une communauté où il faut plufieurs miliciens,
deux frères ayant père ou mère fe trouvent
dans le cas de tirer , 8c que l’un d’eux tombe au
fort, l ’autre en eft exempté pour Cette fois. S’il s’en
trouve trois , 8c que les deux premiers Soient faits
miliciens, le troifième eft tiré du rang , & ainfi à
proportion dans les autres cas, de manière qu il
refte aux pères ou mères au moins ua de plufieurs
enfants fujets à la milice.
Sont exempts du Service de milice, les officiers
de jufiiee 8c de finance 8c leurs enfants ; les employés
aux recettes 8i fermes du roi ; les médecins,
chirurgiens 8c apothicaires ; les avocats , procureurs
, notaires & huiffiers ; les étudiants dans les
univerfités & les collèges depuis un an au moins;
les commerçants 8c maîtres de métiers dans les
villes o ù ily a maîrnfe.; les fujets des pays étrangers
domiciliés dans le royaume; les maîtres des
poftes aux lettres 8c aux chevaux, 8c pour ceux-ci
un poftillon par quatre chevaux ; les laboureurs fai-
Tant valoir au moins une charrue, 8c un fils ou do-
meftique à leur choix, s’ils en font.valoir deux ; les
valets fervant à la perfonne des eccléfiaftiques, des
officiers, gentilshommes 8c autres.
On fe plaint depuis longtemps de voir jouir d©
cette exemption , les valets aux perfonnes ; à la faveur
d’un tel privilège, cette claffe oifive 8c trop
nombreufe enlève continuellement 8c fans retour,
au travail de la terre 8c aux arts utiles, ce qu’il y
a de mieux conftitué dans la jeuneffe des campagnes
, pour remplir les antichambres des grands
8c des riches. Tout bon citoyen efpère du zèle patriotique
des miniftres, une loi reftricnve fur ceifc
abus.
Il feroit trop long de détailler ici les autres claffeS
qui jouiffentde l’exemption de la milice, nous nous
bornons à celle-ci, 8c renvoyons aux ordonnances;
pour le furplus.
Mais avant de terminer cet article , qu’il nous
foit permis de jetter un regard fur l’ordre des laboureurs
, cette portion précieufe des fujets qui
mérite tant de confidération , 8c qui en a fi peu :
elle paroît avoir été trop négligée dans la -difpenfanion
des privilèges relatifs au fervice de la milice, r
Dans une de nos plus belles provinces , oùTagri- »
culture languiffoit par le malheur des temps , ont
lui a rendu fa première activité en augmentant, à
cet égard, les privilèges de l’agriculteur.
Il a été réglé que les laboureurs qui feroient
valoir une charrue , foit en propre , foit à ferme 9
8c. entretiendront au moins quatre chevaux toute
l'année, quelle que foit leur cotte à la taille, outre
l’exemption perfonnelle , en feront jouir un de
leurs fils au-deffus de l’âge de feize ans, fervant à
leur labourage , ou à ce défaut un domeftique.
Que ceux qui feront valoir plufieurs charrues en
propre ou à ferme, ou entretiendront auffi toute
l’année quatre chevaux par chacune, outre le privilège
perfonnel, auront encore celui d’exempter
par chacune charrue, foit un fils au-deffus de l'âgé-
de feize ans fervant à leur labourage, foit au défaut
un domeftique à leur choix.
Et en même temps que les maîtres de métier»
où il y a: maîrrife approuvée , qui ne. feront pas
mariés 8c n’auront pas l’âge de trente; ans, feront
fujets à la milice ; mais que ceux au deffus dé . cet
âge, qui exerceront publiquement leur proftfilon
à boutique ouverte dans les villes , en feront
exempts. •
Sur l’heur eu fe expérience de cesdifpofitions fa-
lutaires , ne feroit-il pas poffible detendre leur influence
aux autres provinces du royaume r On ne
A a i j