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que 1 on cîoît s’en prendre de la naiflance de ce
préjugé & des forces qu’il a acquifes. En mettant
a l’enchère le droit de ne point loger les
troupes, ils ont dit à la nation : « il eft bas', il eft
ignoble de partager fon toit avec les gens de
guerre;-il n’y a que là lie du peuple qui puifle ,
fans rougir, fupporter cette humiliation ». C ’eft
ainfi que l’efprit nfcal dénature le caraélère 8c détruit
les vertus. Qu’il foit à jamais flétri celui qui,
le premier, a vendu le droit de ne point lover les
gens de guerre ; c’eft lu i qui a placé cet aâe^d’hu-
manité , cet aâe que je 1 fuis tenté d’appeller vertueux,
parmi les devoirs bas 8c ferviles. Ah! qu’il
étoit peu philofophe, qu’il connoiffoit mal le coeur
humain & les véritables intérêts de l’état, celui
qui, le premier, a mis l’exemption de logementau
rang des prérogatives honorables. Comment eft-ii.
pomble qu’on ait imaginé de donner pour récom-
penfe à un citoyen , ce qui tourne au détriment
des autres ?
S i , à l’exemple de Platon , de Thomas Morus ou
du baron de Haller, j’ofois créer-une république ,
ou fi , plus audacieux, j’entreprenois de bâtir-une
nouvelle Salente , je ménagerois dans chacun des
palais du fouverain un appartement fimple , mais
commode ; on liroit fur la porte de c-et appartement
: aux défenfeurs de la patrie. On trou ver oit
dans les hôtels des princes , des grands & des mi-
niftres , un appartement femblable & une inferip-
tion pareille ; ces appartements feroient toujours
occupés avant ceux que le refte-des citoyens au-
roient aufli ménagé dans leurs maifons. La cabane
du manoeuvre, le chaume du laboureur & le réduit
(1q l’artifan utile, feroient les feuls endroits
l ’on ne trouveroit point àe logement pour les
militaires; ne regardez point comme une humilia-,
tion , dirois-je à ces malheureux , l’exemption que
je vous ai accordée de ne point loger les défenfeurs
de l’état, c’eft la juftice qui m’à infpiré cette idée ;
par vos travaux confiants , vousj-endez bien plus à
la patrie que vous ne lui devez & qu’elle ne frit
pour vous ; joüiffez en paix du fruit de vos labeurs;
fi la fortune, jufte une fois, augmente confie
ra blement vos propriétés , alors je vous permettrai
de payer cette efpèce d’impôt. Si les mi-
niftres de la religion portoient leurs réclamations
jufquà moi, je leur dirois: je comtois vos droits
vos privilèges , je fais que les méditations pro^
fondes que vos devoirs exigent demandent de la
tranquillité & de la liberté, aufli je ne vous ordonne
point de loger des militaires; mais je vous
le demande au nom de la piété & de la religion ;
en vous chargeant vous-même de cet impôt bien
léger pour vous , vous exercerez un aéle de charité
vive envers les citoyens indigents, & d’ailleurs
vos bons exemples & vos diieours ramèneront
peut-être quelques militaires dans la voie
qu’ils n’auroient jamais du abandonner & que
vous devez être jaloux de leur voir fuivre. I
Je dirois à la noblefle aâueilement au feryiee 3 I
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c eft pour vous-même , c*eft pour vos enfants, c’eft
pour les compagnons de vos travaux , que vous
faites le légerSacrifice que je vous demande ; en
confentant à donner retraite, peut-être une feule
fois , à un de vos camarades, vous obtenez le droit
de loger, pendant trente ans , dans des maifons où
vous n’aurez qu’à vous applaudir de l’accueil que
vous recevrez, des foins qu’on vous prodiguera ,
& vous ne craindrez point d’être à charge à vos
hôtes. Je tiendrois à-peu-près le même langage à la
noblefle qui ne feroit point au fervice, & j’aj-oute-
rois de plus : c’eft pour avoir fervi l'état les armes
à la main que vos aïeux ont été honorés de l’éperon
doré ; c’eft parce qu’on a efpéré que vous imiteriez
leur conduite, qu’on vous a confërvé leurs
privilèges; eft-il jufte que vous jouifliez des pré-
■ rogatives qu’ils ont obtenues, fi vous n’imitez pas
les aélions qu’ils ont faites ? A toutes les autres:
clafles je dirois : c’eft à vous , fortunés poffeffeurs
de nos- campagnes fertiles , c’eft à vous, qui êtes
vivement intérefles. à la confervation & au bien
etre du foldat , à lui fournir un lit fur lequel il
puifle oublier fes fatigues ; c’eft à vous à lui procurer
un abri commode, & non au fimple artifan ,
qui, comme l’âne de la fable, peut impunément
changer de maître plufieurs fois dans un jour. Vos
veuves 8c vos filles feront feules difpenfées du logement
perfonnel ; ce n’eft pas que je craigne de voir
mes foldats manquer aux égards & au refpeéi qui eft
du à leur fexe, mais des femmes toujoursfoibïes &
timides , pourroient concevoir cette efpèce de
crainte, & je dois la leur épargner. Si ces motifs ,
& quelques autres que je pourrois faire valoir , ne
triomphoient point d’une vanité aufli petite que
mal entendue , alors je recourrors à la févérité *
des hommes intègres: feroient chargés de la vérification
des titres d’exemption > & par leur févérité y
ils parviendroient fans doute à ouvrir à mes troupes
un grand nombre de maifons que des injuflrces
des ufurparions odieufes, ou de faux expofés leur
ont fermées (C . ) .
Logement. Tranchée faite fur le haut du glacis
ou dans un- ouvrage d’une place aflâégée, duquel
l’afllégeant s’eft emparé. On en fait le parapet avec
des gabions , des fafeines , des facs à terre , & oiï
y conftruit beaucoup de traverfes tournantes pour
le garantir de l’enfilade. V. Places (attaque des ).
LOIX MILITAIRES. Les loix militaires font les
règles que l’autorité fuprême preferit à ceux de fes-
fujets qui lui ont promis volontairement, ou qui
font obligés par étatfle la fervir les armes à la. main’..
| On ne s’attend point, fans doute, 'à trouver ici;
un traité complet fur les loix militaires ; il faudiroit ,,
pour le compofer, avoir le génie de Mentefqnieu *■
& pour le renfermer un efpace plus vafte que celui
dont nous pouvons difpofer. Ce que nous allons
mettre fous les yeux de nos leéleurs doit être
confidéré moins comme un ouvrage achevé ; que
comme un efîai, ou plutôt encore comme la table
des chàpûzès d’ un grand ouvrage. J’ai extrait des
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mines dafts lefquelles ils étoient épars, les matériaux
que-j’offre aujourd’hui ; je les ai rafiemblés ,
& j’ai eflayé d’en dégrofiir quelques-uns , afin d’épargner
à l’homme de génie qui entreprendra
quelque jour, de conftruire l’édifice , un travail
prefque mécbanique , & qui auroit pu ou lafler M
patience , ou épuifer une partie de fes Forces.
Immédiatement avant d’écrire cet article, j’ai
relu avec toute l’attention qu’ils méritent, Lo k e,
Montefquieu , RoufTeau , 8c quelques autres écrivains
moins célèbres , mais qui , néanmoins , ont
des droits à notre eftime ; je n’ai trouvé , dans les
ouvrages que ces hommes illuftres nous ont laiffés,
que très peu de cliofe fur les loix militaires ; mais
les principes généraux qu’ils ont pofés fur les loix-
civiles, étant fouvent applicables aux loix militaires
, ils me ferviront de guide. J’ai relu aufli les
ouvrages des guerriers qui ont tourné leurs regards
vers cet objet important ; ils feront fans, ceffe fous
mes yeux, ils m’apprendront à reconnokre les vrais
çaraftères des loix militaires , & à faire une jufte
application des principes que je puiferai dans les
loix civiles.
§• i-
Origine & efprit des loix militaires.
Les premiers hommes qui fe raffemblèrent ou
pour défendre à main armée ce qu’on vouloir leur
ravir , ou pour reprendre ce qu’on leur avoit dérobé
, ou pour s’emparer eux-mêmes de ce qui étoit
l’objet de leurs défirs, ayant fenti dès le premier
jour de leur raffemblement, qu’ils n’arriveroient jamais
à leur but s’ils nefaifoient pas à la paflion qui
les animoit le facrifice d’une grande partie de leur
liberté, durent dès lors s’aflujettir fans peine à des
loix pofitives , 8c promettre de leur obéir avec fourmilion.
On peut en effet., à l’aide d’un grand
nombre de fuppofiti©ns, concevoir un peuple vivant
pendant la paix fans loix pofitives ; ©n peut
même, abfolument parlant, imaginer une nation
entière plongée pendant un temps confidérable
dans l’anarchie la pins grande ; mais dès qu’on raf-
femble quelques hommes armés , on eft obligé ,
quelques fuppofi.tions qu’on faffe , non-feulement
de leur donner un chef, mais de leur impofer des
loix.
On ne peut guères s’empêcher de convenir que
les premières loix civiles de chaque peuple, n’ayent
été rédigées dans une affemblée générale de la. nation
, & quelles n’ayent été le réfultat de la volonté
libre des. tous les affociés ; mais on eft forcé ci’a{ligner
une autre origine aux premières loix militaires.
Le premier vainqueur, enorgueilli parles
fuccès qu’il avoit eus , 8c animé par les avantages
que la vidoire lui avoit procurés, ( elle lui avoit
fucceflivement fournis quelques-uns de fes fem-
blablés ) , conçu; le (vif défir. d’étendre fes conquêtes,
& d’augmenter le nombre de fes efclaves.
Pour fatisfaire cette paflion nouvelle, U dut pro-
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pofer à fonts ceux qu’il avoit déjà fournis , de le féconder
dans l’expédition qu’il avoit réfolue ; &
pour les y déterminer, il dut leur tenir à-peu-prèa
le langage fuivant : Ceux d’entre vous qui me fui-
vront dans la courfe que je vais faire, obtiendront
fur ceux que je vaincrai, les mêmes droits que j’ai,
fur vous ; ceux qui me féconderont r feront admis
au partage du butin qHe je ferai, & du tribut que-'
j’im.poferai aux vaincus ; ceux qui m’obéiront avec
le plus de zèle, feront diftingués d’avec les autres ;
8c ceux qui combattront avec le plus d’intelligence
& de valeur ^marcheront à l’avenir immédiatement
après moi : ceux au contraire qui n’exécuteront pas.
mes commandements, qui manqueront de fidélité,
de valeur ou d’obéiffance , feront châtiés ou punis
avec rigueur. i ,
Tel rut fans doute le premier code militaire : on
y reconnoît clairement l’origine de nos loix de fub-
fiftancè & de paye , d’encouragement 8c de récom-
penfe , de châtiment & de punition : mais on y
voit encore plus diftinélement celle de l’autoritéab- .
folue dont le chef des guerriers a conftamment joui »'
même chez les nations les plus jaloufes de leur liberté
naturelle. Par-tout en effet les armées ont été
foumifes à une autorité defpotique : touts les peuples
ont fenti que les puifianc.es intermédiaires s
ces contre-poids qui font fi heureux, fi néceffaires
dans l’adminiftration civile, feroient dangereux &
nuifibles dans des corps dont l’ iinion, le fecret &
la célérité font Ja force.
§. i i .
CaraElcre des loix militaires«
Les loix militaires ne.peuvent point, comme les
’loix civiles ,.être divifées en loix naturelles ou immuables,
St en loix arbitraires : aucune loi purement
militaire , n’eft naturelle , & aucune ri’eft tel-,
lement jufte, qu’aucune autorité ne puifle ni la
changer ni l’abolir : on doit donc fe borner a divifer
les Joix militaires en loix conftitutives & en loix de
police. La première de ces deux claffes .comprend
les loix relatives à la levée, à la formation & à la
divifion des troupes ; & la fécondé, les loix triomphales,
pénales , fomptuaires ; celles de fubordi-
nation .& de difeipline, de fubfiftance, de paye 9
d’armement,. &c»
Nous allons effayer d’offrir les principes généraux
que le légiflateur militaire doit fuivre en rédigeant
les loix martiales. Nous ne ferons point l’application
des principes que nous poferons ; cela
nous mèneroit trop loin : mais nous tâcherons de
prouver en peu de mots , que chacun d’eux èft
jufte & conforme aux notions généralement reçues
par les bons efprirs.
On auroit conçu une opinion très fauffe des loix
militaires , fi on les croyoit faites principalement
pour impofer. un joug aux gens de guerre. Leur
premier objet, c’eft de mener les guerriers à la