
38î P L A
trouver des fituations qui favoriferont les ouvrages
de ce camp, notamment s’ils font faits avec un
peu de loifir & de circonfpeélion , fans attendre lè^
péril d’un fiège, qui fait précipiter toutes chofes
8c ôte le plus fouvent les moyens de faire ce que
l ’on voudroit pour fe mettre en état de bien faire ;
la dépenfe en feroit médiocre & l’utilité incomparable.
19°. Je fais l’objeélion qu’on me fera contre ces
camps, qu’il eft raffoibliffemem de l’armée principale
; mais on doit confidérer que ce n’eft que
pour un temps très médiocre , ce détachement ne
devant dutÿsr qu’autant que le péril durera. La
grande armée ne manquera pas de fituation avan-
tageufe pour fe camper & fe retrancher ; elle
pourra même fort incommoder l’ennemi dans fes
cbnvois & dans fes fourrages, tant par elle-même
que par fes partis. Après tout, ne vaut - il pas
mieux qu’elle demeure quelque temps dans une
efpèce d’inaétion , que de voir perdre une bonne
place à fa v u e , fans aucun moyen de la pouvoir
fecourir , comme i l arriveroit infailliblement ft
l ’ennemi pouvoit mettre fur pied une armée d’ob-
fervation un peu forte.; je pourrois ajouter encor
» que l’armée affiégeante fe trouvant en partie
inveûie par notre grande armée, la difficulté des
convois & du fourrage feroit feule capable de l ’obliger
à la levée du fiège.
Des devoirs des gouvérneurs.
Le premier devoir d’un gouverneur confiée :
1®- Dans une parfaire coenoiffance de fa place , en
gros & en détail, de manière qu’il entende bien
les propriétés de chaque pièce de fa fortification ,
la conduite qu’il faut tenir pour leur défenfe, &
jufqu’où elle peut fe pouffer.
a°. De ne point fe laiffer corrompre ni fur-
prendre par les ennemis couverts, ni parles amis
apparents ; mais de fe conduire toujours avec une
défiance générale qui ne donne fujet à perfonne
d’efer même lui rien propofer de contraire au fer-
vice du roi.
30. D ’avoir une attention continuelle 'fur fa gar-
nifon, fur'les rondes & patrouilles qui s’y font,
& fur fes gardes, de les voir monter & defeendre,
de les vifiter fouvent dans les corps- de garde, pour
voir fi chacun eft à fon pofte & y fait fon devoir.
4°. Défaire fouvent le tour de fon rempart, d’en
vifiter toutes les parties , notamment les ponts ,
portes & fermetures , les égoûts même, 8c routes
. Jes entrées & forties d’eau, qu’il faut tenir toujours
bien en état & en fureté , pour que l’ennemi ne
s’y gliffe par aucun endroit.
D'avoir la même attention polir toutes les
parties qui compofent les dehors; les vifiter toutes,
& en connoître à fond les défauts & les avantages ,
même ceux du terreindes environs, jufqu’àportée
& demi de canon de la place, & en faire de bons
plans particuliers. ;
P L A
6®. Il n’eft pas moins néceffaire qu’il ait une
carte générale & bien raifonnée de toute l’étendue
de fon gouvernement, avec une defeription exaâe
des maifons & des bourgeois qui les habitent, du
nombre des chevaux & des charrues, & c., & fur-
tout des arts & métiers qui s’y trouveront ; il faut
renouveller touts le9 ans ce dénombrement.
7°. Il faut qu’il faffe toutes les nuits, ou qu’il
faite faire par le lieutenant de roi ou le major, les
rondes à des heures différences ; il parlera à toutes
les fentinelles , vifitera les armes 8c gargouffes des
foldats , appellera celles du dehors , oc les obligera
à répondre, pour tenir tout fon monde en haleine.
8°. 11 faut bien établir à propos le nombre des
fentinelles autour de la place , fur-tout le long des
paffages, des portes » des entrées 8c forties d’eau,
& avoir des guîteurs fideles & intelligents fur les
plus hauts clochers , pour être averti de tout, &
pour prévenir jufqu’aux moindres furprifes.
i 90. Mettre des confignes à ,ces mêmes portes,'
qui auront foin d’interroger les gens qui s’y préfen-
. teront, pour favoir qui ils font, d’où ils viennent
1 & où ils vont ; & félon leur réponfe, les confi-
gner aux officiers de garde pour les faire mener au
gouverneur, ou pour les laiffer paffer s’ils n’ont
rien à dire.
io°. Confidérer fa place comme fa maîtreffe,’
pour lui -donner touts fes foins & fes afiiduirés,
dehors & dedans , conferver les arbres de fon rempart,
les faire élaguer touts les ans, en bonne faifon,
remplacer ceux qui manquent, planter des bois
taillis dans touts les taluts du rempart des demi-
lunes , & autres lieux, notamment de l’ofier franc,
parce qu’il eft fort néceffaire dans les places pour
faire des paniers, des hottes, &c. Les arbres du
rempart doivent être faerés, & tellement refpeélés
que jamais on ne les coupe qu’en vue d’un fiège,
pour en faire des affûts, plates-forme^, paliffades
& cabanes, contre les demi-bombes & les pierres.
On peut cependant en couper quand ils font en
maturité, 8c les faire fécher longtemps avant que
de les mettre en oeuvre, ou les conferver dans
des magafins, obfervant d’en planter d’autres e n
même temps & en même quantité.
i i °. Vifiter fouvent les magafins à poudre &
l’arcenal ; fe faire un plaifir de faire bien arranger
les munitions, 8c les tenir féchement & proprement,
chacune^ la place qui lui eft deftinée. On
doit fe rendre fort févère là-deffus envers les garde-
magafins, qu’il faut obferver de près, pour s’af-
furer de leur fidélité & de leur exaélitude.
12°. Se faire aimer fincérement de fon état
major, & de fa garnifon, en leur rendant juftice,
& leur faifant touts les plàifirs qui dépendront de
lu i, les priant fouvent à fa table, & leur faifant un»
partjudicieufe des émoluments permis de fa place,
félon la quote-part qui revient à chacun de droit
ou d’ ufage. Quand il y a quelques petites places
appartenantes au roi, qui ne font point occupées,
& qui font propres à faire de petits jardins , ojq
PL A
îféuten donner aux gardes-magafins, & aux capitaines
des portes, parce qu’ils font cenfes en quelque
façon faire partie de l’état-major.
i3°.Un des meilleurs avis qu on puiffe donner
à un gouverneur de place, c’eft de ménager fur fa
table , fur fon jeu , & fur fes dépenfes extraordinaires
les moins néceffaires, une fomme de 2, ou
3000 livres, & de la faire convertir en demi écus,
quarts & demi quarts d’écus, qu’il mettra dans une
caflette où il ne touchera qu’en cas de fiège, &
que la tranchée ne foit ouverte ; pour lors il en
mettra dans fes poches touts les jours pour les distribuer
ça & là en vifitant fes portes, aux foldats
néceffiteux , qui font exténués de fatigues, de faim,
de foif, ou qui font malades. J’ai remarqué plu-
fieurs fois qu’un efealin ou deux donnés à propos
à un pauvre foldat, lui font plus de bien qu’un écu
donné quand il eft à fon aife, & enfanté; ce qui
peu-à peu lui attirera l’amitié des foldats de fa garnifon.
Il eft bon de leur dire que fi on leur donne
peu, on leur donnera prefque touts les jours, afin
d’exciter leur confiance & leur courage à bien faire.
Ces petites libéralités qu’un gouverneur fait à fes
dépens, ne doivent point l’empêcher d'en faire de
groffes aux dépens du roi , aux officiers bleffés, &
aux foldats qui fe feront diftingués, ayant foin de
les accompagner de paroles gracieufes & compa-
tiflantes à leurs maux; rien n’eft plus capable que
cela de lui attirer l’eftime & le coeur de fa garnifon.
C’eft dans la paix, mieux que dans la guerre ,
que le gouverneur peut fe donner tout entier à
l’étude de la place , & s’appliquer à tout ce qui peut
y convenir, parce que c’eft da.iS les temps de repos
& de loifir que l’on peut faire tel arrangement
qu’on veut ; c’eft donc pendant la paix qu’il doit
examiner touts les befoins de fa place.
Des fouterreins.
Les fouterreins font d’une grande néceffité pendant
un fiège, pour y loger les poudres 8c les
matières combuftibles, obfervant qu’il faut les di»
vifer autant qu’il fera poffible , èc les mettre en différents
lieux éloignés les uns des autres. C ’eft pourquoi
il eft à propos de bien examiner non-feulement
les fouterreins appartenants au roi, mais encore
ceux des particuliers & des communautés ou
couvents ; tenir regiftre de leur quantité, longueur,
largeur 8c hauteur, afin de juger combien ils
pourroient contenir de poudre en chappée , & remarquer
ceux qui font voûtés à plein ceintre ,
comme étant les meilleurs.
Les caves communes qui n’ont qu’une brique
d’épaiffeur, font les plus mauvaifes de routes les
voûtes ; celles à deux briques d’épaiffeur, 8c approchant
du plein ceintre , valent mieux, mais les
meilleures font celles qui ont trois briques d’épaiffeur,
quand elles font chargées de quatre à cinq pieds
de terre, ou de deux ou trois étages de planches
au-deffus; on peut s’y fier, pourvu qu’elles foient
bien fèches.
p L A 38$
ï)es magafins A poudre
NoS magafins à poudre, faits à la moderne, fonf
fort bons , 8c jufqit’içi il n’eti eft arrivé aucun a c cident
fâcheux, bien qu’il foit tombé de greffes
bombes deffus, en plufieurs endroits ; je ne fuis
cependant pas d’avis qu’on s’y fie trop, parce que
contenant pour l’ordinaire 90 à 100 & 120 milliers
de poudre , fi par malheur le feu y prenoit, cet
accident feroit capable de houleveffer toute une
ville, & de tuer la moitié des habitans. Dans les
endroits où il en manquera, il en faudra faire
faire de provifionnels par les mineurs , fous le
rempart, & fous les lieux élevés, étayés de bois
dans touts les endroits qui le pourront porter;
ceux-ci font fujets à de grandes humidités , 8c ne
valent pas grand chofe. Ce font des ouvrages qui
peuvent fe faire peu-à-peu fous toutes les parties
du rempart, on peut même en faire fervir les con-
tremines qui ne font point oppofées aux attaques
de la place, ainfi que les portes des forties dont on
peut fe paffer.
Quand on en pourra faire de maçonnerie fous
les faces, flancs & courtines des baftions, ou fous
quelques autres parties des remparts, ou au dedans
de la place, ils feront bons par-tout, félon les
façons qu’on leur voudra donner. Il n’en faut pas
faire qui n’ayent au moins huit pieds de largeur ,
afin d’y pouvoir mettre deux rangées de barriques
en chappées , de deux pieds & demi de long cha*
cune, ,8c de laiffer au milieu une allée de trois
pieds. Les murs de ceux-ci doivent être adoffés d’une
pierrée ou muraille fèche, d’un pied & demi
d’épaiffeur, mouffée 8c bien arrangée par main
de maçon ; la voûte très bien faite , à plein
ceintre, de deux pieds & demi d’épaiffeur, avec
un extrados bien cimenté, une cheminée à feu fur
le derrière, dont les tuyaux débouchent dans le
parapet ; ces tuyaux ne doivent pas avoir plus de
fix pouces de largeur par le haut, à leur fortie, de
peur que les bombes ne les embouchent. A l’égard
de la longueur de Ces fouterreins, on peut leur
donner celle qu’on jugera à propos ; leurs voûtes
doivent être recouvertes de quatre doigts d’épais de
bon grevin, avec cinq à fix pieds de terre au-deffus.
Quand il y aura lieu d’accoler deux ou trois fouterreins
enfemble,.même quatre, ils n*en vaudront
que mieux > & fe feront à meilleur marché. Si au
lieu deTiuit pieds de largeur, on leur en donne neuf,
ils en feront meilleurs, puifque l’allée de large fera
plus commode pour le remuement des barriques.
Si on leur donne dix pieds, le feuterrein fera plus
grand, & capable de contenir plus de munitions ,
mais oh n’y pourra mettre que deux rangées de
barriques qitï occuperont le milieu ; on pourra en-
gerber trois barriques l une fur l’autre, en laiffant
deux allées du côté des murs, de 2 pieds & demi
de large chacune. Si on leur donne i i pieds, les
deux allées auront chacune 3 pieds, mais il n’y aura