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fera toujours éclairée chez lui pal* la fpécula*
rion la plus affidue.
Avec de la h arche (Te , du jugement & la connoiffance
des moyens qui prflduifent l’obéiffance , il
.ne te lailiera point maîtrifer par l’animal qu’il
monte, & il évitera en même temps de l’avilir.
Avec une patience inaltérable , il fupportera l ’ardeur
«u la vivacité de Ton cheval, & évitera de Te
lailTer aller à la moindre inquiétude , dans la
crainte de retarder pour toujours la docilité de l’animal
, en altérant Ton agrément & Tes forces.
Ainfi faifant continuellement un heureux ufage
de fes connoiflances fpéculatives & pratiques , le
bon écuyer pourra feul contribuer à la pcrfeélion
de fon art ; ce qui fert à prouver toujours davantage
que trop peu de fpeculation & trop peu de
pratique nuifent infiniment à l’équitation. Voyez
en effet l’écolier qui a le plus de difpofitions , ce
n’eft que très tard qu’il parvient à fentir les mouvements
de l’animal, & fans les fentir, peut-on les
connoître, les apprécier & les régler félon la nature
& fes forces ? Mais combien il y a loin encore delà
à la connoiffance du caraélère de l’animal ! Cependant
touts les écuyers conviennent qu’il eff infiniment
elTènriel de travailler fur ce eara&ère , fans
quoi il exifteroit trop fouvent entre les deux agents
des conrradiéfions très fatiguantes pour l’homme ,
& très deftruâives pour le cheval. Tout s’accorde
donc à prouver la néceffité d’étudier plus longtemps
qu’on ne l’a fait jufqu’à préfent, fi l’on veut
acquérir les vraies connoiffances de l’équitation,
& parvenir à favoir bien monter 6c dreffer un
cheval. , .
T r o i s i è m e c a u s e .
Aucune cfpèce de rècompenfe pour ceux que l'on inf-
iruit dans cet art & qui s'y diflinguent, d'où Cuit
le manque (f émulation.
Pourquoi les écuyers de la grande écurie font-
ils choifis pour montrer à monter à cheval à touts
les princes ? Pourquoi les grands feigneurs 6c tant
de gens comme il faut, follicitent-ils fi ardemment
auprès de M. le grand écuyer, la permiffion de
laiffer monter leurs enfants dans les manèges de la
grande écurie ? C ’eft que l’on croit affez communément
que cette école eff la meilleure,
Pourquoi avoit-on , il n’y a pas longtemps, dans
ces mêmes écoles , des élèves de la gendarmerie ?
Pourquoi y avez-vous encore des gardes du Roi ?
Pourquoi y donnez-vous des leçons à touts les
pages? N’eftce pas afin d’en faire des hommes de
cheval ? N’eft-ce pas afin que les uns, rentrant
dans leurs corps refpeéfifs , & les autres placés
dans des troupes à cheval , puiffent y porter de
bons principes , ramener à ceux qu’on auroit oubliés
, 6c détruire les mauvais qu’on auroit pu adopt
e r ? .... Mais pourquoi ce but qui paroiffoit fi
jfage f ce but, le feul qu’on a dû fe propofer jufqu’à
MAN
prefent, 8c qu’on doive fe propofer bien plus ert-
core aéfiiellernent, a-t il été auflï mal rempli ? Pourquoi
fort-il auffi peu d’hommes vraiment inftruits
des manèges ? Pourquoi n’en fort il peut-être aucun
ui foit en état de montrer à d’autres? C ’efl d’abord ,
comment pouvoir nous empêcher de le dire?)
parce que les maîtres eux-mêmes ne font pas parfaitement
d’accord entr’eux ; c’eft qu’on ne s’eft pas
encore fournis à cette unanimité fi néceffaire, 8c
fans laquelle on ne réuffira jamais parfaitement ;
c’eft qu’en commençant à s’éloigner des principes
fcrupuleufement fuivis jufqu’à préfent par ceux
qu on regarde à jufte titre comme de grands maîtres,
chaque écuyer fe permet actuellement des interprétations
de ces principes, qui en éloignent infen-
fiblement , & rendent trop incertaines les leçons
qu ils en donnent.... C ’eft que les écoliers reftent
trop peu dans les écoles.... C ’eft enfin , ( & cette
raifon devient plus forte à la fuite des autres) ,
parce qu’on ne diftingue ni l’on ne rècompenfe
ceux qui s’appliquent davantage que les autres :
ceux-ci annonçant de plus grandes difpofitions ,
parviendroient fûrement à devenir de très bons
écuyers, s’ils étoient encouragés par des louanges ,
' & excités à l’émulation par l’efpoir des récompenfes
& des diflinéfions.
Q u a t r i è m e c a u v s e .
Aucun établijjement qui puijje étendre la fcience, ni
dans le royaume , ni dans les troupes à ekeval
Nous voici arrivés à la dernière des caufes que
nous avons indiquées , & à celle en même temps
qui contribue le plus à la décadence de l'art de
l’équitation , & qui , corrigée avec fageffe , pou-
voit porter cet art au feul but qu’il doit avoir, la
fureté des hommes qui montent à cheval 8c l’éducation
ainfi que la confervation de toute efpèce de
chevaux, fur tout ceux pour la guerre.
Si l’équitation n’étoit qu’un art de luxe & d’agré-
menr, il feroit peu important d’en étendre la
connoiffance : mais outre qu’il forme des hommes
pour les chevaux, & des chevaux pour les hommes;
outre qu’il apprend aux premiers à monter avec
grâce & fûreté ; outre qu’il fe fert des féconds
pour la promenade , la fanté , les voyages, la
chaffe , il forme principalement des chevaux pour
la guerre. Depuis que la cavalerie eft devenue une
des armes effentielles de nos armées.... le parti que
le roi de Pruffe avoit tiré de fa cavalerie bien
dreffée , dans la guerre de 1755 , avoit convaincu
de la néceffité de s’occuper à la paix de
cette partie effentielle. M. de Choifeul établit donc
des manèges pour les troupes à cheval, & choifit
des écuyers pour lesjinftruire : mais il arriva malheu-
reufement une chofe trop commune dans les nouveaux
établiffements : en outre des principes & de
l’inftru&ion , on voulut que chaque cavalier fût un
écuyer, & chaque cheval un cheval de manège. On
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fatigua les uns, on ruina les autres ; & à peine
s’étoit-il écoulé quelques , années , que déjà la
France ne pouvoir plus compter fur aucuns des
chevaux de, fa cavalerie : l’abus extrême quon
avoit fait du befoin d'inftmire les chevaux des
troupes à cheval, fit tomber dans un autre inconvénient
: les manèges furent fupprimés , & avec
eux l’infiruélion ; la -cavalerie, qu’on ne pouvoir
pas remonter tout-à-la-fois , conferva une partie
de Tes chevaux ruinés, 6c remplaça 1 autre par des
chevaux trop jeunes ôc trop peu formés. Plusieurs
jeunes colonels ne réfléchirent point à ce double
inconvénient. Touts les militaires qui avoient ete
en Pruffe, ou en entendoient parler , ont voulu inl-
truire la cavalerie à charger en muraille 6c autrement
: les vieux chevaux n’y refiftèrent pas, &
les jeunes s’y énervèrent au point de n être plus
en état de pouvoir faire une route un peu longue....
Ce n’eft pas fans peine qu’on ofe retracer ici un
tableau auffi affligeant de la fituation de la plus
grande partie de nos troupes à cheval;fituation dont
on ne s’apperçoit que trop dans ce moment-ci, 6c
d’où s’enfuivent des maux qui ne pourront que
s’accroître fi l’on ne travaille pas ponctuellement à
les arrêter. ,
Un des moyens les plus puiffants pour y réunir,
feroit d’établir dans chaque régiment de cavalerie ;
un écuyer & un fpus* écuyer.... L ecuyer, avec le
grade de capitaine, d’abord 3000 l. d appointement,
8c l’agrément, fans quitter fa place , de monter en
grade , ainfi que de voir augmenter fes appointements
félon Ion mérite & les feryiees qu’il auroit
rendus dans fa partie.... Le fous-écuyer , grade
de lieutenants, 12.00 liv. dappointements , •& le
même avantage,que l’écuyer , d avancer en grade
& en augmentation d’appointements.... Ces nouveaux
officiers pourront fe monter à-peu-près à
150 , & coûter environ 100,000 écus par an : mais
on retrouveroit fort aifément cette dépenfe , 6c
au delà, dans les épargnes qu’on feroit fur l’achat
des chevaux , dont on ne tarderoit pas de faire
une bien moindre confommation.,.. Entrons dans
quelques détails.
Inftru&ion des cavaliers & des jeunes officiers ,
éducation des chevaux.... leur nourriture.... leur logement....
leur maladie , travail, panfemenr ; leurs
harnois , leur réforme.... examen 6c admiffion des
remontes.... Telles devroient être les différentes
parties qui feroient du reffort du nouvel écuyer,
ainfi que du fous-écuyer.
Après ces détails , on fentira aifément que fi
l’on parvenoit à former ou à fe procurer des
écuyers 6c des fous-écuyers capables de veiller à
toutes ces différentes parties , on tarderoit bien
peu à être affurés d’avoir une excellente cavalerie ,
des chevaux qui dureroient, & une grande économie.
Jnflruâion des hommes.... éducation des chevaux.
kTouts les chevaux qui arriveroient dans un ré-
MAN -,
gimenl, ayant pafl'é par les mains de l’écuyer ou
du feus-écuyer, ainfi que les recrues.... connoif-
fant la capacité , le caraâère, la nature 6c la force
des uns’ & des autres, ils veilleroient à accorder
l’efpèce des chevaux avec la connoiffance qu'ils au-
roient des cavaliers ; & ils s’affureroiem par-là des
uns & des autres.... Ainfi , à un cavalier peu fuf-
ceptible de s’inftruire, ils donneroient un cheval
fage & plus formé.... à un cavalier au .contraire qui
auroit des moyens’ , ils remettroient un cheval dans
le cas d’acquérir & de gagner. Si pour récompen-
fer celui-ci , ils lui avoient confié un joli cheval,
ils lui qteroient pour le punir , fi ilss’appercevoient
qu’il en eut moins foin. D’ailleurs, les chevaux
dreffés d’abord, auroient infiniment plus de docilité
, de confiance, de folidité 6c d’agrément ; ce
quirendroit le cavalier plus fur , plus confiant &
plus tranquille fur fon cheval, que lorfque par
l’ignorahce de l’un & de l’autre , ils font conti nuel-
, lement en contradiction enfemble.
On fe garderoit bien de tourmenter les anciens
officiers & cavaliers pour les rendre plus inftruits ;
le bien ne s’opéreroit que lentement, par gradation
, & d’après les feuls bons principes dont on feroit
convenu dans les écoles de la grande écurie à
Yerfail’es , où on les auroit appris. Avec cette manière
prudente de fe conduire , on auroit lieu d’ef-
pérer que les connoiffances s’étendant de .jour en
jour , il feroit affez difficile que les anciens officiers
& cavaliers n’abandonnaffent pas les préjugés
dangereux qu’ils pourroient avoir, 8c ne faififfent
pas avec empreffement l’occafion de connoître 6c
de meure en ufage des principes clairs, fimples , en
petit nombre , & d’une.exécution facile.
Quant aux jeunes officiers, ils feroient tenus à
avoir un cheval d'elcadron , qu’ils monteroient au
moins trois fois chaque femaine, pour le former ,
, ainfi qu’eux , fous la leçon de l’écuyer , qui leurap-
prendroit à le connoître & à le dreffer fans l’ufer.
Après avoir conduit ainfi fucceffivement, & peu à
peu , les cavaliers 6c les officiers à connoître leurs
chevaux, 6c à les monter ; après avoir démontré
par une pratique confiante , qu'un cheval bien
monté & bien dreffé, n’ eft jamais expofé à s’ufer
par le jfervice qu’on lui demande , on ne courroit
fans doute plus le rifque d’entendre murmurer les
* officiers , qui découragent 6c dégoûtent fouvent les
cavaliers , 6c s’oppofent par-là au bien qu’on pour-
roit faire.
Nourriture.
On croit qu’il feroit avantageux que chaque régiment
des troupes à cheval, eût pour la nourriture
de fes chevaux, un pourvoyeur qui lui feroit attaché
, dontles marchés feroient connus des chefs ,
s ainfi que des écuyers , qui veilleroient fur-tout fur
la qualité des matières.... Il feroit auffi néceffaire
qu’on ne diminuât jamais , fous quelque prétexte
. que ce puiffe être, la nourriture des chevaux, &
qu’ils eu fient affez de paille , ou qu’elle fut affez