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ligne devant touts les rangs d’ enfeignes. Lorfque
Tite-Live d it, ( /. IX ,c . 39 ) , cadunt antefignarù
& ne nudentur propugnatoribus figna, fit ex fiecunda
prima actes : u Ceux qui font devant les enfeignes
font défaits, & afin que les enfeignes ne foient.pas
dépourvus de défenfeurs, la fécondé ligne remplace
la première » ; il faut entendre par le mot
figna, les enfeignes des haftats , & non toutes celles
de la légion. Quand le même auteur d it , diclator
figna fierri 6» fiequi armatos jubet, on n’entend point
que toutes les enfeignes marchoient réunies à la
tète de la ligne, mais que chacune étoit portée
devant fa troupe. Si Tite-Live dit encore , coefos
hafiatos principes que, Jlragem & ante figna & po(l
figna fiakam, triarios pofiremo rem rejütuijfie , ( /.
V l l l , c. 11. ) « les haftats & les princes furent défaits
, le carnage eut lieu devant & derrière les
enfeignes ; les triaires rétablirent le combat » ; ces
enfeignes font celles des haftats & des princes, qui
étoient chacune derrière leur centurie ; il y eut des
liaflats tués en avant de leurs enfeignes & derrière
elles , & il en fut de même des princes. L’aigle
étoit confiée- au primipile. Comment aurait il pu
y veiller & en répondre, fi elle n’eût pas été près
de lui ? De même l’enfeigne de chaque centurie lui
étoit confiée; comment pouvoit-elle la défendre ,
fi elle eût été féparée d’elle ou placée devant elle ?
Ces raifons pourraient fuffire pour établir chaque
enfeigne derrière la divifion à laquelle elle appar-
tenoit ; mais je trouve deux paflages de Tite-Live
où cette place leur eft alfignée en termes exprès.
Cet auteur dit de Scipion à Zama, ( l. X X X , c.
33 ) • lnfirult deindeprimos hafiatos , J>°fl eos principes
, triariis pofiremam aciem claufit. Non confertas
autem cohortes ante fua quamque figna inflruebat jfied
mmipulos ali quantum interfie difiantes. « Il forma les
haftats en première ligne, derrière eux les princes ,
& les triaires en dernière ligne. Il ne forma point
les cohortes ferrées , chacune devant fies enfieignes ,
mais les manipules un peu diftants entre eux ».
Voilà donc évidemment les cohortes formées chacune
devant fes enfeignes, c’eft-à-dire, les haftats
devant les leurs , les princes devant les leurs, les
triaires devant les leurs. Au chapitre fuivant, on
trouve les enfeignes des haftats tout auffi clairement
diftingués de celles des princes. Qui primi
erant, hafiati.....,fiequentes hofiem , & figna & ordig
nés ç.onfiuderunt ; principum quoqiie figna fiuEluari
cceperant, vagam ante fie cernendo aciem 4 « les haftats
oui étoient en première ligne...., fuivant l’ennemi,
mirent de la confufion dans leurs rangs & dans
leurs enfeignes; celles des princes commencèrent
suffi à flotter, c’eft-à-dire, perdre leur alignement
en voyant devant elles cette ligne en défordre ».
Ces deux paflages ne laiflent aucun doute fur la
place des enfeignes.
Fig. 372. Troifième ordre de bataille. Lègiori de
5,400 hommes•
TAC
L L. Troupes légères.
P P . Princes.
T T. Triaires, roraires & accenfes.
E E-. Enfeignes.
V V . Vexilles.
Le nombre de divifions dans chaque ligne fut
augmenté avec celui des hommes de la légion , afin
de ne rien changer au manipule dans l’ordre de bataille,
& de le conferver à .120 , nombre que l’on
avoit trouvé le plus commode & le plus avantageux.
Lorfqu’on la compofa de 4,300 hommes ,
compris les roraires & les accenfes, ce que l’on
nommoit ordo ou divifion , étoit. de 62 , dont un
centurion & un vexiliaire. La „légion étant de
4,200, la cohorte étoit de 420 ; en ôtant de ce
nombre la divifion des triaires, qui étoit toujours
de 60 , il refte 360 hommes pour les deux manipules
des haftats & des princes , dont chacun étoit
de 180 Chacun de ces manipules étoit fous-divifé
en trois parties ou ferions , dont deux formoient,
dans l’ordre de bataille, un manipule qu’il faut distinguer
ici du manipule ordinaire. Ainfi, dans la
première cohorte, les deux premières de ces fec-
tions formoient, dans chaque ligne de haftats &
de princes, un manipule d’ordre de bataille ; la
troifième feélion, jointe à une autre feélion pareille
delà fécondé cohorte, formoit un fécond
manipule d’ordre de bataille; les deux autres fec-
tions de la fécondé cohorte formoient un troifième
manipule ; les deux premières feélions de la troifième
cohorte formoient un quatrième manipule ,
& ainfi des autres. Cette difpofition donnoit quinze
manipules à la ligne des haftats, ainfi qu’à celle
des princes, comme le dit Tite-Live , dont le
texte n’eft point altéré, comme l’ont cru plufieurs
critiques. Ce nombre de 30 manipules, de 120
hommes , chacun donne 3,600 , qui, ajoutés aux
600 triaires , font exactement les 4,200 hommes ,
dont la légion étoit compofée au temps dont parle
l’hift.orien Romain. ( J. Lips de milit. Rom. I. I I ,
dial. 3. Le Beau , mém. t. X X X I I , p. 298 ).
On joignit à chaque manipule de haftats ou de
première ligne vingt hommes , qui n’étoient armés
- que de la hafte & du goefium, & un certain nombre
d’autres foldats qui portoient le bouclier ; ces deux
premières lignes formées l’une par les haftats,
l’autre par les princes , étoient nommées antepi-
lani ; on y obfervoit entre les manipules de médiocres
intervalles , & les manipules étoient dif*
pofés en quinconce. •
Il reftoit dans chaque cohorte une divifion de
60 triaires , nombre infuffifant pour en former une
ligne égale aux deux autres; on y joignit les roraires
& les accenfes ; & pour en affimiler les di-
vifions à celle des haftats & des princes , on ajouta
aux 60 triaires de chaque cohorte un nombre égal
de roraires & autant d’accenfes , ce qui forma dix
divifions primitives de 180 hommes chacune ,
égales en nombre aux manipules ordinaires des
haftats & des HH. Haftats, princes ; mais pour les diftinguer de
TAC
tes manipules ordinaires •, Tite-Live les défigne
par le nom général d'ordo ou de divifion.
Chacun de ces dix ordres ou divifions eut auffi
trois parties , fous-divifions ou ferions , dont chacune
fut encore diftinguée de celles des haftats &
des princes par le nom de vexille ; ainfi chacun de
ces ordres ou divifions primitives étoit de 186 hommes
, favoir, 180 foldats , tant triaires que roraires
ëç accenfes, & deux hommes par vexilte, dont un
centurion & un porre enfeigne. La première fous-
divifion ou le premier vexille des triaires étoit
nommé principile.
L’ordre de bataille à cette troifième ligne étoit
le même qu’aux deux premières. On y formoit
quinze divifions , quindeclm ordines , correfpon-
dantes aux quinze manipules de bataille des haftats
& des princes. La première étoit formée par le
premier vexille des triaires & par le premier des
roraires & des accenfes ; la fécondé, par le fécond
des triaires , des roraires & des accenfes , & ainfi
de fuite ; difpofition qui rendoit la troifième ligne
égale aux deux autres, & l’ordre de bataille de la
plus grande régularité. ( Liv. I. V I I I , c. 3 ).
Cette addition de 1.200 roraires & accenfes por-
toit le nombre cle la légion à 5,400 hommes. Ceci
s’accorde avec Tite-Live, qui dit que les légions
levées dans ce même temps dont il parle étoient
d’environ 5,000 hommes.
Chaque enfeigne étoit placée dans les trois lignes
derrière la troupe à laquelle elle appartenoit. C ’étaient
les enfeignes qui régloient la marche. ( Liv.
l . X X X , c , 33 ).
Lorfque l’ardeur du foldat la lui faifoit paroître
trop lente, il prcfloit les porte-enfeignes , il les '
excitoit à l’accélérer. ( Id. I. IX , c. 13. X , 5 ). 1
Tite-Live nous apprend enfuite comment ces j
trois lignes combattoienr. Les haftats commen-
çoient le combat; s’ils n’avoient pas un avantage
décifif, ils fe retiraient promptement par les intervalles
derrière lès princes. Alors ceux-ci renou-
velloient le combat, & les haftats les fuivoieht.
Pendant ces attaques, les triaires , le genou droit
en terre ,1e bouclier appuyé contre l’épaule , le talon
de la hafte fixé en terre, & la pointe préfentée
comme celles des pieux d’un retranchement, ref-
toient immobiles. En même-temps les roraires fe
portoient entre les deux premières lignes & les' fe-
condoient. Lorfque l’attaque ne réuffifoit pas, ils
fe retiraient peu à peu vers les triaires; alors ceux-
ci , dans lefquels étoient la dernière efpérance, fe
levant, dès-que . les princes & les haftats avoient
depafte les intervalles, ferraient leurs divifions, &
marchoient en ligne pleine à l’ennemi , lequel,
poursuivant des troupes qu’il regardoit comme
vaincues , étoit fou vent effrayé en voyant paroître
tout à coup une nouvelle ligne. ( Id. I. V I I I , c. 9 ).
Lorfque les armées Romaines devinrent plus
nombreufes , l’on employa l’ordre par cohortes
errees eu en lignes prefque pleines ; celui ci étoit
en ufage au temps de Scipion. Tite-Live obferve [
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qu à la bataille de Zama, ce général ne forma
point fes cohortes ferrées chacune devant leurs
enfeignes, mais qu’il laifla des intervalles entre
les manipules , afin qu’il y eût d’une cohorte à
l'autre un intervalle où les éléphants des ennemis
puflenr paflfer fans troubler les divifions , non confier
tas cohortes ante fiua quamque figna infiruebat ,fied
manipulos aliquantum inter fie difiantes, ut effet fipa-
tiurn quo éléphanti hortium accepti nihil ordines tur-
barent. Marius ayant aboli la diftin&ion des foldats
en 'haftats , princes & triaires , l’ordre par cohortes
difpofées en quinconce fut de fon temps, & après
lui le feul qui fut employé.
De la difcipline générale des camps,
Sous la république, le général, maître abfolu
dans fon camp,y maintenoit l’ordre fuivant qu’il
étoit févère ou indulgent, auftère ou relâché lui-
même en fes moeurs. La difcipline des Romains ne
fouffrit , avant leur conquête en Afie, que des al-
; térations paffagères. L’exemple du luxe oriental
| la corrompit & l’énerva par degrés. Les généraux
eurent des lits ornés d’or , d’argent & d’ivoire, des
tapis magnifiques , d'habiles muficiennes ; un cuifi-
nier qui, chez leurs ancêtres , n’étoir qu’un vil
efclave , fut pour eux un homme précieux ; les
voluptés devinrent néceflaires , les devoirs pénibles
; le luxe s’introduifit parmi les foldats même,
jijl toute efpèce de licence fut même tolérée, qùèfe
1 quefois même autorifée. Lorfque Scipion arriva
dans le camp devant Numance , il y trouva deux
mille femmes publiques & un grand nombre de
valets , de marchands de vins, de facrificateurs,
de vivandiers , qui alloient avec les foldats les
plus indifcipîinés piller les campagnes fans l ’ordre
de leurs officiers. ( Liv. I. X X X IX , c. 6 , de R.
5 6 7 , av. J. C. 186. Val. Max. L I I , c. 8 , §. 1.
Flor. î. I I , c. 18 , de R. 620 , avdJ. C. 13 3
Auffitotii éloigna ces inftruments de luxe & de
mollefle , propre à entretenir l infolent efprit de
licence introduit par fes prédécefleurs. « Ce que
vous faites ic i, difoit-il à fes troupes , ce n’eft pas
la guerre, c’eft un brigandage. Vous connoiffez
mieux les marches que les aflauts & les combats.
Vous délirez , avant la viâoire , les profits & les
plaifirs'qui en font les fu:res. Je ne viens point ici
pour m’enrichir, mais pour vaincre. Recevez de
moi l’exemple du travail & de la difcipline ». IL
défendit d’apporter dans le camp tout ce qui n e-
toit pas néceflaire; les bagages , les charriots, les
chevaux inutiles furent défendus ; l’ufage des mulets
dans les marches &-celui des bains proferits ;
la viande bouillie ou rôti fut feule permife ; on ne
put avoir d’autres uftenfiles qu’une broche, une
marmite & un gobelet ; les lits furent interdits ;
Scipion couchoit fur de la paille ou des feuilles fè-
ches ; Numance fut détruite &l*Efpagne fQumife.
Dans les derniers temps- de la république, les
generaux divifes entre eux , cherchant moins à fe