
Les gros bagages de l'armée doivent avoir été
renvoyas en lieu ou ils l'oient en fureté, 8c les
menus bagages ne doivent marcher qu’à fa fuite ,
meme de loin, & lai fiant entre eux & les troupes ,
une di fiance qui empêche qu’ils ne fe brouillent
avec les colonnes des troupes, fi elles faifoient
quelques petites haltes, pour des raifons qui n’arrivent
que trop fréquemment dans les marches.
Cette diftance doit même être fuffifante pour
laitier un efpace entre les menus bagages & ia fécondé
ligne , capable de réformer fans embarras
la première ligne, fi dans le commencement du
combat il y en avoit une partie de renverfée par
l ’ennemi. Il eft même encore plus prudent à un général
qui marche à fon ennemi pour le combattre,
d'être absolument débarrafféde fes menus bagages,
quand même l’armée en devroit fouffrir quelques
heures. * 1
Il faut mettre à la tête des colonnes de bagages,
des détachements qui contiennent les valets, 8c les
empêchent de s’approcher de trop près des colonnes
des troupes , comme il vient d’être dit , à
.âs.ar queue , & fur le« flancs des efeortes, pour les
empecher d’être pillés & mis en confufion par de
petits partis ennemis, qui pourroient être dans les
flancs ou dans les derrières de l’armée.
t & ut ^ue ^ marche du corps de l’armée foit précédée
de quelques heures par un corps de cavalerie
, ou de cavalerie & d’infanterie , fuivant le
pays , afin que ce corps détaché éclaire la marche ,
& empeche que 1 armee ne fo;t furprife en colonne
, en cas , comme il peut fort bien arriver ,
que le ha fard eut fait faire a 1 ennemi le~même mouvement
pour marcher en avant, que Ton feroit
pour aller combattre.
Ce corps détaché doit être commandé par les
officiers généraux de jour, s’ils font gens de confiance
; finon le général en doit choifir de bons
pour une pareille commiffion, parce qu’elle eft
d’une fort grande conféquence.
Ce corps doit faire des haltes de temps en temps,
parce que comme il marche légèrement & fans aucun
embarras , il ne faut pas qu’il s’éloigne trop
du corps de l’armée, auquel il faut qu’il donne
continuellement des nouvelles de ce qu’il voit ou
de ce qu’il apprend. Et pour cela il doit avoir plti-
fieurs petits partis devant lui & fur fes flancs ; la
nature du pays par lequel il pâlie, lui fert de règle
pour la manière de fe conduire avec fureté & prudence.
Il faut que touts les officiers généraux marchent
à la tête des ailes & des colonnes fuivant l’ordre de
bataille , & les officiers particuliers à la tête de leur
corps.
Les nouvelles gardes doivent précéder la marche
du corps de l’armée. C ’eft à la tête de ces gardes
que doit marcher le maréchal de camp qui entre
de jou r , & le lieutenant-général de jour à la tête
du corps détaché de toute l’armée.
Le campement doit être gardé au corps de l’armee
jnfijii’à ce qu’on foit arrivé for le terrein où le
general veut camper (ans avoir trouvé l’ennemi.
Alors le maréchal de camp ayant poflé les nouvelles
gardes tout le plus avant qu’il fe peut pour
découvrir le pays , & le lieutenant - général avec
le corps détaché s’étant avancé pour couvrir les
gardes, le maréchal de camp revient pour déterminer
la droite & la gauche du camp ; il envoyé chercher
le campement, & diftrifaue le terrein fur lequel
enfuite l’armée arrive , & fe met en bataille
par première & fécondé ligne, pofe les armes &
campe.
On fait cependant arriver les bagages : après
quoi on doit faire fortir les fourrageurs , qui, pour-
ce premier foir ne doivent fourrager qu’en dedans
clés gardes. Le fourrage rentré, les troupes détachées
reviennent au camp , les gardes fe rapprochent
du pofte que le maréchal de camp leur
aura marqué; & lorique la nuit efl proche, elles
reviennent à leur pofte de nuit que le maréchal de
camp leur aura auffi marqué.
, Après que 1 ordre eft donné, les partis commandes
fortent du camp & s’avancent vers le lieu où.
I on fait qu’eft l’ennemi pour tenir l’armée avertie
de toute crainte de fùrprife , & pour éclairer la
marche du lendemain, en cas qu’il y en ait une à
faire.
Voilà a-peu-près ce qui fe peut donner de
maximes generales fur la manière de marcher en
avant & vers 1 ennemi. Tout ce qui fe peut prati-
^Uer/i ^eu,!s en Pare‘l cas de plus particulier,
confiite dans la nature du pays que l’armée traverfe.
Que fi 1 armée marche en arrière pour éviter le
combat, elle fait marcher d’avance , & même avant
la nuit qui doit précéder la marche en arrière , les
gros & les menus bagages avec une bonne efeorte ,
dont le commandant fait jufqu’où il faut qu’il
marche ; enfuite la plus grande partie de i’artille-
n e , avec une partie du corps deftiné à fa garde
n en confervant que quelques brigades auprès de
1 infanterie en cas de befoin.
Toute l’armée fe tient en bataille fous les armes
ufqu à ce que tout le camp foit débarraffé. Que fi
l armee a des défilés derrière fon camp , ils doivent
avoir été auparavant ouverts , & les ouvertures &
paflages multipliés autant qu’il aura été poffible
& leur tête gardée par de l’infanterie, & même
du canon , s’il fe trouve des endroits propres à y
en placer, pour être fervi contre l’ennemi avec
fucces.
On doit tenir devantla première ligne les vieilles
jardes du camp, & un corps détaché pour faire l’arrière
garde de tour. Les nouvelles gardes peuvent
*aire Ja tête de l’armée lorfqu’elle fe met en marche,
afin d’être placées où elles doivent être lorfque l’armée
arrivera furie terrein où il a été réfolu de la
camper.
Lorfque les défilés font entièrement débarraffés
& leur tête gardée par l’infanterie qui y aura été
portée, l’armée marchera par la fécondé ligne à coîonne
renverfée , & chacun des officiers qui conduit
une colonne entrera dans le défilé qui lui a été
marqué, obfervant bien de ne point embrouiller
la marche d'une autre colonne.
Quand cette fécondé ligne a paffé le défilé, elle
fe retourne & fc met en bataille pour attendre que
la première foit paffée , ou pour la foutenir en #as
qu’elle foit preffée par l’ennemi.
Lorfqu’il en eft fort proche Sc qù’il Veut abfolu-
ment engager une affaire , on doit, les jours qui.
précèdent la marche-, avoir fait faire un grand retranchement
qui couvre le front de l’armée , quelquefois
même deux. Ce fécond ne doit pourtant
être que grands redans devant les défilés, pour y
placer beaucoup d’infanterie ; les flancs de ces redans
doivent être ouverts, pour que la cavalerie
puiffe entrer dans les défilés par les côtés fans
couvrir les redans , dont le feu de l’infanterie qui
y eft placé doit protéger fon entrée.
En ce cas il eft bon que ce foit la fécondé ligne
d’infanterie qui entre de jour dans ces redans , &
qu’il n’y ait que la fécondé ligne de cayalerie qui,
marchant à l’entrée de la nuit , fe forme de l’autre
côté du. défilé; & après que tout ce qui eft à marcher
eft placé, on fait marcher la première ligne en colonne
renverféequi continue fa marche jufqu’à ce
qu’elle ait paffé le défilé où elle fe met en bataille ,
pour y attendre l’arrivée du corps' détaché , les
gardes, & enfuite l’infanterie quiétoit dans les redans
devant les défilés , & celle qui en gardoit la
tête ; après quoi touts ces corps étant rejoints à l’armée
dans leur ordre de marche , les vieilles gardes
& le corps détaché en font l’arrière-garde, jufqu’à
ce qu’eu foit arrivé dans le camp qu’on aura voulu
prendre.
Que fi l’armée qui veut éviter le combat, a une
rivière à paffer au lieu de défilé , les précautions à
prendre pour la fureté font encore bien plus
grandes. Et voici en général celles que je penfe
qu’on doit obferver.
Le général doit enfermer fon armée dans de
bonnes lignes , qui en couvrent les flancs jufqu’à la
rivière de l’autre côté de laquelle en dehors de fes
flancs , il doit établir de groffes redoutes bien remplies
de canon 8c d’infanterie , afin que l’ennemi
ne prenne point les flancs de l’armée, .& ne cherche
point à féparer lçs troupes qui feront en bataille ,
des ponts fur lefquels elles doivent paffer. On doit
auffi faire un fécond retranchement qui couvre touts
les ponts, & qui foit ouvert de diftance en distance
à côté des ponts, pour laiffer le paffage libre
à la cavalerie , dont la retraite eft toujours beaucoup
plus difficile que celle de l’infanterie , lorfqu’il
faut qu’elle paffé fur des ponts. Dans ce fécond
retranchement doit être placé un gros corps
d’infanterie.
Intérieurement à ces deux retranchements, ,on
• peut encore couvrir d’un redan chaque pont, 8c y
mettre de l’infanterie , pour faciliter la levée def-
dits ponts quand l’armée aura achevé de paffer.
Les gros 8c menus bagages doivent avoir pré*»
cédé d’un temps confidérable la marche de l’armée ,,
la cavalerie,doit auffi précéder la marche de l’infanterie,.
La première infanterie qui paffe la rivière doit
ê.tre poftée 8c retranchée fur l’autre bord, dans les
redoutes qui'doivent protéger les flancs de l’armée.
Rien ne doit être vu marcher par l ’ennemi, afin
qu’il n’appr.enne pas le temps de la marche pour attaquer
, parce que le défordre eft fort à craindre en
pareil cas; & fi l’ennemi eft à la vue.du camp , il
ne faut marcher que de nuit , après pourtant que
le fécond retranchement, les redans &. redoutes
auront été garnies de jour pour éviter le défordre.
Ce temps doit pourtant être pris de maniéré que ce.
mouvement ne puiffe point être vu par l ennemi.
La troifième manière de faire marcher l’armée ,
qui eft celle où elle change de camp pour la commodité
des fubfiftances, n’a rien de particulier
pour les précautions, 8c tombe dans les maximes
générales pour les marches.
La quatrième, qui eft celle où l’on marche pour
ôter à l’ennemi ou des fourrages commodes, ou
des facilités pour des convois de vivres , n’a point
auffi de maximes particulières. L’utilité de ce mouvement
dépend de la connoiffance exaéle que le
général a acquife du pays où il fait la guerre.
La cinquième , qui eft celle de forcer l’ennemi
à quitter le pays où il eft, n’a point encore de
maxime particulière pour fon exécution.
On peut feulement dire que fon utilité ne fe fera
fentlr qu’au cas que l’on puiffe , par cette marche ,
faire craindre à fon-ennemi Ou; une entreprife fur
quelqu’un de fes poftes dépourvus, ou une courfe
dans fon .pays par un corps de cavalerie qui, pendant
qu’il fera dehors fera couvert de l’armée ,
8c fans crainte d’être battu.
La fixième manière, qui eft celle d’empêcher
l’ennemi d’entrer dans un pays, m’a point encore
de maximes particulières pour fon exécution. Son
utilité réfide entière ment dans la capacité du général,
qui fait fe choifir le meilleur pofte pour ce
deffein.
La feptième manière, qui eft celle de paffer des
défilés , ou une rivière devant fon ennemi, ou
d’empêcher qu’il ne les paffe devant l’armée, a des
règles particulières pour être exécutée furement.
En voici les principales.
Ces défilés font caufés ou par des montagnes
qui refferrent la marche de l’armée 8c la réduifent à
une colonne feule, ou par des marais ou forêts ,- ou
par une rivière ., ou par des ravines difficiles à paffer
8c à rendre praticables.
Si ce défilé eft de la première efpèce , il faut fa-
yoir fi ces montagnes ont plufi.eurs gorges , fi l’armée
qui veut paffer eft du côté où la montagne eft
plus-élevée ou la plus humiliée fur la plaine.
Si ce paffage de montagnes a plufieurs gorges , il
faut faire entreprendre plufieurs des plus contiguës
par l’infamerie de l’armée, laquelle aura des détachements
qui monteront 8c le foutiendront toujours